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Qu'est ce que D-LBO, le "Scorpion allemand" ?

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Qu'est ce que D-LBO, le "Scorpion allemand" ?

Vision d’artiste de la numérisation de l’espace de bataille poursuivie au travers du programme D-LBO (Crédits: Rheinmetall AG)


 
Parmi les objectifs de l’étude notifiée la semaine dernière dans le cadre du programme MGCS, les industriels évalueront l’efficacité et la compatibilité du système avec Scorpion et son équivalent allemand, le programme « Digitalisierung Landbasierter Operationen » (D-LBO). Peu médiatisé en France, D-LBO devrait atteindre cette année un premier jalon majeur avec l’intégration de la radio logicielle SVFuA sur une cinquantaine de véhicules SPz Puma et GTK Boxer.
 
Le « petit cousin germain » de Scorpion ?
 
Bien que les préoccupations des programmes Scorpion et D-LBO soient proches, la voie adoptée par l’Allemagne s’avère sensiblement différente. Quand l’armée de Terre adopte une approche « globalisante » incluant le renouvellement des plateformes et l’optimisation du soutien, D-LBO se concentre quant à lui exclusivement sur la transformation numérique de l’espace de bataille. Il rejoint ainsi l’approche dominante côté allemand de programmes multiples évoluant en « silos perméables ». La numérisation y recouvre néanmoins tous les domaines, requérant dès lors une cohérence forte entre les grands programmes nationaux. Elle vise par ailleurs à l’interopérabilité entre systèmes équivalents avec les nations partenaires.
 
En Allemagne, seuls les échelons supérieurs à la compagnie sont aujourd’hui numérisés. L’objectif est donc de parvenir à la création d’un réseau intégré, mobile et étendu jusqu’au combattant débarqué. Comme Scorpion, D-LBO entend accroître l’efficience des forces terrestres en affinant, entre autres, la compréhension de la situation dans un contexte où le rythme opérationnel est élevé. L’évolution majeure reposera sur la combinaison des capteurs et des systèmes d’armes rendue possible par leur mise en réseau grâce aux nouvelles technologies fournies par D-LBO, celles-ci devant réduire les délais entre la détection et le traitement des objectifs. Pour y parvenir, la Bundeswehr entend elle aussi tirer partie des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi que de l’intelligence artificielle et du big data.
 
Derrière D-LBO, MoTaKo et MoTIV Land
 
D-LBO découle essentiellement de la combinaison de deux sous-programmes relatifs à la communication mobile tactique (MoTaKo) et au traitement de l’information tactique mobile (MoTIV Land). MoTaKo regroupe les moyens techniques (postes radio, réseaux cellulaires et satellitaires, noeuds de communication) constituant l’infrastructure mobile nécessaire pour relier les différentes unités et échelons de commandement. MoTIV Land s’apparente à un système de gestion du champ de bataille (BMS), conçu pour réaliser l’analyse et la synthèse des données issues du réseau de commandement tactique.
 
Ces programmes reposent sur un impératif d’acquisition de matériel sur étagère, autant que cela est possible technologiquement parlant. Une exigence sur laquelle ont d’emblée rebondi Thales et Atos, le premier avec les systèmes SYNAPS (ou CONTACT en France), System 21 et NEXIUM et le second avec le Bull BMS, qui est la base fonctionnelle et technique du système SICS de Scorpion. Pour réduire davantage les coûts de développement et de possession, l’armée allemande a par ailleurs misé sur le projet européen de développement d’une radio logicielle ESSOR, rejoint par l’Allemagne en décembre 2019 et plus récemment par Rohde & Schwarz. Conduit par la coentreprise française a4ESSOR SAS, ce programme est entré dans une nouvelle phase OC1 (Operational Capability 1) d’une durée de 63 mois pour un coût total de 100M€.
 
