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Quel avenir pour la filière européenne des blindés ?

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La formation de KNDS et, plus récemment, le rapprochement entre Rheinmetall et la division terrestre de BAE Systems l’ont démontré: la consolidation du secteur des véhicules blindés est déjà à l’oeuvre en Europe. Mais ces rapprochements restent timides, malgré l’existence de nombreux axes de collaboration, révèle le think-tank RAND dans une étude commandée par l’Agence européenne de défense (AED).
 

Un VBMR Griffon dans les chaînes de montage d'arquas (Crédit photo: Arquus)

Un VBMR Griffon dans les chaînes de montage d’Arquus (Crédit photo: Arquus)


 
Confiée en octobre 2017 à la RAND Corporation, cette étude visait à identifier de nouvelles opportunités de rapprochements étatiques et/ou industriels en matière de véhicules blindés, à l’exception notoire des chars de combat. Si l’Europe vit en effet une hausse globale des dépenses militaires, l’heure reste cependant à la prudence au sein des chancelleries. Car le lancement de programmes d’acquisition, généralement onéreux de par leur ambition(cfr Scorpion), incite aussi les gouvernements à faire preuve d’une certaine méfiance financière à l’égard de leurs BITD respectives. « La France n’est pas un client ‘vache à lait’ ; elle paiera le prix juste et auditera les coûts », avait ainsi martelé la ministre des Armées Florence Parly lors de ses derniers voeux aux Armées, ajoutant qu’elle ne sera « que très modérément compréhensive pour les délais et les surcoûts (…) ».
 
Second en importance après celui de la Russie, le parc blindé des Etats membres de l’AED et de leurs partenaires européens représente non moins de 38 266 véhicules. Il se distingue par ailleurs par son extrême fragmentation, soit plus de 80 familles de plateformes différentes dont les capacités ont tendance à se chevaucher. Une partie de ces flottes fait aujourd’hui l’objet de programmes de remplacement présentant souvent des similitudes fortes en terme d’exigences technico-opérationnelles et de calendrier. Ainsi, deux pôles dominent largement les besoins actuels: la modernisation des véhicules chenillés et l’achat de véhicules de transports de troupes à roues neufs. Selon la RAND, 15 pays européens ont déjà acquis ou envisagent d’acquérir un nouveau blindé à roues. Malheureusement, ces programmes nationaux entretiennent un cloisonnement dicté notamment par le principe d’autonomie stratégique et le renforcement des BITD nationales. Seule exception notable, le programme CaMo a réussi à communaliser, du moins sur papier, les plateformes, doctrines et moyens d’entraînement et de soutien des forces terrestres belge et française.
 
À ces incohérences programmatiques s’ajoutent « une surcapacité au sein de l’industrie européenne de la défense par rapport à la taille du marché européen et un manque de coopération industrielle, de consolidation et d’intégration de la chaîne d’approvisionnement », constate le think-tank. Saturé, le marché européen est actuellement composé d’une vingtaine d’industriels, soit deux fois plus d’acteurs qu’au sein du seul paysage industriel américain. Moins de la moitié d’entre eux parviennent aujourd’hui à exporter leurs systèmes hors-Europe, et la plupart se concentrent donc sur un marché national voire, dans une moindre mesure, régional. Cette saturation explique, entre autres, le rapprochement de Nexter et de KMW au sein de la coentreprise KNDS. Bien qu’avortée, la vente d’Arquus par Volvo est également significative de l’existence « d’un désir des constructeurs pour une consolidation plus poussée », précise la RAND. À moindre échelle, la même volonté est observée au niveau des chaînes logistiques, davantage déployées de manière transnationale.
 
Fort de ce constat, ce rapport relève cinq modèles de coopération susceptibles d’appuyer les quelques initiatives déjà entreprises. Outre la possibilité de générer « des économies substantielles », ces leviers peuvent « offrir des avantages opérationnels et stratégiques, tels que des processus harmonisés de maintenance, de réparation, de révision et d’approvisionnement ». De fait, il s’agit premièrement d’harmoniser les flux de pièces détachées par la création de « pools » d’approvisionnement en encourageant la gestion raisonnée de stocks centralisés. Un raisonnement que l’on retrouve au sein du second modèle, qui suggère  la création de centres de MRO conjoints. Ensuite, la RAND enjoint de favoriser des programmes de modernisation modulaires, dans lesquels un sous-système serait avant tout conçu pour s’adapter à une majorité de plateformes. Le quatrième modèle suppose, quant à lui, de privilégier l’achat de véhicules sur étagère, solution idéale pour gonfler les volumes de production et diminuer le coût unitaire. Autant de modèles susceptibles de générer jusqu’à 63% d’économies.
 
In fine, le scénario idéal demeure celui du développement conjoint d’une nouvelle plateforme. Loin de n’être qu’utopique, ce dernier modèle s’appuie au contraire sur l’un des projets du dispositif européen PESCO. Adopté en mars 2018, ce programme en appelle au développement d’une gamme de véhicules blindés de combat d’infanterie, amphibie et léger. Selon les documents officiels, ce projet a pour finalité la création d’une plateforme commune apte à être déployées rapidement pour des missions de reconnaissance, d’appui-feu, de soutien logistique, de C2 et de support médical. Un programme ambitieux, mais situé en queue de peloton en matière de participations, car seulement rejoint par l’Italie, la Slovaquie et la Grèce. Trois pays dont les BITD, à l’exception discutable de l’Italie, ont, jusqu’à présent, joué un rôle secondaire sur le marché européen des véhicules blindés.
 
S’il s’avère succinct, le rapport de la RAND a néanmoins le mérite de relever les principaux obstacles structurels du marché européen. Des axes d’amélioration existent, mais leur implémentation reste subordonnée à l’expression d’une volonté commune des gouvernements et des industriels. Ces derniers ayant, certes localement, ouvert la voie, la balle semble désormais dans le camp des Etats, principaux bénéficiaires des réductions de coûts résultant des modèles évoqués dans ce rapport.
 
 

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