Trois pays non européens pourraient bientôt rejoindre l’un des 46* projets conduits dans le cadre de la Coopération structurée permanente (CSP/PESCO). Parmi eux, les États-Unis, dont la demande d’adhésion a reçu le mois dernier un avis initial positif de la part d’officiels européens.
L’information avait filtré début mars par l’entremise de l’agence Reuters : les États-Unis, la Norvège et le Canada ont émis une demande officielle pour rejoindre le projet « Military Mobility ». Celui-ci vise à la création d’un « Schengen militaire » à l’horizon 2024 grâce à l’alignement des règles douanières, la simplification administrative et l’adaptation des infrastructures.
Sans être garantie, cette adhésion semble être sur la bonne voie. Ces trois pays « sont sur le point de rejoindre le projet européen sur la mobilité militaire dirigé par les Pays-Bas », annonçait la ministre de la Défense néerlandaise, Ank Bijleveld, vendredi dernier.
Les 25 participants du projet avaient déjà émis un premier avis favorable en mars au cours de discussions initiales. Le sujet sera à nouveau débattu lors d’une prochaine réunion des ministres de la Défense européens, le 6 mai à Bruxelles. Un rendez-vous durant lequel une décision pourrait être formalisée.
Les États-Unis, la Norvège et le Canada deviendraient alors les premiers pays non-européens à jouer un rôle dans la CSP depuis l’ouverture – sous conditions – de son périmètre aux États tiers, le 5 novembre 2020. Côté américain, cela pourrait notamment se traduire par un soutien financier ou par une participation à des exercices. Et encouragerait Washington, qui aurait plus d’une dizaine de projets CSP dans le collimateur, à postuler davantage.
La question de la mobilité militaire avait dès l’origine été perçue comme un élément clé de la relation EU-OTAN, et plus encore du renforcement de la relation avec les États-Unis. Ce projet est aussi être le cadre idéal pour éprouver ce mécanisme d’ouverture aux pays tiers, soumis à l’approbation unanime des membres puis, dans un second temps, du Conseil européen.
Il est en effet le seul à rassembler la quasi totalité des pays membres de la CSP, à l’exception de l’Irlande. Toute décision sera dès lors collégiale, et la responsabilité d’un éventuel échec partagée entre tous.
Davantage centré sur des questions bureaucratiques et politiques, le sujet ne comporte ensuite que peu de risques en matière de souveraineté. Il n’y a par exemple aucune probabilité de voir le partenaire américain « importer » des régulations type ITAR susceptibles d’affecter l’acquisition ou l’exportation d’armements développés en commun.
Côté français, l’association d’entités non européennes reste toutefois source d’interrogation. « Tous les risques de celle-ci n’ont pas été écartés », estimaient récemment les députées Natalia Pouzyreff (LReM) et Michèle Tabarot (LR) dans un rapport d’information sur la CSP.
Si les conditions d’accès des pays tiers s’avèrent suffisamment strictes, celles relatives à leurs entreprises n’ont été réglées que temporairement et seront revues en 2021. Or, selon les députées, « cette participation des entités relevant d’États tiers représente un enjeu majeur, en particulier pour les entités américaines ».
Accepter un industriel américain dans un projet CSP, c’est « prendre le risque que l’équipement produit en coopération relève de la réglementation ITAR », soulignent-elles. Une telle hypothèque irait à l’encontre de l’objectif de souveraineté poursuivi par l’Europe, « laquelle doit pouvoir décider de manière indépendante à qui fournir des armements ».
À charge des États membres d’appliquer strictement les dispositions adoptées en novembre dernier, notamment celle exigeant que la participation d’un tiers ne conduise pas à une dépendance ou à des restrictions de sa part en matières d’achat, de R&D ou d’exportation. Pour les députées françaises, le verrou ne serait cependant optimal qu’après que les États-Unis se soient officiellement engagés à ne pas appliquer la réglementation ITAR dans le cadre de la CSP.
*Des 47 projets lancés en 2018 et 2019, celui consacré à l’European Union Training Mission Competence Centre (EU TMCC) est aujourd’hui officiellement clos.