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La Commission européenne videra-t-elle le Fonds européen de la défense de sa substance ? C’est l’une des craintes évoquées hier par le député Eric Straumann (Les Républicains), lors de la présentation d’un rapport d’informations sur l’industrie -de défense européenne à la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. 
 

(Crédit photo: Gouvernement.fr)

(Crédit photo: Gouvernement.fr)


 
La BITD européenne génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 100Md€ et sécurise 1,4 million d’emplois direct et indirects, dont un tiers pour la seule industrie française. Longtemps ignorée par les grands argentiers de l’Union européenne, cette filière stratégique profite aujourd’hui de l’apparition d’un levier financier majeur : le Fonds européen de la défense (FED). Créé en juin 2017 par la Commission européenne, ce dispositif est doté d’un budget de 590M€ pour la période 2019-2020, qui devrait ensuite plafonner à 1,5Md€ par an lors du prochain Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. De quoi permettre au FED de remplir sa mission première, à savoir de financer intégralement des projets de recherche collaborative (4,1Md€) et de cofinancer, avec les États, le développement de prototypes, les essais et les certifications des futurs systèmes d’armes (8,9Md€). Autrement dit, le FED devrait participer à l’harmonisation et la rationalisation de la BITD européenne en irriguant, entre autres, des programmes structurants, tels le SCAF et le MGCS. D’après le député Straumann, c’est malheureusement loin d’être acquis.
 
Car, si « le tabou du financement européen de la défense est donc bel et bien tombé », se félicite-t-il, reste à définir qui en seront les bénéficiaires et dans quelles mesures. De fait, malgré les milliards d’euros réservés à la défense dans l’accord budgétaire à venir, « nous savons tous (…) que les négociations pour le prochain CFP seront difficiles car les intérêts des États-membres sont très divergents ». La France, par exemple, est particulièrement engagée dans le soutien de sa BITD, « mais souhaite également préserver les crédits de la PAC (ndlr: Politique agricole commune) ». Premier bénéficiaire du budget de l’agriculture de l’UE, Paris s’est en effet directement opposé à la réduction de 5% envisagée dans le prochain CFP afin de contenir les effets du Brexit et financer d’autres secteurs, comme la défense. Un compromis devra donc être trouvé avec, supposément, un impact sur l’envergure financière du FED.
 
Le processus est d’autant plus menacé que, contrairement aux projets de l’Agence européenne de défense (AED) choisis et cofinancés par les pays, les programmes issus de ce fonds seront attribués par la seule Commission européenne, l’AED et ses membres ne conservant qu’un rôle consultatif. En d’autres termes,« la Commission est en train de préempter un secteur qui, jusqu’à présent, relevait exclusivement des États-membres ». « Pourquoi pas », ajoute Straumann, mais le rapport pointe le risque que la Commission développe ses propres priorités et sélectionne des projets « qui ne correspondent pas forcément aux exigences du terrain que seuls connaissent les États-membres ». Les 34 projets de développement capacitaire de la Coopération structurée permanente (CSP), notamment, ont tous vocation à bénéficier des financements du FED. Il parait dés lors impensable que « la Commission, en pleine discussion du prochain CFP, qui justement doit alimenter le FED, ne soutienne que certains de ces 34 projets au détriment, évidemment, d’autres ». Les commissaires européens ne pourront probablement pas concentrer les financements sur quelques projets structurants qui, par définition, ne peuvent bénéficier qu’aux seuls pays disposant d’une BITD significative, « c’est à dire la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Suède ». Nul doute que les « petits » pays, en particulier en Europe de l’Est, ne l’accepteront pas comme tel. « Sans faire de procès d’intention à la Commission », précise Straumann, « le risque est réel que le FED fonctionne sur le modèle d’un fond structurel classique assurant pour des raisons politiques un retour à chaque État-membre au détriment de l’efficacité globale ».
 
Ce débat, c’est un fait, dépasse largement l’enceinte de l’Assemblée nationale, et crispe actuellement le dialogue entre eurodéputés, le Conseil et la Commission. Ainsi, malgré neuf heures de négociation la semaine dernière, les eurodéputés ne sont toujours pas parvenus à un accord interinstitutionnel sur l’avenir du FED. Fragmentation, duplication, surcapacité industrielle et procédures inefficaces: l’échec des négociations démontre l’absence de volonté à résoudre les graves problèmes structuraux du marché européen de la défense.
 
De nombreux points de frictions subsistent, tels que les objectifs, le contrôle éthique, les critères d’éligibilité pour les entités et actions et la gestion, directe ou indirecte, du fonds. Si les négociateurs s’accordent pour confier la sélection et l’attribution des financements à la Commission, la gestion même du FED reste une solide pierre d’achoppement. Sera-t-elle partagée avec les États-membres en déléguant, par exemple, certaines tâches à l’AED, ou intégralement dirigée par la Commission ? « Pour le moment, le Parlement estime que seule une gestion directe de la Commission est acceptable. Franchement, nous avons peur de donner de l’argent à des entités que nous ne contrôlons pas. C’est pourquoi nous sommes assez sceptiques quant à l’AED », déclarait hier un responsable des Verts dans les colonnes du média spécialisé Euractiv.

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