Clap de fin pour PILUM, première étape dans le développement d’un canon électromagnétique européen. Cette « base solide » désormais acquise, une nouvelle page s’ouvrira prochainement avec le projet THEMA, effort de maturation soutenu par le Fonds européen de la défense (FED).
Lancé en avril 2021 sous la houlette de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL), le projet PILUM s’est conclu la semaine dernière au siège de l’Agence européenne de défense (AED). Après trente mois de recherches soutenues à hauteur de 1,5 M€ par l’Europe, les sept industriels et laboratoires partenaires ont constaté « des progrès considérables » pour chacun des trois piliers principaux de l’ « electromagnetic railgun » (EMRG) : le canon proprement dit, ses projectiles et son système de stockage et de conversion de l’énergie.
Partant de scénarios établis avec les utilisateurs finaux, l’équipe de PILUM a mené de front une série d’exercices de simulation numérique et analytique, de tests en laboratoire, d’expérimentations en espace ouvert pour chacun des trois sous-systèmes. Les dernières phases se sont axées sur les questions d’ingénierie système et sur des scénarios d’intégration d’un EMRG sur plateformes navales et terrestres.
« Les résultats dépassent les attentes », se félicite l’ISL. Côté canon, les températures élevées et les frottements générés à chaque tir pourront être compensés d’un revêtement résistant à l’usure, augmentation de la durée de vie à la clef. PILUM débouche par ailleurs sur un concept de canon sélectionné pour une étude approfondie et sur des idées d’alimentation en munitions et de visée adaptées aux besoins d’un EMRG.
PILUM aura ensuite permis de progresser sur un concept préliminaire de projectile hypervéloce atteignant Mach 6, et plus particulièrement sur sa résistance aux forces d’accélération et aux charges thermiques engendrées. « Des tests en soufflerie, des simulations se basant sur la mécanique des fluides numérique, ainsi que des tests en vol libre ont été réalisés afin d’évaluer la performance à Mach 5 », complète l’ISL.
L’épineuse question de l’énergie nécessitait elle aussi d’explorer plusieurs voies, telle que celle de l’alimentation capacitive et inductive. « Une évaluation du cycle de vie réalisée pour le concept d’énergie capacitive a montré que, dans des conditions opérationnelles spécifiques basées sur les scénarios, la densité d’énergie du système à énergie pulsée était d’environ 25% supérieure aux valeurs nominales indiquées dans les spécifications techniques du fabricant », note l’ISL. Ce dernier travaille sur une autre solution, celle d’un générateur XRAM « qui repose sur le stockage inductif de l’énergie magnétique dans un volume relativement faible ». En découle une proposition conceptuelle pour l’intégration de la technologie XRAM sur un navire.
« En raison des vitesses de projectile nettement plus élevées que l’EMRG peut atteindre par rapport à l’artillerie conventionnelle, des distances de frappe de 200 km et plus sont possibles », concluent l’AED et l’ISL au terme de PILUM, confirmant au passage la faisabilité d’un tel système entre Européens. Quant aux perspectives d’intégration, les études ont abouti à plusieurs preuves de concept. « Des solutions pourraient être proposées en fonction de l’espace disponible dans la plateforme », souligne l’AED.
Ces premières avancées serviront de socle pour progresser dans une feuille de route établie jusqu’en 2035. Incarnée par le projet « TecHnology for ElectroMAgnetic Artillery » (THEMA) sélectionné en juin dernier, la prochaine étape réunit tous les acteurs de PILUM ainsi que quelques nouvelles têtes. Conduits cette fois par Nexter, tous ont désormais le regard tourné vers le dernier trimestre de 2023, point de départ d’études de maturation qui amèneront en 2028 à l’expérimentation d’un démonstrateur sur un champ de tir.
Que la filière française soit majoritaire au sein de THEMA n’a rien d’un hasard. Derrière les solides compétences détenues, il s’agit sans doute de se positionner dès maintenant vis-à-vis d’une technologie pour laquelle les débouchés commencent à être évoquée par les donneurs d’ordre. C’est le cas en mer avec Naval Group mais aussi à terre avec Nexter (KNDS France), l’un des leaders européens en matière d’armement terrestre. Le canon électromagnétique, inscrit dans le volet innovation de la loi de programmation militaire pour 2024-2030, pourrait ainsi devenir l’une des briques du futur système de combat terrestre principal (MGCS), rappelait il y a peu le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
Crédits image : ISL