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Nexter parie sur l'artillerie augmentée pour capter d'autres marchés

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Le CAESAR 8x8, l'une des clefs de voûte du concept d'artillerie augmentée (Crédits : Nexter)

Le CAESAR 8×8, l’une des clefs de voûte du concept d’artillerie augmentée (Crédits : Nexter)


 
S’il est un marché dans lequel subsistent des opportunités commerciales, c’est bien celui de l’appui-feu. Champion européen du segment, Nexter peut désormais miser sur son concept « d’artillerie augmentée », un condensé d’innovations calibré pour répondre aux besoins exprimés en Europe et ailleurs.
 
La vague « artillerie » n’est pas encore passée
 
L’acquisition du CAESAR par le Danemark et sa récente sélection par la République tchèque démontrent que le renouvellement des parcs d’artillerie se poursuit. Toutefois, ces acquisitions parviennent difficilement à se concrétiser. Contrairement aux formations mécanisées, les éléments d’appui à l’engagement que sont principalement l’artillerie et la logistique briguent rarement les postes prioritaires des lois de programmation, visions stratégiques et autres plans d’investissements pluriannuels qui se multiplient en Europe depuis une décennie.
 
La question de l’appui-feu est trop souvent posée en fin de programmation, à condition que les fonds n’aient pas tous été captés entretemps par les grands programmes consommateurs de budgets. L’artillerie endosse parfois le rôle de variable d’ajustement pour compenser le choix de systèmes plus coûteux comme les véhicules de combat d’infanterie ou les chars de combat. Une logique dans laquelle la France ferait presque figure d’exception, avec la commande cette année du Griffon MEPAC et la livraison avant la fin de la LPM de 32 CAESAR supplémentaires pour remplacer les derniers AUF1 et homogénéiser ainsi le parc de l’armée de Terre.
 
En dépit de l’incertitude générée par la crise sanitaire, on estime chez Nexter que « le marché de lartillerie reste prometteur. Après être passée au second plan durant des années, lartillerie redevient prioritaire dans un contexte de renouvellement capacitaire global. Par exemple, toutes les artilleries ne sont pas encore passées au 52 calibre et la récente vague d’acquisition de ce calibre est loin d’être achevée ». Après Copenhague et Prague, d’autres opportunités pourraient se présenter dans les mois et années à venir, en tenant compte des calendriers nationaux. « Il reste des opportunités, même si l’épidémie de Covid-19 rabat certaines cartes. Le dernier conflit majeur dans lest de lUkraine nous a fait redécouvrir le combat de haute intensité, auquel il faut apporter une réponse sur le plan capacitaire. Nexter accompagnera ces armées qui, aujourd’hui, ne sont pas suffisamment pourvues pour faire face à ce type de menace ». Si l’impact économique de la crise tend à changer la donne, la pression exercée depuis 2014 par l’OTAN continuera d’influencer la réorientation des ressources vers des investissements capacitaires.
 
La Suisse, le Royaume-Uni et la Belgique, entre autres, ont annoncé leur intention de se doter de systèmes d’artillerie modernes. Côté suisse, se pose dès à présent la question de l’avenir des  obusiers blindés M109 KAWEST WE et de leurs systèmes connexes dont le retrait est programmé pour 2025. Même son de cloche côté britannique, où la centaine de canons automoteurs AS-90 devrait être retirée du service opérationnel à l’horizon 2030. D’après le ministre d’État auprès du ministre britannique de la Défense, Jeremy Quinn, des travaux sont en cours pour identifier un système capable de répondre aux menaces des années 2050. La dernière mise à jour de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale (SDSR) britannique, lancée en février et attendue à l’origine pour cette année, a depuis été gelée en raison de l’épidémie de Covid-19. Il faudra donc attendre 2021 et le lancement éventuel d’une consultation pour dessiner les contours du besoin britannique. Le voisin belge, enfin, envisage depuis 2016 et la publication de sa Vision stratégique de renouer avec une artillerie de longue portée. Une capacité pour laquelle la Défense belge prévoit de débloquer 48M€ entre 2027 et 2029 en surfant en toute logique sur le programme CaMo, fondateur d’une intégration poussée à travers toutes les lignes de développement capacitaire. « Nous espérons étendre ce partenariat à la capacité dartillerie. Sommes-nous prêts à le faire ? Bien évidemment et nous en serions très fiers », assure-t-on chez Nexter. Le CAESAR correspondrait à l’évolution programmée d’une partie de l’artillerie belge vers « une batterie dappui-feu indirect de précision, à longue portée, montée sur châssis et aérotransportable ».
 
