À Mourmelon, le CAPCIA-51e RI écrit une nouvelle page du programme SCORPION

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L’heure est aux ultimes réglages pour le Centre d’appui et de préparation au combat interarmes – 51e régiment d’infanterie (CAPCIA-51e RI) de Mourmelon-le-Grand, dans la Marne. Fin février, celui-ci entamera la formation des régiments de l’armée de Terre équipés du VBMR léger Serval, devenant à son tour un rouage majeur de la mécanique SCORPION.

« Une marque de confiance »

Toutes les routes mèneront bientôt à Mourmelon pour de nombreuses unités de l’armée de Terre. C’est là, au Centre de formation et de perception unique (CFPU) armé par le CAPCIA-51e RI qu’elles viendront former une partie de leur personnel au maniement du Serval. C’est également de là que partiront tous les Serval qu’elles percevront.

Cette double mission la cinquième corde ajoutée à l’arc du CAPCIA-51e RI, après la préparation de certains personnels, la gestion d’espaces de manœuvre et du parc d’entraînement Champagne et la gestion du Centre d’entraînement aux tirs interarmes Symphonie de Suippes (Marne). « C’est aussi une marque de confiance de la part du commandement », relève le lieutenant-colonel Jean-Baptiste. Cette mission, voici près de deux ans que le CAPCIA-51e RI s’y prépare. « Nous sommes partis d’un état embryonnaire pour monter en puissance peu à peu. Le volet ressources humaines, par exemple, a nécessité un petit renfort en provenance d’autres régiments », complète-t-il.

Le centre mobilise maintenant 20 militaires. Une dizaine d’entre eux, sous la conduite de l’adjudant-chef Bernard, réceptionnent et effectuent la vérification de bon fonctionnement (VBF) de chaque véhicule livré par l’industriel. Certains se sont faits la main sur le Griffon, la filiation avec le Serval facilitant la transition. Les autres s’attachent à présent à traduire en supports et discours pédagogiques adaptés à la chose militaire la formation dispensée par l’industriel en octobre dernier. Les deux mondes sont loin d’être hermétiques, et l’équipe axée sur la VBF viendra partiellement renforcer leurs collègues lors de l’instruction.

L’effort est aussi matériel, avec des aménagements consentis dans deux bâtiments. Le principal, autrefois dévolu aux véhicules du parc d’entraînement Champagne, héberge désormais la zone technique et l’essentiel des bureaux, salles de cours et outils de simulation. Progressivement, le lieu est devenu un point d’ancrage pour la SIMMT, la STAT, le CFT et tous ceux concernés par le Serval. « Tous ces acteurs convergent sur le CAPCIA-51e RI, chargé d’effectuer la remontée du terrain », indique le lieutenant-colonel Jean-Baptiste.

La zone technique du CFPU, là où sont conduites les vérifications de bon fonctionnement
Être au rendez-vous de 2023

Une trentaine véhicules de Serval sont désormais au garde à vous autour du bâtiment principal du CFPU. L’activité y tourne encore au ralenti, régulièrement entrecoupé par la livraison d’un véhicule flambant neuf en provenance de la ligne d’assemblage créée par Nexter sur son site de Roanne. Le calme avant la tempête. « Notre objectif c’est de pouvoir, en février, former la première unité, le 3e RPIMa, puis de délivrer leurs véhicules à l’issue. C’est une étape qui validera le processus construit depuis deux ans », relève le lieutenant-colonel Jean-Baptiste.

Pour concevoir « son » CFPU, le CAPCIA-51e RI est venu s’engouffrer dans la voie ouverte depuis fin 2019 par le « grand frère » du 1er régiment de chasseurs d’Afrique (1er RCA) de Canjuers (Var). Celui-ci arme le Centre de formation et de perception interarmes (CFPIA), point unique de convergence pour les Griffon, Jaguar et leurs futurs équipages. Le petit frère champenois s’est largement inspiré de l’expérience engrangée dans le Var depuis trois ans pour accompagner le déploiement du Serval ; cohérence, efficacité et gain de temps à la clef.

Le volet pédagogique est ainsi grandement inspiré de celui du 1er RCA. La formation Serval sera elle aussi décentralisée, le CAPCIA-51e RI se chargeant d’instruire un premier échelon qui ira à son tour prêcher la bonne parole dans son régiment. Chaque « promotion Serval » accueillera deux classes de huit instructeurs et 16 primo-pilotes. « Nous formons de manière simultanée les instructeurs durant quatre semaines et les primo-pilotes durant trois semaines. Nous commençons par le stage instructeur, suivi une semaine plus tard par les pilotes », détaille le chef du CFPU, l’adjudant-chef Jimmy.

