Afghanistan : et si les insurgés devenaient intelligents ?

Il aura fallu dix ans aux insurgés pour réussir un de leurs plus jolis coups contre une base de l’Otan en Afghanistan. Samedi dernier, peu après 22 heures, quinze hommes se sont attaqués avec un certain succès à Camp Bastion, principale base britannique et américaine dans la province du Helmand. L’attaque a fait la une des médias en raison de la présence sur la base du prince Harry, alias Captain Wales, qui sert au sein du 662 Squadron, 3 Rgt Army Air corps. Dès l’attaque de la base, le VIP de 28 ans a été mis en sécurité, sous la haute protection de quelques SAS. Il aurait été illusoire pour les insurgés d’imaginer atteindre l’héritier de la couronne britannique en lançant une attaque aussi limitée contre une base mesurant près de 50 km2 et abritant plusieurs dizaines de milliers de soldats de l’Otan.

L’important est ailleurs : avec seulement quinze hommes, les insurgés ont réussi à détruire six chasseurs bombardiers AV-8B de la VMA 211 (US Marines Corps) qui étaient alignés sur les parkings. Deux autres appareils ont été endommagés. La VMA 211 est (était ?) le seul escadron d’avions de combat des Marines déployé en Afghansitan. Un escadron des Marines étant en rgèle générale équipé d’une dizaine d’appareils seulement, la VMA 211 peut sans doute plier les gaules et rentrer en Californie pour se rééquiper… Attention toutefois, les stocks de AV-8B ne sont pas inépuisables. Il restait avant l’attaque moins d’une centaine de ces avions en service. Leur remplacement par l’usine à gaz F-35B doit se faire d’ici dix à quinze ans. Suite à l’attaque, un porte parole de  l’ISAF a expliqué que les capacités d’appui air sol de la coaltition ne seraient pas impactées. On ne sait pas si c’était un trait d’humour.

L’attaque a commencé avec le suicide d’un homme porteur d’explosifs qui a réussi à ouvrir une brèche dans le mur d’enceinte. Une quinzaine d’assaillants armés d’AK 47 et de RPG se sont alors engouffrés dans la brèche, filant en direction des parkings avions. Ces hommes étaient vêtus de treillis américains, ce qui a semble-t-il gêné les troupes de l’OTAN dans leur réaction. Tous sauf un ont été tués par les défenseurs qui ont repris le contrôle total du périmètre après trois heures de combat. Deux Marines ont été tués et une dizaine d’autres soldats de la coalition ont été blessés.  Qu’en aurait il été si derrière cette avant garde de quinze hommes, les insurgés avaient pu rassembler une centaine de combattants lourdement armés ?

L’Otan peut lancer une enquète sur la facilité avec laquelle ces quinze hommes ont réussi à s’approcher du périmètre et à pénétrer dans la base. Une réflexion équivalente pourra être conduite au profit de Kaboul et Kandahar, dont la piste à certains endroits n’est séparée des champs environnants que par un simple grillage. Les Américains pourront également réfléchir à  la meilleure façon de transporter leurs treillis. Ceux-ci ne font pas partie jusqu’à présent des matériels « sensibles ». Ils voyagent par voie routière à travers le Pakistan dans des conteneurs qui se font régulièrement piller…

Pour mettre les choses en perspective, jetons enfin un coup d’œil rapide dans le rétroviseur de l’Histoire : l’attaque de samedi dernier n’est pas sans rappeler le sport national vietnamien au cours des années 60, lorsque le Viet Cong se faisait un devoir d’attaquer régulièrement les bases américaines pour aller y casser au sol des machines volantes. Les Américains perdirent de cette manière un total de 103 avions et hélicoptères en une dizaine d’années de guerre, avec un pic en 1967 et 1968 (respectivement 23 et 35 avions détruits ces années là). Une paille par rapport aux 8588 (huit mille cinq cent quatre ving huit !) avions et hélicoptères de tous types perdus au total par l’Oncle Sam en dix ans de guerre au Vietnam !

Notre illustration : le captain Wales sur la base de Camp Bastion  (photo MOD)