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Le CRR-Fr aux commandes de la composante terrestre de la NATO Response Force 2022

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La France est, depuis le 13 janvier, officiellement aux commandes de la composante terrestre de la Force de réaction de l’OTAN (NRF), une force multinationale à haut niveau de préparation capable d’intervenir sur tous types de crise. Le rendez-vous est majeur pour l’armée de Terre, qui arme un état-major tactique et place plusieurs milliers de soldats en alerte pour les 12 prochains mois.

La France au centre de la NRF 22

Créée il y a pile 20 ans, la NRF « est par excellence l’outil de gestion de crise à 360° », estime le général de corps d’armée Pierre Gillet, commandant du quartier général du Corps de réaction rapide – France (CRR-Fr). Depuis 2014 et son renforcement suite à l’invasion de la Crimée, la NRF dispose de 40 000 militaires prêts, sur accord de leur gouvernement, à être déployés pour répondre à une crise survenant dans l’aire de responsabilité de l’OTAN.

Et son spectre d’emplois ne se limite pas à assurer une réponse militaire immédiate, mais comprend aussi des actions de gestion de crise, de soutien de la paix et de secours humanitaire. Dernier exemple en date à l’été dernier avec le retrait des forces de l’OTAN d’Afghanistan. La NRF avait alors été activée pour soutenir, entre autres, l’accueil de ressortissants afghans dans un camp construit au Kosovo.

Véritable « boîte à outils », la NRF rassemble des composantes maritime, terrestre, aérienne, et de forces spéciales, ainsi qu’une capacité NRBC. L’ensemble est commandé alternativement par l’un des trois quartiers-généraux opérationnels de l’OTAN. En 2022, ce rôle est dévolu à l’Allied Joint Force Command (JFC) Brunssum, basé dans le sud des Pays-Bas.

Si l’Italie conduit le pilier forces spéciales (ITA-SOCC) et le Royaume-Uni la composante maritime (UKSTRKFOR), la France assume cette année le rôle de nation-cadre, précise le ministère des Armées. Elle fournit en effet le contingent le plus important, de l’ordre de 8300 militaires. Ceux-ci contribuent massivement à trois des cinq piliers de la NRF. Le Joint Force Air Component (JFAC) installé sur la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun, par exemple, agira en soutien de la composante air. Mais avec 7700 militaires concernés, l’essentiel de l’effort provient bien de l’armée de Terre.

Le général Pierre Gillet, commandant le CRR-Fr, reçoit le fanion de la NRF de la part du général Cloutier

Le CRR-Fr à la tête de la composante terrestre

Seul régiment français formé pour contrer les menaces NRBC, le 2ème régiment de dragons a pris les rênes du bataillon multinational NRBC. Le 13 janvier à Lille, le commandement de la composante terrestre (LCC) a été officiellement transféré au Corps de réaction rapide – France (CRR-Fr) par son homologue turc, le NRDC-T. Tous deux font partie des neufs états-majors terrestres rapidement déployables certifiés par l’OTAN.

Cette prise de commandement, la troisième après 2008 et 2014, « marque la contribution significative de la France aux missions de l’Alliance atlantique », a souligné le général Gillet en marge du transfert du fanion de la NRF. Le CRR-Fr, « le plus haut niveau de commandement de l’armée de Terre française », aura pour mission principale d’« être capable de commander les forces terrestres françaises et alliées dans tous les champs et dans toutes les phases de la conflictualité ». Il dispose pour cela d’un état-major parfaitement rodé d’environ 450 militaires de 14 nationalités différentes, près de 20% du personnel étant d’origine étrangère.

Le CRR-Fr a maintenant sous ses ordres plusieurs brigades, dont la « force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » (VJTF). Ces brigades forment un réservoir de forces que le CRR-Fr est en mesure d’activer et de déployer sur très court préavis, de cinq jours pour les éléments les plus avancés à 30 jours pour projeter jusqu’à 20 000 militaires en plusieurs vagues.

« La NRF est constituée de soldats bien entraînés, bien équipés, bien commandés et très motivés », rappelait le lieutenant-général Roger L. Cloutier, commandant de l’Allied Land Command depuis août 2020 en amont de la cérémonie de passation du fanion de la NRF. Pour y participer, les contingents nationaux poursuivent tous un cycle de pré-entraînement et d’assimilation des standards OTAN de 6 à 18 mois. Un cycle émaillé d’exercices et clôturé par une phase de certification. Pour le CRR-Fr, la préparation aura démarré 18 mois en amont de la certification opérationnelle, obtenue en octobre dernier à l’issue d’un exercice de quatre jours en Norvège.

Le plus dur commence pour le CRR-Fr. Pendant un an, il sera soumis à des exercices d’alerte selon un timing établi par le JFC Brunssum. « La première étape sera un exercice d’alerte assez formel déclenché par Brunssum pour ‘nous amener jusqu’au point de départ’, un port ou un aéroport », détaille le général Gillet. La seconde étape consistera à se déployer réellement en quittant la métropole pour aller jusqu’en Norvège. La responsabilité est ici nationale, les États concernés devant eux-mêmes faire parvenir leurs troupes jusqu’au point d’entrée du théâtre.

Enfin, il s’agira de jouer le débarquement d’une force multinationale en s’accolant à l’exercice Cold Response piloté par la Norvège. Une fois entrées sur le théâtre, le commandement bascule automatiquement sous la responsabilité de Brunsumm. Pour l’instant, seul Cold Response est inscrit à l’agenda de la NRF 22. En parallèle, le CRR-Fr et les autres unités françaises continueront de s’entraîner individuellement et collectivement, tant sur le « fond de sac » que sur les spécialités.

