Le concept de « Next Generation Main Battle Tank » présenté par Hyundai Rotem au salon ADEX 2019, Séoul
Nexter, Rheinmetall et KMW ne sont plus les seuls industriels à plancher sur la prochaine génération de chars de combat. Ils sont désormais rejoints par le Coréen Hyundai Rotem, qui dévoilait cette semaine un concept de « New Generation Main Battle Tank » (NGMBT) préfigurant le remplaçant du K2 Black Panther de l’armée coréenne.
Entre un représentant de Hyundai refroidi par l’accent étranger (belge en l’occurence) et l’application Google Traduction peu rompue aux termes techniques de l’armement, l’information récoltée est forcément parcellaire mais permet de dresser prudemment un premier portrait du futur char. Entre autres « tendances fortes », notons la prééminence de l’automatisation et de l’infovalorisation, de même que de certaines orientations déjà aperçues au travers du programme russe T-14 Armata. À savoir, un équipage « encapsulé » dans une cellule blindée, une tourelle inhabitée et l’intégration d’un système de protection active « hard-kill ».
L’armement principal du NGMBT, justement, reposera sur un canon à chargement automatique de calibre 130 mm ou supérieur. À l’instar du CTA40 repéré hier, la bouche du modèle représenté sur le modèle réduit disponible, de même que le calibre évoqué par Hyundai, suppose un choix orienté vers le démonstrateur L/51 que Rheinmetall présentait cette semaine aux États-Unis et entend proposer pour le programme franco-allemand MGCS. Une hypothèse confirmée par Hyundai, qui prolongerait par la même occasion le partenariat établi de longue date pour les chars locaux K1A1 et K2, respectivement équipés des canons de 120 mm L/44 et L/55. Hyundai innove ensuite en proposant un armement secondaire basé sur une arme laser téléopérée pour l’autodéfense rapprochée et sur un lanceur de missiles « multirôles ». «
Le type de missile n’a pas encore été finalisé, » précise Hyundai, ce qui pourrait laisser présager l’usage d’effecteurs sol-air en plus de missiles antichars.
Le NGMBT est aussi appelé à devenir une véritable plateforme C5ISR, souhaite Hyundai. Une vision de proximité à 360° sera assurée au moyen d’une série de capteurs répartis sur toute la caisse, dont une boule gyrostabilisée EO/IR et un mât déployant ce qui ressemble furieusement à un LIDAR. À l’instar du Leclerc « augmenté » dévoilé en février par Nexter, la tourelle du NGMBT abritera également un drone aérien. Une fois lancé, celui-ci permet de voir plus loin et d’anticiper les menaces sans exposer le véhicule. En reprenant le principe d’infovalorisation central au programme français Scorpion, Hyundai songe à fusionner, traiter et projeter les données recueillies sur un viseur de casque, contribuant à affiner la compréhension de la situation et à faciliter l’aide à la décision. Cela devrait permettre au futur tank coréen d’être opéré à distance par son équipage, qui sera lui-même assisté d’un embryon d’intelligence artificielle susceptible de prendre le relais sur certaines fonctionnalités.
Senseurs et missiles seront escamotés dans la tourelle pour amenuiser la signature du futur char de combat
Côté protection, on retrouve un blindage réactif explosif, un système de défense active, des brouilleurs anti-IED, et une quinzaine de lance-pots fumigènes. Tous ces systèmes, de même que le mât LIDAR et le drone, sont escamotés dans la tourelle afin d’aplanir les surfaces et de réduire au maximum la signature visuelle du char. Réduit à deux membres, l’équipage sera confiné dans une capsule blindée située vers l’avant du châssis, comme l’indique l’épiscope visible en dessous du canon.
Selon les chiffres avancés par l’industriel, ce char devrait présenter une masse de 30 à 40 tonnes, soit bien en deçà des 57 tonnes du Leclerc XL. Un « poids plume » propice au volet mobilité, qui adoptera une architecture hybride diesel-électrique. L’autonomie atteindra 500 km sur base du seul moteur diesel, pour une vitesse maximale de 80 km/h. Cette motorisation classique alimentera des batteries électriques permettant d’enclencher un mode « stealth run », note Hyundai. Grâce à ce mode, le char pourrait ainsi réaliser une approche finale silencieuse donc « furtive » sur une distance que Hyundai espère supérieure à 4 km. Un cas d’usage qui n’est pas sans rappeler l’un de ceux évoqués par Arquus lors du développement du démonstrateur VAB Mk3 Electer, projet pionnier en matière de propulsion hybride. La question de la propulsion nécessitera néanmoins de faire oublier les déconvenues vécues lors de la production du second lot de 106 chars K2 Black Panther. Ces unités devaient à l’origine recevoir une motorisation 100% coréenne conçue par Doosan, depuis racheté par Hanwha Techwin, et S&T Dynamics. Faute d’atteindre les seuils minimaux lors des essais gouvernementaux, ce développement a été recalé par le ministère de la Défense nationale au profit d’une solution hybride coréenne et allemande.
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, Hyundai rappelle que «
rien n’est finalisé, tout dépendra du client. Le gouvernement [coréen]
devra prendre une décision et, pour le moment, nous devrons attendre avant de préciser ce concept ». Dans l’immédiat, Hyundai, malgré un chiffre d’affaires de 2,2Md€ en 2018, va s’attacher à construire des partenariats industriels avec d’autres acteurs clés de la BITD coréenne. Car, malgré l’expérience acquise ces 30 derniers années avec l’aventure K1-K2, il n’en reste pas moins que ses savoir-faire sont loin de couvrir l’ensemble du spectre technologique envisagé. «
Nous allons devoir former un groupement industriel, » nous a-t-on confirmé. La phase de développement devrait s’étaler au-delà de 2030, d’après l’embryon de calendrier présenté par le constructeur. En tenant compte des glissements calendaires associés à ce type de programme, l’adoption du NGMBT par l’armée coréenne pourrait coïncider, à l’horizon 2050, avec l’échelon final de son programme de modernisation, Army Tiger 4.0.