Le 24 décembre dernier, Jean Yves Le Drian déclarait qu’une intervention militaire d’une force africaine était possible au premier semestre 2013 pour chasser les Islamistes (qui n’étaient pas encore qualifiés de terroristes) du Mali. Il reste un peu plus de deux mois à la force africaine pour entrer en action. Comme on dit maintenant, ça devrait le faire…
Samedi dernier, la communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) se réunissait au cours d’un sommet extraordinaire pour autoriser le déploiement de la MISMA (Mission Internationale de Soutien au Mali), cette dernière recevant dans le même temps un mandat de l’ONU pour aider le Mali à reprendre le contrôle de son territoire.
La force qui existe donc sur le papier va devoir se matérialiser. Car on en reste pour l’heure aux déclarations de principe et à la parade de quelques détachements devant les caméras. De nombreuses questions restent sans réponse sur l’équipement de ces forces, leur organisation et leur emploi. Et, j’allais oublier, leur financement… Une première évaluation rendue publique par la Cedeao fait état d’un besoin de 375 M€ pour la mise sur pied de la force. Un appel a été lancé à l’ONU pout un appui financier et l’Union Européenne a déjà mis la main à la poche avec une enveloppe de 50 M€. En ce 22 janvier, les 2100 soldats français « projetés » au Mali ont été rejoints par environ 1000 Africains : 800 appartenant aux huit pays de la MISMA (Nigéria, Togo, Bénin, Sénégal, Niger, Guinée, Ghana et Burkina Faso) et 200 en provenance du Tchad.
A terme, les forces combinées de la MISMA et du Tchad devraient compter 5600 soldats, dont Paris souhaite ardemment qu’ils puissent remplacer les troupes françaises. Il y a loin de la coupe aux lèvres. A l’exception du Ghana et de la Guinée, qui apporteront chacun l’équivalent d’une compagnie, la plupart des pays africains s’engagent à hauteur d’un bataillon, soit environ 500 soldats. C’est par exemple le cas du Togo, du Burkina Faso, du Sénégal et du Niger. Pour ce dernier, les questions logistiques se posent avec moins d’acuité, les troupes étant directement positionnées sur la frontière avec le Mali. Pour les autres, les arrivées se font au compte-goutte : une centaine de Togolais sont arrivés à Bamako. Il s’agit selon les autorités de Lomé d’hommes aguerris ayant été entrainés par les Français et les Américains. Le Bénin, qui avait dans un premier temps promis 300 hommes, a porté sa contribution à 650 pour se mettre au niveau des autres partenaires. Une cinquantaine sont arrivés à ce jour. La Côte d’Ivoire a annoncé hier lundi qu’elle participerait également à hauteur d’un bataillon logistique. Le Nigeria se dit quant à lui prêt à envoyer 1200 hommes. Le géant démographique africain est lui-même déjà bien occupé dans son arrière cour avec la rébellion attisée par la secte islamiste Boko Haram. Les images tournées à Bamako montrent une centaine de combattants proprement équipés débarquant avec discipline d’un C-130 de la Nigerian Air Force.
C’est aussi un général nigérian qui dirigera officiellement les opérations de la MISMA, avec un chef d’état-major nigérien. Un état-major fort de 80 officiers, pas un de moins, se met d’ailleurs en place à Bamako. Très rapidement, cette structure sera confrontée au défi de faire travailler ensemble un grand nombre de contingents, des confettis d’armée, qui n’ont aucune expérience ou si peu de la coopération entre eux. Le tout bien entendu sur fond de dénuement et de manque de moyens matériel. La France a d’ailleurs déjà donné le « la » en matière de coopération sur le terrain, le porte-parole de l’état-major des armées ayant rappelé que les troupes françaises étaient « au contact » des Maliens, mais en aucun cas « imbriquées » : « un imbrication nous ferait perdre notre efficacité ». C’est du bon sens… La France disposera d’ailleurs de son propre état-major pour l’opération Serval. SI l’on ajoute également celui de l’armée malienne, on en arrive donc à un total de trois structures de commandement dans le pays. Ou même quatre si l’on compte celle mise sur pied dans le pays pour accompagner la mission de formation de l’armée malienne, avec la France comme nation cadre. En matière d’état-major, il semble donc que le front soit solidement tenu.
Reste bien entendu le cas des Tchadiens, qui seront les plus gros contributeurs africains de l’opération, avec 2000 hommes, soit un régiment d’infanterie et deux bataillons d’appui. 200 hommes sont déjà arrivés à Niamey (Niger) où ils rejoindront les troupes nigériennes avant d’entrer en territoire malien.
En l’espace de quelques jours et sous la pression des événements, on a donc rapidement glissé du concept d’une intervention africaine soutenue par la France à une intervention directe de la France, prélude à une troisième étape qui verrait la mise en place d’une opération avant tout franco-tchadienne.
illustration : une colonne française s’apprête à faire mouvement depuis l’aéroport de Bamako (ECPAD)
Les Tchadiens sont ils intégrés à la Misma ?