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CaMo, un partenariat pour tourner la page du F-35 ?

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Va-t-on – enfin – tourner la page du F-35 belge, sélectionné en octobre 2018 au détriment du Rafale ? Réunie la semaine dernière pour discuter du projet de loi concrétisant le rapprochement des forces terrestres belge et française (CaMo), la Commission de la défense du Sénat a appelé pour la première fois à mesurer les critiques vis-à-vis de Bruxelles.
 

Soldats belges et français du 1er RTir et du bataillon 12/13 de Ligne à l'entraînement au CENZUB de Sissonne (Crédit photo: armée de Terre)

Soldats belges et français du 1er RTir et du bataillon 12/13 de Ligne à l’entraînement au CENZUB de Sissonne (Crédit photo: armée de Terre)


 
C’était, selon Emmanuel Macron un choix qui « stratégiquement va a contrario des intérêts européens ». La ministre des Armées Florence Parly avait quant à elle déploré « qu’un choix européen n’ait pas été retenu au moment où on doit avancer plus que jamais dans la construction de l’Europe de la défense ». Cinq mois plus tard, la Belgique a dorénavant confié à la France l’avenir des ses capacités blindée et de guerre des mines. Autrement dit, un pactole combiné d’un peu plus de 3,6Md€ pour la BITDS française, qui peut désormais s’appuyer sur le client belge pour étoffer son discours à l’export, et des décisions rejoignant résolument le discours européen. « Les critiques à l’encontre de la Belgique ne sont-elles pas malvenues ? », s’interroge donc le sénateur Olivier Cigolotti (UC), rapporteur du projet de loi relatif à CaMo.
 
Simpliste et souvent biaisé, le discours privilégié par la presse française se sera en effet globalement résumé à un slogan: en achetant américain, la Belgique trahit l’Europe de la défense. Rien n’est moins vrai. Hormi lesdits F-35, quelques radars et une poignée de sous-systèmes, la Défense belge peut s’enorgueillir de ne privilégier que du « Made in UE ». Voire du « Made in France », car aux véhicules Scorpion, missiles MMP et autre systèmes SICS viennent notamment s’ajouter l’artillerie (105 LG1, MO 120), le transport stratégique (A400M), les hélicoptères de manoeuvre (NH90) et le ravitaillement en vol (A330MRTT). Cet argument récurrent de l’inventaire s’avère d’autant plus ridicule qu’il participe à restreindre le partenariat franco-belge à un simple achat de matériels. Ce que CaMo n’est absolument pas, le volet « armements » n’étant que la base sur laquelle viendront s’appuyer les transformations de la Composante Terre belge en matière de doctrine, de formation et d’entraînement. Autant d’éléments essentiels mais pourtant mal compris parce que largement occultés par les médias, davantage concentrés sur les conséquences du remplacement des F-16 belges.
 
Entres autres aspects remarquables de ce programme, Cigolotti relève ainsi « le contraste frappant entre son importance considérable et le faible écho qu’il rencontre ». Et pourtant, CaMo cristallise la capacité qu’a la France de construire une collaboration « où l’autre pays est vu comme un allié plutôt que comme un client ». Et pourtant, CaMo se révèle être un choix doublement gagnant pour l’armée de Terre. Premièrement, le développement des synergies entre les armées belge et française et l’augmentation du volume des commandes « bénéficiera également à l’armée française, à des coûts inférieurs à ceux que prévoit la LPM ». Deuxièmement, ces commandes supplémentaires auront un effet positif sur l’amortissement des coûts fixes du programme, « au bénéfice des acheteurs ».
 
En définitive, cette volée de bois vert aura eu pour principale conséquence néfaste d’escamoter l’assise fondamentalement européenne d’un tel partenariat. « Nous avons souvent des aigreurs lorsque nous perdons des contrats ; il est d’autant plus opportun de souligner les réussites, et de ne pas se limiter à l’aspect économique de ces contrats », constatait Christian Cambon (LR). De fait, CaMo dépasse largement le seul angle industriel pour apparaître aujourd’hui comme « un exemple concret d’Europe de la défense qui se fait, sans grandes annonces, sur le fondement de la recherche de l’efficacité opérationnelle plus que de l’affichage politique ». Au travers de cet accord, les deux pays annoncent leur volonté de travailler de concert sur des projets ambitieux de long terme tout en contribuant à la sécurité collective. Or, rappelle Cigolotti, « le point de départ du projet européen n’était-il pas de défendre la paix ? ». Un projet pour lequel les grandes armées du Vieux Continent doivent forcément s’ouvrir aux plus petites, une nécessité à laquelle répond entièrement CaMo. Car, in fine, cet accord inédit permettra aussi à la France de dépasser le cadre restreint dans lequel elle établit ses partenariats militaires, trop souvent conclus avec des pays de taille équivalente. « Le programme CaMo montre à quel point cette opposition entre grands et petits pays est détachée des réalités concrètes », conclut-il.

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