Carton plein pour MBDA, qui aura achevé l’exercice 2024 avec une nouvelle moisson de records. Derrière une activité en hausse, l’effort d’accélération de la production porte ses fruits et permet au groupe européen de se positionner favorablement auprès d’une clientèle désireuse de renforcer rapidement ses capacités tout en diminuant sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs américains.
« Nous vivons un moment historique », relevait hier matin le PDG de MBDA, Éric Béranger, à l’occasion de la présentation des résultats annuels du groupe européen. Historique, la séquence l’est à plus d’un titre pour le groupe détenu par Airbus, BAE Systems et Leonardo. Les résultats du dernier exercice parlent d’eux-mêmes.
« Je ne sais plus trop quoi dire parce que l’an dernier je vous parlais d’un record historique en 2023 avec près de 10 Md€ de prises de commande », notait le chef d’entreprise. Les prises de commande de MBDA auront en effet atteint 13,8 Md€ au cours des 12 mois suivants, pulvérisant le plafond précédent et portant à 37 Md€ un carnet de commandes devenu « très substantiel ». Le chiffre d’affaires progresse quant à lui de près de 9% pour flirter avec les 5 Md€. Cette dynamique, MBDA la maintient grâce à plusieurs succès emblématiques tels que celui acté en Allemagne pour des missiles Brimstone 3, les acquisitions groupées de missiles Aster et MISTRAL 3, la commande de lanceurs VL MICA par la France ou encore l’investissement britannique en faveur du soutien de ses systèmes de défense anti-aérienne Sea Viper.
« Honnêtement, je serais très surpris si nous continuons à accroître notre carnet de commandes », tempère Éric Béranger. Le niveau redescendra peut-être « à un moment », mais sans doute pas jusqu’à celui de 2018-2019. « Aussi loin que MBDA est concerné, nous constatons aujourd’hui une demande forte ». Les opportunités ne manquent pas, notament pour un système moyenne-portée SAMP/T NG solidement ancré dans le dernier carré d’un projet d’achat prioritaire conduit par le Danemark.
Le Danemark n’est qu’un exemple de prospect parmi bien d’autres à l’heure « où les alliances dans le monde sont remises en question ». « Nous vivons à un moment où le comportement d’alliés historiques devient plus incertain (…) C’est un moment très spécial où l’Europe discute activement de la manière avec laquelle elle peut prendre son destin en main », observe Éric Béranger. Les appels au réarmement pleuvent depuis plusieurs semaines, volonté concomitante d’une autre visant à réduire la dépendance historique au parapluie américain. MBDA aura un rôle à jouer dans ce sursaut de souveraineté européen, de part sa capacité à livrer l’ensemble du spectre d’armements complexes nécessaires. « Nous pouvons tout faire chez nous », rappelle le patron de MBDA en mentionnant au passage l’efficacité démontrée l’an dernier par certains missiles en mer Rouge et, plus récemment, en Ukraine face aux chasseurs russes.
Tout ou presque, car certaines capacités manquent à l’appel, à l’image de la défense contre les menaces hypersoniques, de munitions téléopérées ou d’une frappe longue portée terrestre pour laquelle le groupe propose d’adapter son missile de croisière naval (MdCN). « De nouveaux [programmes de coopération] arrivent, que sont Aquila, FC/ASW juste pour en mentionner certains », énumérait Éric Béranger. Voilà un moment que ses équipes planchent aussi sur les MTO, un effort pour lequel le missilier s’est rapproché de dronistes tels que Novadem et FLY-R. Écartée à l’issue de l’appel d’offres MTO CP du ministère des Armées, la MTO Sphynx conçue avec Novadem poursuit néanmoins son développement. Selon le patron de MBDA, elle a été testée la semaine dernière en collaboration avec la Direction générale de l’armement (DGA).
En Europe ou ailleurs, les besoins sont aussi urgents que croissants et, à court terme, le principal défi de l’industriel restera de livrer à temps et en quantité. Lancée l’an dernier, le plan d’accélération de l’outil industriel apporte ses premiers résultats. « En 2024, nous avons produit et livré 33% de missiles en plus qu’en 2023 », indiquait Éric Béranger. Fin 2025, cette production globale aura doublé par rapport à 2023, complétait-il. Leçons du conflit russo-ukrainienne obligent, la précision et la fiabilité cohabitent désormais avec la masse. « La masse compte. C’est aussi un axe fort sur lequel nous travaillons », assure le grand patron. Exemple avec les munitions téléopérées (MTO), domaine pour lequel « MBDA est en discussion avec des industries qui ont l’habitude des volumes », explique-t-il en reprenant au passage l’exemple d’une filière automobile en crise.
MBDA est en réalité en avance sur son calendrier. L’augmentation de 50% de la capacité de production des missiles Aster annoncée pour 2026 ? « En fait nous livrons déjà cinq fois plus d’Aster que prévu initialement », se félicite Éric Béranger. Quadrupler la production mensuelle du MISTRAL 3, alors établie à 10 unités ? « Nous avons démontré cette capacité dès 2024 et sommes évidemment en avance sur cette cible en 2025 ». Idem pour la division par deux du cycle de production du MISTRAL. Et ce qui est vrai pour ces deux références l’est aussi pour l’Akeron MP, le CAMM et l’Enforcer, poursuit-il. L’appui européen n’y est pas pour rien. La filiale allemande bénéficie ainsi d’un coup de pouce de 10 M€ octroyé via le mécanisme européen ASAP pour muscler sa production de missiles multirôles Enforcer, un projet de 24 mois lancé en juillet dernier et baptisé « Enforcer Production Increase Campaign » (EPIC).
Entre les nouvelles machines et le renforcement des stocks, environ 2,4 à 2,5 Md€ seront investis entre 2025 et 2029 à l’échelle du groupe, qui mise aussi sur un autre processus. « Quand nous le pouvons, et il existe des segments dans lesquels nous le pouvons, nous anticipons. Nous préparons certaines productions, certains éléments de missiles et sous-systèmes pour réaliser ce que nous assemblons ‘l’assemblage sur commande’ afin d’être prêts à livrer très rapidement un éventail limité de missiles si cela nous est demandé ». Un risque, mais un risque calculé au vu de la visibilité du groupe et un argument devenu essentiel pour une clientèle plus exigeante qu’auparavant.
Crédits image : MBDA