Par 46 voix pour et 236 voix contre, le Sénat a rejeté hier la déclaration du Premier ministre Jean Castex relative à l’actualisation de la loi de programmation militaire. Le vote est sans conséquence mais jette un froid entre les sénateurs et le Gouvernement, qui conduit l’adaptation sans passer par la case législative.
Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat n’a pas accordé sa confiance à la poursuite de la LPM 2019-2025. Les rangs de l’opposition de droite, majoritaire au Sénat, ont essentiellement dénoncé la méthode employée et son manque de transparence. « Demander un vote d’approbation avant d’avoir discuté du fond, c’est placer la charrue avant les bœufs », a ainsi déclaré le sénateur LR Cédric Perrin.
« J’ai décidé, et je l’assume, de ne pas soumettre à ce moment précis au Parlement de texte d’actualisation de la LPM », a déclaré Jean Castex devant les sénateurs, ajoutant que « cette actualisation devra bien sûr intervenir dès que l’horizon économique et financier sera clarifié ». Selon la ministre des Armées Florence Parly, recourir à un texte législatif aurait en effet été « inopérant » parce que « nous ne disposons pas de données macroéconomiques fiables pour les années 2024 et 2025 ».
Les discours des représentants de groupe n’auront pas manqué de faire réagir la ministre des Armées. Avant d’y répondre, celle-ci est est revenue sur les succès engrangés durant les trente premiers mois d’exécution. « Le cap est tenu. Il est tenu face à des objectifs que nous avions fixés ensemble en 2018 ».
« Je dois avouer ma perplexité d’entendre que ceux qui, en leur temps, avaient voté des coupes budgétaires massives puissent dire qu’ils vont s’abstenir, voire voter contre sans complexe sur une trajectoire qui est en croissance et, qui plus est, conforme à la loi qu’ils ont votée il y a trois ans ».
« Faut-il comprendre que les moyens qui sont en hausse ou bien que la modernisation de nos armées qui sont permis par cette LPM comptent finalement beaucoup moins que d’autres considérations qui, probablement, ne sont pas des considérations de long terme ? », a-t-elle questionné sur fond de chahut, dénonçant des « querelles politiciennes ».
Pour Florence Parly, il s’agissait également de couper court « à certaines rumeurs, ou a minima, mauvaises interprétations » consignées dans un récent rapport sénatorial en attente de publication. Seul document disponible, la synthèse de ce rapport « dénote d’une vision centrée sur un verre 5% vide plutôt qu’à 95% plein ».
Pour la ministre, les analyses chiffrées conduites par les sénateurs sont « des plus ambiguës ». « Il n’y a pas de surcoût de 8,6 Md€ », a-t-elle noté, rappelant que la LPM n’est pas un objet figé mais suit plutôt un cap et est susceptible d’être adaptée suivant le contexte. Ainsi, les décalages évoqués dans la synthèse du rapport sénatorial « résultent d’une analyse détaillée et d’une priorisation qui est totalement assumée par les forces armées ».
Et Florence Parly de signaler que la commande d’une troisième frégate de défense et d’intervention pour 750 M€, seul mouvement « positif » consigné par les sénateurs, n’est pas à considérer comme un surcoût mais comme l’anticipation d’un achat déjà fixé dans le périmètre de la LPM. Pas un mot cependant sur les décalages de livraison, pourtant a priori confirmés. L’intervention ministérielle n’aura pas eu de répercussions sur un vote finalement négatif, comme pressenti.