Au 61e RA, tout est prêt pour accueillir le SDT Patroller

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« Nous sommes prêts pour le système de drones tactiques Patroller », annonce le lieutenant-colonel Jean-Louis, commandant du Centre de formation drones de l’armée de Terre (CFD-AT), intégré au 61e régiment d’artillerie de Chaumont. Le crash survenu il y a deux ans dans les Bouches-du-Rhône a certes repoussé la livraison des premiers systèmes mais, en coulisse, les instructeurs du CFD-AT ont maintenu le cap et sont parvenus à « pré-former » les pilotes et opérateurs images qui composeront les futurs équipages.

Rebondir après l’accident d’Istres

Le 6 décembre 2019, un drone Patroller s’écrase à Istres au cours d’un vol de réception industrielle. Un coup dur tant pour le maître d’œuvre, Safran Electronics & Defense, forcé de revoir sa copie, que pour les Diables noirs, qui ont vu s’éloigner la perception des premiers des 14 vecteurs commandés fin 2016.

Les instructeurs et maintenanciers du 61e RA sortent à peine d’un cycle de formation chez l’industriel. Tous ont réalisé huit semaines de théorie et d’apprentissage, suivies de six semaines de cours pratiques à Istres comprenant des phases de roulage et de vol. Mais un retour « bredouille » à Chaumont à la clef, faute de perspectives claires sur la poursuite du programme.

Deux ans plus tard, la page est définitivement tournée et plus rien ne semble désormais s’opposer à la livraison de 14 vecteurs courant 2022, conformément au calendrier avancé par le ministère des Armées. Cet été, une délégation du 61e RA, de la Direction générale de l’armement et de la Section technique de l’armée de Terre a ainsi pu constater de visu les améliorations apportées à l’appareil, au cours de six semaines d’évaluations menées par Safran en Finlande.

Entre 2019 et 2021, « beaucoup de choses ont évolué, aussi bien sur la mise en œuvre que sur l’utilisation du vecteur, des stations sols ou des capteurs », rassure le lieutenant-colonel Jean-Louis. L’installation et la mise en route de la station sol, par exemple, requéraient un grand nombre de manipulations. Désormais, tant son initialisation que son extinction se font de manière automatisée. Safran a également planché sur les bancs de test et les équipements de bord, misant par exemple sur l’ajout de tablettes déportées pour simplifier la prise en main et les opérations de maintenance.

Le cockpit de SDT Patroller sur lequel les pilotes et opérateurs images se font la main en attendant une solution définitive (Crédits : 61e RA)

Une première acculturation en attendant les formations

Côté 61e RA, l’accident d’Istres aura avant tout eu une incidence sur la poursuite de la formation. Il faudra attendre octobre 2020 pour que celle-ci reprenne partiellement et sur base d’un entraîneur à deux stations conformes aux futurs postes des utilisateurs. Cette capacité doit « donner un avant-goût et de commencer une pré-formation des personnels du régiment ». L’objectif est alors de « ne pas perdre de temps en permettant aux équipages de s’acculturer, de s’approprier le système sur base d’une copie conforme du futur ‘cockpit », résume le lieutenant-colonel Jean-Louis.

Cette prise en main effectuée en quatre jours ne concerne que les pilotes et les opérateurs charge utile. Elle leur permet non seulement d’appréhender la conduite et les différentes fonctions du SDT mais aussi de se mettre à jour et de maintenir les qualifications. À raison d’un équipage par semaine, environ 80 personnels en ont bénéficié jusqu’à aujourd’hui, dont certains à plusieurs reprises.

Ce cockpit à deux postes reprend toutes les fonctionnalités requises : création de mission et préparation de plan de vol, simulateur actuellement intégré dans la station sol, poste d’opérateur charge utile avec tous les capteurs disponibles. L’outil comprend également un simulateur de création d’exercices tenant compte de la météo, des scénarios de pannes, des différentes phases de mission et de la gestion du terrain et de l’environnement.

« Des scènes 3D ont été intégrées dans le simulateur pour que les opérateurs charge utile puissent travailler de manière réaliste, avec des éléments mobiles qui peuvent être implémentés au fur et à mesure, comme des véhicules terrestres ou des hélicoptères », relève l’adjudant Florent, instructeur imagerie au sein de la section SDT du CFD-AT. La palette d’environnements proposés dépasse le seul théâtre désertique pour reprendre, entre autres, des villes et des plateformes aéroportuaires. Résultat : un jeu d’animation et une modélisation 3D « impressionnants » selon le commandant du CFD-AT.

L’outil se veut transitoire mais « se rapproche dès à présent au maximum de ce qui va nous être livré », souligne l’adjudant Florent. Hormis les évolutions logicielles régulières, le volet matériel sera complété pour correspondre à la configuration finale à quatre postes d’une station sol : commandant de bord, pilote, opérateur charge utile et analyste images. Les trois premiers sont identiques donc interchangeables, le quatrième est doté d’un système d’exploitation propre à la mission d’analyse. Chaque « shelter » comprendra également une partie simulation « de façon à ce que les opérateurs puissent s’entraîner en continu ».

Les postes pilote-opérateur images-commandant de bord seront identiques pour permettre à l’équipage de choisir la meilleure disposition (Crédits : 61e RA)

Objectif 2022

Une fois le premier système SDT livré, l’enjeu sera double pour la section SDT du CFD-AT : d’une part, assurer la formation pure au sein du centre et, d’autre part, lancer la partie entraînement qui « va permettre justement de conserver, d’entretenir et de développer des connaissances et des compétences et qui incombe aussi au régiment ».

Le cycle d’apprentissage reste réparti sur 14 semaines. Cette durée étant incompressible, la montée en puissance de la capacité SDT se fera de manière progressive. « Les prévisions de formation reposent sur la portion de temps utile sur une année », lieutenant-colonel Jean-Louis. Avec un cycle complet agrégeant plusieurs modules sur quatre à cinq mois, la cellule SDT sera probablement en mesure de réaliser deux sessions par an, engendrant un nombre limité d’équipages. Cette formation est aussi un processus « vivant » qui sera adapté en fonction des évolutions et des nouvelles capacités qui viendront se greffer sur la plateforme.

Pour les pilotes, l’arrivée au CFD-AT sera systématiquement précédée de l’obtention d’une licence de pilote d’avion léger (LAPL), octroyée au terme d’un cursus de 17 semaines réalisé à Dax. Par ancienneté, les pilotes pourront ensuite devenir commandants de bord. Ils maintiendront par ailleurs leurs compétences en vol à Chaumont, à raison d’un minimum de 10 heures de vol par an.

Les instructeurs du 61e RA dans les starting-blocks, ne leur manque que l’aval des échelons supérieurs pour retourner chez Safran et être au rendez-vous en 2022. « Nous attendons maintenant le feu vert pour entamer les formations industrielles de nos formateurs, parce que l’on sait que derrière, peu de temps après, arrivera le système proprement dit », indique le chef du CFD-AT.