Parmi les outils installés au CFPU Serval, deux simulateurs de tirs pour s’entraîner sur les tourelleaux téléopérés T1 et T2

La première semaine sera consacrée au poste de pilotage et aux caractéristiques générales du Serval. La seconde est axée sur la formation à la conduite. En troisième semaine, les instructeurs reçoivent une formation qui leur est propre sur la partie tir. Enfin, le stage se clôture par une semaine centrée sur l’environnement du Serval et la restitution pédagogique. Côté formateurs, l’heure est pour l’instant à l’essai-erreur. Tous se prêtent au jeu d’un stage mené en interne pour éprouver les outils de formation, parfaire le discours et s’assurer d’être parfaitement rôdé lorsque arriveront les paras du « 3 ».

Comme au 1er RCA, l’idée sera de faire suivre les véhicules rapidement après le retour en régiment des stagiaires. Sans Serval sous la main, la première couche d’instruction risque en effet de s’écorner rapidement. Sans parler de l’impossibilité de former le reste des troupes et de progresser dans le cycle de transformation.

L’équipe chargée du volet technique ne chôme donc pas. Sa mission de contrôle, à la fois visuelle et technique, est minutieuse et exhaustive, de la vétronique embarquée jusqu’au serrage des boulons. Soit, selon les versions, plusieurs centaines de points à vérifier. Plusieurs sous-versions de la variante principale « véhicule de patrouille blindé », désormais qualifiée dans son intégralité, sont déjà disponibles, dont celles intégrant les mortiers de 120 et 81 mm et le missile antichar MMP. Cette manœuvre de vérification requiert l’équivalent d’une journée de travail pour les deux personnels dévolus à chaque véhicule. Une fois acquis le « tampon VBF », ceux-ci testent la partie dynamique, premiers tours de roues en terrain militaire à la clef. Et le cycle redémarre ensuite pour un autre véhicule.

Une trentaine de Serval attendent patiemment devant le CFPU de Mourmelon, d’où ils seront prochainement envoyés dans les régiments de l’armée de Terre
Une vingtaine d’unités formées d’ici à 2026

Un calendrier particulièrement dense se profile à l’horizon. « L’année prochaine, nous aurons quatre sessions de deux stages », annonce l’adjudant-chef Jimmy. Après le 3e RPIMa, le 7e bataillon de chasseurs alpins est attendu en avril. Suivront d’autres sessions au second semestre au profit des 35e régiment d’artillerie parachutiste, 93e régiment d’artillerie de montagne et 17e régiment du génie parachutiste.

Entre la poursuite des formations et l’accélération des livraisons, le rythme ira croissant au cours des années à venir. Le calendrier n’est pas totalement affermi et dépendra en partie des premiers RETEX, mais l’idée reste bien de former rapidement un maximum d’unités. Pour l’heure, cinq sessions de deux stages sont prévues en 2024, puis quatre en 2025. Certaines sessions agrègeront plusieurs régiments. De fait, la dotation en Serval diffère d’une entité à l’autre et certaines nécessitent donc moins de stagiaires pour diffuser la bonne parole.

L’armée de Terre réceptionnera 60 Serval cette année sur la cible de 70 produits par le groupement momentané d’entreprises formé par Nexter et Texelis. De quoi constituer le stock tampon suffisant pour entamer le déploiement en régiment sans casser le rythme des formations. Avec 119 exemplaires attendus, l’effort exigé par le CFPU sera déjà pratiquement dédoublé l’an prochain. Une vingtaine d’unités devraient être passées par le CFPU de Mourmelon à l’horizon 2026, date à laquelle l’armée de Terre aura perçu près de la moitié de ses 978 Serval.

Certaines lignes doivent encore être consolidées, mais la mission du CAPCIA-51e RI devrait en toute logique s’étendre un jour au programme de véhicule léger tactique polyvalent protégé (VLTP-P), plateforme conçue sur base du Serval. Ces 1060 VLTP P porteront alors à plus de 2000 le nombre de Serval passé par le CFPU d’ici à 2035. Une décennie de défis que la petite équipe du CFPU aborde sereinement, restant fidèle à la devise du régiment : « Plus est en nous ».