Le sujet ci-dessous a été rédigé à partir de l’article de Bernard Amrhein paru dans le magazine des ingénieurs de l’armement n° 109
(http://www.caia.net/page/517/la-revue).
C’est sur le front et dans la boue des tranchées qu’Edgar William Brandt esquisse, en 1915, les plans d’un obusier léger et mobile destiné à l’appui au contact de l’infanterie de ligne. Depuis lors, l’armée de Terre a toujours eu recours au mortier de campagne, une arme sans cesse renouvelée et promise à un nouvel avenir.
Inventé en 1961 et mis au point par l’ingénieur Roger Crépin et son équipe, le mortier de 120 mm Rayé/Tracté Hotchkiss-Brandt est toujours unique dans son genre. Considéré par certains comme le meilleur mortier du monde, il est en service dans 25 pays, dont cinq nations de l’OTAN. Éminemment projetable par diverses méthodes, il est particulièrement robuste et tire un panel de cinq types de munitions particulièrement efficaces. Doté d’un tube réputé inusable, le Mo 120 RT est aussi un lanceur parfait, et indémodable. Mieux vaut donc perfectionner la véritable arme de l’artilleur qu’est la munition. Ainsi TDA Armements, une filiale de Thales, a entrepris sous l’égide de la DGA de transformer les projectiles existants, de 81 comme de 120 mm, afin de les rendre insensibles aux agressions et de les doter de fusées à double sécurité. Ce chantier a aussi été mis à profit pour affiner le design des munitions de mortiers afin de réduire la portée minimale à 900 m, et d’augmenter la portée maximale à 8 600 m.
Lancée en 1993, la version embarquée du Mo 120 RT consiste essentiellement en une adaptation du tube rayé sur un affût capable d’encaisser le recul au moment du tir, tout en conservant l’utilisation de toute la gamme des munitions préexistantes, et en intégrant ce nouveau système d’arme sur le véhicule choisi. Dès réception d’un ordre de tir, le véhicule ouvre les deux trappes de toit tout en rejoignant une position de tir de circonstance. Une fois à l’arrêt, la pièce rallie automatiquement les éléments de tir et l’artificier dépose le premier projectile sur un berceau qui le déplace vers l’avant du tube où un dispositif de chargement agrippe le projectile pour l’introduire dans la bouche à feux. La pièce peut alors tirer jusqu’à dix coups en une minute, puis sort de batterie tout en ramenant la pièce en position de route et en refermant ses trappes. Cela signifie que la pièce a quitté sa position avant même que le premier coup n’atteigne son objectif, ce qui rend techniquement impossible tout tir de contrebatterie.
Aujourd’hui, il reste nécessaire de tirer en salves ou en rafales pour encadrer l’objectif et garantir un effet militaire de destruction ou de neutralisation par recoupement de plusieurs rayons de létalité d’une cinquantaine de mètres environ. Les combats modernes ayant de grandes chances de se dérouler dans des zones urbanisées, il devient nécessaire d’adopter une munition guidée de mortier (MGM) arrivant sur objectif avec une précision théorique inférieure au mètre et emportant une charge militaire optimisée pour ne produire que des effets collatéraux extrêmement réduits. Les unités d’infanterie déployées en Afghanistan ont toutes été accrochées à l’abord d’un hameau ou d’un village, ce qui interdisait l’emploi des projectiles de mortier ou d’artillerie à trajectoire balistique à forte dispersion et aux effets particulièrement létaux. Avec la MGM, il deviendra possible de détruire une cible à haute valeur ajoutée retranchée dans une maison. De nombreux objectifs pouvant être traités, à l’avenir, par une MGM, le poids logistique des unités d’appuis-feux pourra être réduit de manière drastique.