Exit le couple "pièce-munition", l'artillerie augmentée y joint des robots, des drones et de nouveaux systèmes d'entraînement et de simulation (Crédits : Nexter)

Exit le couple « pièce-munition », l’artillerie augmentée y joint des robots, des drones et de nouveaux systèmes d’entraînement et de simulation (Crédits : Nexter)


 
Muscler l’offre pour capter d’autres marchés
 
Fort des 300 CAESAR vendus de par le monde, du million de km parcourus – dont 50 000 en opération – et des 100 000 coups tirés, Nexter n’a plus grand chose à prouver en matière de production ou d’intégration. Tout n’est pas produit par Nexter, mais le rôle et l’expérience de systémier-intégrateur permet au groupe de s’ouvrir à de nombreux sous-systèmes externes. Aujourd’hui, explique-t-on chez Nexter, « le CAESAR est vendu avec trois systèmes de navigation inertielle différents, dont ceux produits par les Français Safran et iXblue ». Le CAESAR peut en outre être associé à pratiquement n’importe quel C2 existant.
 
Mais le CAESAR doit aussi faire face à une concurrence rude. L’industriel versaillais mise désormais sur les robots pour multiplier les moyens d’observation d’artillerie, alléger la charge des servants et éventuellement assurer une partie de leur protection rapprochée. La simulation, également, améliore l’expérience des formations et des entraînements. L’artillerie dite « augmentée » est née, dépassant le traditionnel couple « arme-munition » pour intégrer de nouvelles technologies et optimiser la manœuvre et l’effet produit sur le terrain. Afin d’y parvenir, Nexter s’est appliqué à « chercher ce qui nous manque et que lon pourrait apporter de façon à être plus performant ».
 
Pour la première fois, l’édition 2019 des Journées de l’artillerie a démontré l’utilité d’une intégration poussée de la robotique et de l’automatisation dans les trois dimensions, à commencer par le domaine aérien. « Nous ne produisons pas de drones mais nous sommes parfaitement capables de les intégrer dans notre chaîne. Parmi les systèmes présentés au Journées de l’artillerie augmentée d’octobre 2019, nous avons intégré le Spy’Ranger 330 de Thales », explique-t-on chez Nexter. Renommé « système de mini-drones de renseignement » (SMDR) par l’armée de Terre, il reprendra prochainement le rôle du DRAC au sein des batteries d’acquisition et de surveillance des régiments d’artillerie. Si la fonction drone est utilisée de longue date pour l’observation d’artillerie, le SMDR en triplera l’allonge à 30 km et dispose d’une nouvelle génération de voies jour/nuit en haute définition et d’une liaison de données sécurisée et miniaturisée.
 
