Une manœuvre logistique majeure est sur le point de s’achever sur le camp de Mourmelon, dans la Marne. Environ 150 véhicules de combat y ont été rassemblés et préparés par les logisticiens de l’armée de Terre avant leur départ pour la Roumanie afin de renforcer le Collective Defense Battle Group (CDBG) commandé par la France.
En l’espace d’un mois, une quinzaine de convois routiers et ferroviaires auront permis d’expédier 150 véhicules de combat et une centaine de conteneurs en Roumanie. L’enjeu ? La relève des éléments français du CDBG par un GTIA blindé aux capacités renforcées, conformément aux annonces officielles de la mi-octobre. Une fois pleinement opérationnel, ce GTIA blindé rassemblera plus de 700 militaires. Additionné aux autres détachements, essentiellement l’Échelon de soutien national et le détachement MAMBA installé à Capu Midia, il porte à plus de 1000 le nombre de soldats français présents sur le sol roumain au travers de la mission Aigle.
Parmi les derniers matériels chargés aujourd’hui sur un train militaire international, les 13 chars Leclerc qui armeront l’escadron du 1er régiment de chasseurs projeté en Roumanie. Ces chars et d’autres véhicules du segment lourd entameront d’ici la fin de la semaine le périple de 2000 km à travers cinq pays qui doit les amener jusqu’au camp de Cincu, au centre de la Roumanie. À la tête de l’opération, le colonel Samuel du National Contingent Command – Europe (NCC-Europe) de Lille. Il est, depuis avril et jusqu’à la fin de cette semaine, le responsable logistique de cet état-major ad-hoc chargé du contrôle opérationnel des forces terrestres françaises déployées en Europe.
À engagement exceptionnel, dispositif exceptionnel. Pour l’occasion, l’armée de Terre a installé une zone de regroupement et de projection (ZRP) à proximité du terminus ferroviaire de Mourmelon. L’ordre de formation d’une ZRP est tombé dès la mi-septembre. Celle-ci était opérationnelle deux semaines plus tard, juste à temps pour organiser les premiers départs. Étroitement surveillée, cette ZRP est armée par 70 logisticiens placés sous la houlette du capitaine Éric, du 516e régiment du train. Jusqu’à 180 personnels y auront été mobilisés au plus fort de son activité, lors de l’embarquement d’une vingtaine de VBCI.
L’acheminement de ce GTIA blindé aura mis a oeuvre tant des moyens ferroviaires que routiers. Une procédure multimodale qui s’explique de plusieurs manières selon le colonel Samuel. « D’une part, parce que cela permet de moins solliciter des matériels routiers comme les porte-engins blindés [PEB]. Et, seconde raison, une fois arrivé sur place le matériel sollicite des plateformes logistiques différentes ce qui permet d’éviter leur saturation ». Seule différence notoire entre les deux modes d’acheminement : des délais de chargement et de déchargement un peu plus courts par voie routière. Pour certains parcs, les deux modes seront mis à profit. Une fois déchargés, les Leclerc franchiront ainsi la cinquantaine de kilomètres séparant la gare du camp de Cincu via PEB.
Une manoeuvre de ce type, les unités du commandement de la logistique des forces (COMLOG) n’en avaient plus menée depuis longtemps. « Nous étions en Afghanistan et restons en Afrique sur des opérations d’une autre envergure, avec des matériels et des modes d’acheminement différents », souligne le colonel Samuel. « Un mouvement par la terre de cette ampleur en Europe, en nombre de véhicules et en kilomètres parcourus, n’avait probablement plus été réalisé depuis la guerre du Golfe », complète-t-il.
« Nous sommes clairement dans une période d’effort logistique, puisque nous sommes en ouverture de théâtre. Cela comprend non seulement le volet de l’acheminement mais aussi celui de la construction du camp de Cincu », constate le colonel Samuel. Ce contexte particulier « est passionnant » pour des unités dont les savoir-faire sont aussi précieux que trop peu médiatisés. Il est aussi générateur de retours d’expérience. Pour le capitaine Éric, « le fait nouveau, c’est que nous soyons parvenus à monter une zone logistique en très peu de temps dans un espace à l’origine non dévolu à cela. L’expérience est particulièrement intéressante en ce sens où elle démontre la réactivité, la capacité d’adaptation des logisticiens français ».
La bascule opérée ces dernières semaines met aussi en avant les enjeux actuels de la mobilité militaire. L’alignement normatif et administratif n’est pas encore totalement acquis entre les différents pays et traverser la moitié de l’Europe ne se fait dès lors pas sans contraintes. « Il faut anticiper au maximum ces mouvements de façon à obtenir les autorisations de chaque pays traversé », relève par exemple le colonel Samuel. Planifiée depuis longtemps, l’opération « est exactement dans les délais prévus à l’avance ».
L’action du COMLOG ne s’arrêtera pas à Cincu car, une fois déchargés, wagons et PEB ne reviendront pas à vide en France. Pour d’évidentes raisons, l’armada logistique se chargera également de rapatrier les véhicules du GTIA relevé et des unités de génie impliquées dans la construction des nouvelles installations de Cincu. Le tout sera acheminé jusqu’à la ZRP de Mourmelon, où les personnels du capitaine Éric rejoueront le processus dans le sens inverse.