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Accélération capacitaire en vue sur fond d’année record pour EURENCO

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Dernière ligne droite pour EURENCO, pile à l’heure dans son projet de relocalisation d’une capacité souveraine de production de poudre propulsive sur son site de Bergerac. Une réponse à l’explosion de la demande et une étape vers le doublement du volume annuel de charges modulaires, cette denrée rare nécessaire à la propulsion des obus d’artillerie de 155 mm. 

Lancer la production à l’été 2025

La terre a laissé place à la pierre le long de la Dordogne. Neuf mois après les premiers coups de pelle, les 15 hectares de friche du site périgourdin d’EURENCO accueillent désormais autant de bâtiments flambants neufs. Une première ligne de production de poudre propulsive est en cours de réception et montera en puissance à partir de janvier. Le 15e et dernier bâtiment sera réceptionné fin décembre. Ses équipements seront livrés le mois prochain pour parachever la livraison de la capacité à la mi-2025, annonçait cette semaine le PDG du groupe, Thierry Francou.

Tous les feux sont donc au vert pour l’atteinte d’un premier objectif majeur : produire au plus vite 1200 tonnes de poudre. De quoi remplir 500 000 charges modulaires supplémentaires par an et doubler la capacité actuelle du site à l’horizon 2027, un aboutissement attendu de pied ferme par une clientèle à 80% militaire et dont l’approvisionnement en munitions est devenu une priorité après le déclenchement du conflit russo-ukrainien. 

Cette transformation, c’est le premier résultat d’une dynamique visant à récupérer de l’autonomie depuis la production de nitrocellulose jusqu’à celle des charges modulaires. Et au final, se défaire d’une dépendance vis-à-vis de l’allemand Rheinmetall et des problèmes d’approvisionnement que celle-ci induit. Quelque 100 M€ ont été investis à cette fin en 2024, dont 90% dans le Bergeracois. Stratégique, ce projet baptisé « POURPRE » bénéficie également de 10 M€ de l’État français et de 47 M€ alloués par l’Europe via son mécanisme « Act in Support of Ammunition Production » (ASAP). 

EURENCO avance au plus vite, n’en déplaise à certains esprits éloignés des réalités industrielles. « Nous accélérons le maximum de choses », assurait Thierry Francou ce mercredi lors d’une audition parlementaire portant sur l’économie de guerre. La formation des équipes a ainsi été facilitée par la mobilisation des équipes suédoises de Karlskoga, des compétences heureusement conservées après la rationalisation opérée il y a 20 ans et à l’origine de la création du groupe. 

La prouesse est d’autant plus marquante au vu des contraintes réglementaires. Car, contrairement à la Russie et à l’Ukraine, la France n’est pas en guerre et maintient donc une réglementation de temps de paix. Un étau particulièrement strict au vu du secteur, mais que les autorités auront quelque peu allégé en réduisant au minimum les délais d’obtention des autorisations. 

Une année record et une préoccupation majeure

EURENCO achèvera l’exercice 2024 avec un chiffre d’affaires record d’environ 500 M€, une activité générée à 80% sur le marché export. Cette hausse de 30% par rapport à 2023 amène le groupe européen à mi-chemin de son objectif pour 2030, celui du milliard d’euros. La croissance est désormais tirée par l’envoi de munitions d’artillerie en Ukraine et le renforcement des stocks nationaux. « Nous avons pris des commandes fermes jusqu’en 2032 », annonce Thierry Francou. Des commandes qui, aujourd’hui, représentent trois fois la capacité du groupe. Même avec les investissements consentis, « la demande est bien supérieure à ce que nous sommes capables de produire ». 

Derrière sa visibilité, le « chimiste de la BITD » se diversifie et élargit son socle d’expertise. Jeudi, il annonçait l’acquisition de THIOT Ingénierie, spécialisé dans les technologies d’impact, les essais balistiques et l’ingénierie des matériaux. Un « voisin » lotois qui permettra à EURENCO de « renforcer son expertise dans le domaine des chocs avec des capacités uniques en essais d’impact hypervéloces et simulation de comportement des matériaux sous contraintes extrêmes ». 

Il y a néanmoins une ombre au tableau. Certaines dépendances subsistent en effet en matière d’approvisionnement. Exemple avec l’acide nitrique, dont la version concentrée nécessaire aux poudres et explosifs n’est plus fabriquée en France depuis un moment. Pour EURENCO, la source est désormais en Belgique, en Allemagne, en Pologne. Celle-ci provient essentiellement de fabricants d’engrais qui ont tendance à délocaliser leur production en dehors de l’Europe.

En cause notamment, une réglementation européenne plus stricte qu’ailleurs. Les contraintes se multiplient, les coûts augmentent en conséquence et c’est tout un pan essentiel du secteur qui voit sa compétitivité réduite. Non seulement la production s’amenuise en Europe, mais cette perte de souveraineté se conjugue dès lors avec l’apparition de solutions moins chères en provenance d’ailleurs. 

Contrairement à d’autres matières, l’acide nitrique ne se stocke pas, rappelle Thierry Francou, car « entre la fabrication et l’utilisation, c’est trois semaines. D’où l’importance de la résilience de la chaîne d’approvisionnement ». Hors, sans industrie chimique européenne, « il y aura des problèmes » parce que « sans acide nitrique, plus de poudres, plus d’explosifs », alertait-il cette semaine. 

Crédits image : EURENCO

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