Au sol, le CAESAR peut faire appel à plusieurs auxiliaires robotisés. Un robot-mule chenillé, premièrement, a été modifié pour emporter, en totale autonomie, une dizaine d’obus et de charges depuis la zone de ravitaillement jusqu’à la pièce. Par ailleurs, cet outil  justifie le choix de Nexter et de l’armée de Terre de tourner le dos aux systèmes de chargement automatique pour son artillerie. Indispensable pour les blindés, le chargement automatique se révèle parfois contraignant pour les artilleurs. En effet, il leur est nécessaire de gagner du temps sur le chargement de l’obus adéquat et ceci pour garantir la permanence des feux.   Un obus éclairant, par exemple, n’aura aucune utilité de jour mais s’avérera indispensable de nuit et devra donc soit être ôté du lot d’obus pré-chargés, soit rajouté lorsqu’arrive l’obscurité, nécessitant une opération manuelle chronophage et épuisante pour les servants. Qui dit changement des munitions dit arrêt du système et vulnérabilité. Dans le cas présent, le robot-mule apporte une fonction supplémentaire en évitant une rupture dans la séquence de feu. Un second robot – l’OPTIO-X20 – assure la protection rapprochée des artilleurs. Ce robot, dévoilé il y a deux ans, est le fruit de l’intégration d’un tourelleau téléopéré (TTOP) ARX-20 sur la plateforme chenillée hybride THeMIS de l’Estonien Milrem. Une troisième plateforme vient renforcer le segment observation/reconnaissance sur la base d’un mât intégré et équipé de moyens de détection optiques.
 
L’évolution de l’appui-feu ne se limite pas au seul cadre opérationnel ; c’est pourquoi Nexter Training s’est penché sur l’usage de la simulation pour les missions de formation, d’entraînement et de maintenance. L’imagerie 3D avait été privilégiée au départ, mais celle-ci a rapidement montré ses limites car, toujours d’après Nexter, « elle laissait les opérateurs travailler dans un monde uniquement virtuel ». Depuis, le couplage de l’imagerie 3D et d’une maquette grandeur réelle du système améliore l’expérience des utilisateurs – une méthode déjà adaptée pour l’arme de 20mm. Très récemment, Nexter a reproduit l’expérience avec un dispositif représentant l’arrière du CAESAR. Le chef de pièce et son équipe sont certes dans un monde virtuel, mais tous vont appliquer les ordres et recréer les actions opérationnelles sur un « vrai » canon. « Cela ajoute des notions de mouvement et de poids susceptibles d’affiner le geste et de lui permettre de s’approcher au plus près de la réalité ». L’idée a d’emblée fait mouche, puisqu’ « un client présent aux Journées de l’artillerie l’a demandé pour un usage immédiat ».
 
Côté munitions, l’arrivée du 52 calibre il y a 10 ans a nécessité le renouvellement complet de la gamme. La munition LU 211 IM, par exemple, a été conçue pour répondre aux nouveaux impératifs de sécurité. « Muratisée », celle-ci est insensible aux agressions extérieures. « Nous l’avons testée avec un RPG. Nous pouvons y mettre le feu, elle n’explosera pas », assure-t-on chez Nexter. Non seulement cette capacité évite de propager une explosion accidentelle à d’autres obus, mais elle réduit considérablement les contraintes lors du transport et du stockage. Les visions évoluent aussi dans leur forme pour éviter qu’un gain de portée n’occasionne une baisse en termes de précision ou de létalité. Quant à l’obus guidé Katana dévoilé en 2018 au salon Eurosatory, « des tirs d’essais ont été réalisés, d’autres tests sont en cours. Les choses avancent et avancent bien. C’est encourageant ».
 
Encourageant, c’est le qualificatif privilégié par Nexter pour définir le travail accompli jusqu’à présent. Chez Nexter, on ne compte dès lors pas s’arrêter en si bon chemin. Dernièrement, son savoir-faire a été reconnu par l’Agence européenne de défense, qui l’a sélectionné pour participer au projet PILUM (Projectiles for Increased Long-range effects Using Electro-Magnetic railgun). Durant les deux prochaines années, Nexter et les huit autres membres du consortium PILUM travailleront à démontrer que « le canon à rails électromagnétique dispose du potentiel suffisant pour créer une rupture technologique dans l’appui d’artillerie à longue distance ». Toujours en cours de définition, l’édition 2021 des Journées de l’artillerie augmentée annonce quant à elle d’autres expérimentations propices à asseoir la position de Nexter dans le petit club des industriels innovants. « Nous sommes très attentifs aux évolutions technologiques actuelles, mais aussi à celles qui pourraient survenir dans le futur », conclut l’industriel.

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