Le CRR-Fr est engagé dans un cycle de montée en puissance qui l’amènera à être en mesure de commander de 60 à 70 000 hommes à l’horizon 2025, contre 40 000 actuellement. Orion 2023 constituera à ce titre un autre échelon majeur. Le CRR-Fr a été chargé de monter et de conduire le volet haute intensité de cet exercice interarmées et interalliés. Il réalisera également un exercice en Pologne sur base d’une structure plus lourde que celle adoptée pour la NRF 22, une structure de niveau « corps » baptisée «  Warfighting Corps ».

NRF ? LCC ? VJTF ? BFA ? Forte de 40 000 militaires, la NRF englobe plusieurs composantes, dont la composante terrestre commandée par le LCC. Ce dernier a, grosso modo, sous ses ordres 20 000 militaires issus de plusieurs brigades de différentes nationalités. Dont la VJTF, brigade multinationale d’alerte comprenant plusieurs bataillons, dont des éléments de la BFA. Seule une partie de la VJTF est en mesure d’être déployée en quelques jours.

La BFA en pointe de la VJTF

« Outil » parmi d’autres subordonnés au LCC, la VJTF est le fer de lance de la composante terrestre. Son commandement est, cette année, dévolu au général de brigade Jean-Philippe Leroux, commandant la brigade franco-allemande (BFA). Il est secondé par le colonel allemand Philipp Leyde. La BFA succède dans ce rôle à la 66e brigade d’infanterie mécanisée turque.

Entre la NRF et la BFA, c’est déjà une longue histoire. La brigade a participé à la NRF 7, en 2006. Elle était également intégrée à la VJTF lors de sa création, en 2014. Pour l’heure, seul son état-major binational est véritablement d’alerte VJTF. Celui-ci a sous ses ordres plusieurs unités françaises ne faisant pas nécessairement partie de la BFA, ainsi que des bataillons portugais, espagnols et polonais.

La BFA sera néanmoins en pointe de flèche lors des exercices Brilliant Jump et Cold Response, au mois de mars. Les 1er régiment d’infanterie et 3e régiment de hussards armeront en effet le spearhead bataillon, le bataillon d’entrée en premier. Côté français, les unités d’alerte VJTF alternent selon un principe de rotation nationale modifié tous les quatre mois, l’échelon national d’urgence (ENU).

A l’instar de toute brigade d’alerte, la BFA reste en réalité à disposition de la NRF pendant trois ans. Sur les douze premiers mois, celle-ci a effectué une phase dite de « stand up », de montée en puissance durant laquelle elle est en mesure d’intervenir avec un préavis de 45 jours. Elle a basculé ce jeudi en « première ligne », dans une phase dite de « stand by » pour laquelle le préavis d’alerte est réduit à sept jours.

Enfin, l’an prochain, elle réalisera une phase de « stand down » durant laquelle le préavis est ramené à 30 jours. Durant toute cette période, elle reste placée sous le commandement du LCC. Ce sera alors au tour de l’Allemagne d’y consacrer des forces. Les bataillons allemands de la BFA seront donc à leur tour en alerte, à l’instar du reste de la Bundeswehr.

Une prise de commandement sur fonds de tensions

« Dans un environnement sécuritaire actuellement complexe, dynamique et incertain, la préparation n’est pas qu’un mot à la mode. Il s’agit d’être apte, prêt, et en mesure de se déployer, combattre et gagner quand et si l’Alliance le requiert », commentait le lieutenant-général Cloutier. Cette NRF 2022 démarre en effet dans « un contexte rigoureux et difficile » marqué, entre autres, par un regain des mouvements militaires russes à la frontière ukrainienne. « Au vu des menaces actuelles, dans une ère de compétition entre grandes puissances, il incombe aux forces terrestres d’être préparées et robustes », ajoutait le général américain.

Dans les états-majors, prudence et préparation restent de mise.  « Ce qu’il se passe aujourd’hui doit en priorité être discuté au niveau politique. Bien sûr, nous suivons l’actualité mais ce n’est pas notre rôle de décider. Nous devons avant tout être prêts en cas d’appel », nous répond le général Jörg Vollmer, chef de l’armée de terre allemande de 2015 à 2020 et actuel commandant du JFC Brunssum.

« Nous surveillons ce qu’il se passe et nous nous tenons renseignés. Mais, bien entendu, nous nous tenons renseignés sur ce qu’il se passe sur la façade est mais aussi sur la façade sud conformément à la vocation à 360° de la NRF », explique quant à lui le général Gillet.

Dans pareille situation, l’OTAN est d’autant plus forcée d’être convaincante vis-à-vis des adversaires potentiels. La NRF participe elle aussi à l’enjeu de la dissuasion. « La dissuasion ne fonctionne que si vous êtes capable de vous défendre. La NRF nous offre cette opportunité de démontrer que nous sommes capables de nous défendre », indique le général Vollmer.

Si elle exclut les pertes humaines ou matérielles, la dissuasion s’avère en réalité « bien plus dure que de défendre ou d’attaquer », du fait de la difficulté à placer le curseur au bon endroit sans savoir quelle sera la réaction de l’adversaire. « Il faut considérer que tout exercice de l’OTAN est une opération réelle (…) car nous devons être capable d’anticiper l’interprétation de l’adversaire potentiel ». La dissuasion est donc une « combinaison d’options beaucoup plus complexe », dans laquelle la NRF et ses composantes jouent un rôle déterminant.

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