A contrario, les composants coûteux doivent être déployés a minima et uniquement pour répondre à des impératifs techniques particuliers, tels que les noeuds mobiles de communication. Une poignée de technologies resteront en conséquence placées sous le sceau de la souveraineté nationale. C’est le cas de la radio logicielle SVFuA, dont les clés de chiffrement développées spécifiquement pour D-LBO ont été classifiées en 2016, « ce qui contribue à la préservation du savoir-faire national dans ce domaine », justifie le ministère de la Défense.
 
Objectif 2035
 
L’implémentation de L-DBO dans les forces, étalée sur deux décennies, n’en reste pas moins ambitieuse. Pour numériser l’équivalent d’une division en 2027 et de huit brigades opérationnelles d’ici à 2035, la Bundeswehr envisage l’acquisition de 90 000 systèmes radio pour équiper le combattant débarqué et près de 25 500 véhicules, dont le futur MGCS. Les briques du programmes D-LBO seront déployées selon une approche incrémentale, avec une première brigade (Kräftedispositiv 1 – KD 1) équipée à l’horizon 2023 en vue de son déploiement dans le cadre de la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) de l’OTAN. « Afin d’entamer l’implémentation de la KD 1 en accord avec le calendrier du programme, les fonds nécessaires sont inclus dans le budget 2020. (…) Un prérequis pour l’adaptation de la KD 1 de 2023 à 2024 est l’approvisionnement graduel de fonds budgétaires en accord avec la solution proposée », indique le ministère de la Défense dans un rapport récent sur la digitalisation de la Bundeswehr.
 
Plusieurs paliers doivent en théorie être atteints cette année après la contractualisation d’une première tranche de livrables en décembre 2019. Cela doit premièrement aboutir à l’intégration sur 27 GTK Boxer et 23 SPz Puma de la radio logicielle SVFuA conçue par Rohde & Schwarz. Conclu en 2017 dans le cadre de MoTaKo, cet accord-cadre prévoit des livraisons supplémentaires sur une durée de sept ans. Il s’accompagne de l’acquisition d’un nouveau système de gestion du champ de bataille sur base de la ligne d’action « BMS VJTF (L) 2023 ».
 
À l’heure où Français et Belges se rapprochent grâce à Scorpion, l’Allemagne de son côté opté pour une coopération approfondie avec les Pays-Bas. Également confronté à l’impératif de digitalisation de ses forces armées, ces derniers ont décidé de relier leur programme national FOXTROT à son équivalent allemand. Cette coopération baptisée « Tactical Edge Networking » (TEN) s’est matérialisée en mai 2018 par la signature d’une lettre d’intention, puis renforcée en juin 2019 par un Memorandum of Understanding (MoU). En découle la constitution d’un comité de pilotage binational placé au niveau ministériel. Après une phase de montée en puissance, le volet FOXTROT du partenariat TEN devait se traduire par la diffusion d’une demande d’informations au printemps 2020.
 
D’inévitables glissades calendaires
 
Selon un rapport publié le 18 mai par le ministère de la Défense, la conduite du programme D-LBO n’est pas exempte d’obstacles susceptibles d’avoir un impact temporel significatif si ils ne sont pas surmontés à court terme. Parmi la dizaine de facteurs de risque évoqués, les questions stratégiques, politiques et de gestion des coûts semblent les plus problématiques car contribuant à décaler la livraison de certaines briques.
 
Ainsi, si l’intégration d’un premier lot de radios véhiculaires SVFuA se poursuit de manière nominale, la contractualisation de l’élément BMS VJTF (L) 2023 accuse, elle, de « légers retards ». De même, la constitution d’une première brigade numérisée (KD 1) en partenariat avec les Pays-Bas requiert une coordination « approfondie et dès lors coûteuse en temps (…), ce qui entraînera vraisemblablement des retards dans [l’établissement de] la KD 1 ». « Des mesures d’accompagnement doivent être rapidement implémentées afin d’éviter en raison de l’obsolescence des équipements de radio actuels », souligne le ministère de la Défense.
 

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