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RCA : le spectre de l’embrasement régional

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Carte RCA« Depuis trois jours, le calme revient dans Bangui » indiquait hier le porte-parole de l’État Major des Armées durant le point presse du Ministère de la Défense « ce qui permet un redéploiement de la force Sangaris hors de la capitale, avec un effort dans l’ouest du pays ». La moitié des 1600 soldats français présents sur le territoire centrafricain sont dorénavant déployés hors de Bangui, sécurisant les grands axes (vers Berbérati) afin d’éviter aux ONG qui acheminent l’aide humanitaire de se retrouver bloqués par les nombreux coupeurs de routes qui sillonnent le pays. Aujourd’hui, le problème sécuritaire frappant la RCA s’est transformé. Des groupes ex-Seleka (musulmans), qui, il y a quelques mois menaçaient les populations chrétiennes, c’est dorénavant les groupes anti-Balaka (chrétiens), qui sont devenus la principale menace frappant le pays. Ces groupes, à l’origine des milices d’autodéfenses chrétiennes, qui pourraient être près de 50 000, se sont mué en groupes de bandits, à la composition très hétéroclite (anciens soldats, bandits…) tuant et pillant les membres de la communauté musulmanes.
 
Vastes mouvements d’exodes
 
Résultat : « les populations musulmanes, qui se sentent menacées par les anti-Balakas essaient d’aller vers le Nord » reconnaissait le général Pontiès, commandant de l’opération militaire européenne en RCA (EUFOR RCA) durant une conférence de presse hier.
C’est donc aujourd’hui un exode massif des populations musulmanes qui s’organise, la capitale se vidant d’une partie de sa population, qui espère retrouver la sécurité dans les zones musulmanes du nord du pays (à la frontière avec le Tchad).
Ce mouvement est amplifié par le fait que N’Djamena ait appelé, il y a trois semaines, ses ressortissants à regagner le sol tchadien. C’est ainsi environ 10 000 ressortissants tchadiens qui traversent actuellement le territoire centrafricain pour rejoindre leur pays.
La France avait passé un accord avec la composante tchadienne de la MISCA, pour que ses soldats (majoritairement musulmans), mal acceptés par la population chrétienne centrafricaine, se déploient au nord du pays, laissant la sécurité de Bangui à d’autres. Les Tchadiens ont accepté mais seulement à partir du moment où les ressortissants tchadiens auront quitté Bangui et regagné leur sol national. Le processus de rapatriement est ainsi aujourd’hui déjà bien engagé.
 
Déstabilisation régionale
 
Problème : ces populations tchadiennes musulmanes vont devoir traverser le sud du Tchad, un territoire chrétien. Là, N’Djamena craint le pire. Idriss Deby a multiplié depuis quelques semaines les déplacements dans le sud du pays pour rassurer ces populations chrétiennes et y déploie ses forces, dans la perspective d’éviter des massacres interconfessionnels. Car le conflit risque fort aujourd’hui de traverser les frontières. Et pas seulement au Tchad.
 
Le Soudan (frontière nord-est de la RCA) est menacé d’un risque similaire. Une large composante des ex-Seleka était fournie par de nombreux combattants en déshérence (mouvements d’opposition tchadiens… relire l’analyse de FOB ici) y compris les redoutables Janjawid soudanais. Ces combattants arabes, rejetés par le gouvernement soudanais, reprennent dorénavant aussi la direction de leur territoire, faisant peser un risque important sur la sécurité du Darfour, dont la stabilité précaire risque fort de voler en éclats. Sans parler du Sud Soudan, frappé par une guerre civile.
Même le Cameroun (frontière ouest de la RCA) subit déjà l’onde de choc de ces mouvements de populations. Territoire le plus proche pour une partie des musulmans vivant en RCA, qui cherchent aujourd’hui refuge, des affrontements ont déjà lieu entre populations musulmane et chrétienne.
 
C’est donc lentement mais sûrement que le conflit centrafricain dégénère et se gangrène à l’ensemble de la région. Une évolution dramatique, en partie provoquée par la pression des forces françaises et de la MISCA contre les groupements de l’ex-Seleka…

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