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Guérilla des forces spéciales U.S. et baltes contre une invasion russe « possible »

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Depuis des décennies, l’armée américaine ne s’est engagée que dans des conflits limités et asymétriques dans le monde. Elle s’entraînait et s’entraîne encore en conséquence. Mais les tensions croissantes avec la Russie la conduisent à en revenir aussi à un entraînement typique des années de guerre froide.
 

Exercice "Allied Spirit VIII". Entraînement de forces spéciales à la guérilla contre une invasion russe (Photo: US Army)

Exercice « Allied Spirit VIII ». Entraînement de forces spéciales à la guérilla contre une invasion russe (Photo: US Army)


L’effondrement du Rideau de Fer et la dislocation de l’URSS avaient fait naître, chez les Occidentaux, de grands espoirs de démocratisation de la « nouvelle » Russie, à l’opposé des aspirations de l’ex-lieutenant-colonel du KGB, Vladimir Poutine, devenu président inamovible (on parie ?). L’OTAN a certes commis l’erreur de s’étendre vers l’Est, contrairement aux promesses faites au président soviétique d’alors, Mikhaïl Gorbatchev, pour qu’il « lâche la bride ». Les choses avaient bien commencé avec le président Boris Eltsine mais ce dernier n’a pu réussir ce mouvement de démocratisation tellement rêvé par une partie de la population russe. Un point final y a été mis avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.
 
Cet homme fort est réputé pour son revanchisme à l’égard des Occidentaux. Et sa nostalgie d’un pouvoir central extrêmement fort (après la réhabilitation du tsar Nicolas II, celle de Staline n’est sans doute plus qu’une question de mois) à peine déguisé sous quelques oripeaux de démocratie qui ne trompent que ceux qui veulent bien l’être. Il mène une politique étrangère caractérisée par des tensions croissantes, des démonstrations de force et des soutiens militaires directs ou sous couverture maladroite de mercenaires. Sans oublier, bien sûr, les moyens considérables investis dans le piratage informatique et la déstabilisation des démocraties occidentales.
 
Face à cette conduite agressive, les armées de l’OTAN se voient contraintes de ré-envisager de possibles actions militaires russes de grande ampleur dans certains pays de l’ex-URSS, aujourd’hui indépendants et parfois membres de l’OTAN. La guerre d’Ossétie/Géorgie en 1991-92 puis 2008, la récupération de la Crimée en 2014 et le soutien aux séparatistes ukrainiens dans le Donbass depuis 2014 également en donnent un aperçu. Cette année-là, ce sont bel et bien des forces russes – très maladroitement camouflées en retirant simplement les marquages des véhicules et les insignes d’uniformes – qui ont pris le contrôle de la Crimée et appuyé les séparatistes ukrainiens au nom d’un soutien aux russophones de ces régions.
 
Ces indices ont conduit la Lituanie à réinstaurer le service militaire en 2015 et la Suède à l’imiter en 2017. Les pays baltes effectuent également des exercices plus fréquents, plus diversifiés et de plus grande ampleur pour avertir Moscou de leur ferme intention de se défendre contre toute forme d’agression, avec l’appui immédiat de l’OTAN.
 
L’armée américaine adapte également son entraînement avec ses partenaires les plus exposés de l’OTAN. Ses investissements en matériel lourd sophistiqué – terrestre, aérien, spatial et naval – vont également dans ce sens. Dans le budget 2019 du Pentagone, plus de 59 millions de dollars sont prévus pour pré-positionner du matériel en Europe, 36 millions pour améliorer les bases concernées et 56 millions pour développer la coopération avec les forces spéciales alliées en Europe centrale et de l’Est. Les opérations de guérilla devraient retarder l’invasion ennemie jusqu’à l’intervention massive des forces de l’OTAN.
 
Au début de ce mois de mars 2018 s’est déroulé un entraînement de forces spéciales – en l’occurrence du 19e Special Forces Group (Airborne) de la Garde Nationale dépendant du Special Operations Command, Europe (SOCEUR) – avec des réservistes lituaniens de la Krašto Apsaugos Savanorių Pajėgos (KASP). Il a été mené en Allemagne sous le code « Allied Spirit VIII ». Il avait pour objectif de tester des scénarios de guérilla contre un envahisseur évidemment identifié comme la Russie qui commencerait par tenter d’infiltrer des commandos. Les tactiques mises en œuvre rappelaient ce qu’illustrait le film « Red Dawn » (L’Aube rouge), sorti en 2012. Le ou les scénarios n’ont pas été élaborés sans référence concrète : après que la Lituanie ait déclaré son indépendance de l’URSS en 1990, les volontaires de la KASP ont contribué à bloquer une tentative russe de reprendre le contrôle de la capitale, Vilnius, et à empêcher tout renfort russe de violer la frontière lituanienne.
 
Armés de fusils d’assaut, de mitrailleuses légères, de missiles antichars et antiaériens portatifs (MANPADS) pour l’essentiel, les groupes ont monté des embuscades de soi-disant convois ennemis et d’interception d’hélicoptères et avions ennemis opérant à basse et très basse altitude. Des missions de reconnaissance ont également été exécutées à l’aide de Humvee et de véhicules civils. Il est probable que des groupes de KASP lituaniens aient par ailleurs joué le rôle d’agresseurs. Classique.
 
Parmi les rôles des forces spéciales, comme cela se fait depuis la 2ème guerre mondiale avec l’OSS, figurent l’entraînement de groupes de résistants locaux sous la désignation de Foreign International Defense et l’intervention directe que le Pentagone désigne par Unconventional Warfare. L’exercice Allied Spirit VIII a combiné les deux.
 
Du 15 janvier au 5 février dernier, environ 4.100 Américains, Canadiens, Tchèques, Danois Italiens, Lituaniens, Polonais, Roumains et Britanniques ont de surcroît testé ensemble divers scénarios au Joint Multinational Readiness Center de Hohenfels, en Allemagne. C’était la première fois que la jeune Division Multinationale Nord-Est (MND-NE) de l’OTAN avait l’opportunité de s’entraîner à grande échelle. Le QG de cette division gère les rotations de forces OTAN qui opèrent dans les trois Etats baltes et en Pologne.
 
En février 2016, un rapport alarmant de RAND Corporation, un think tank américain privé fort lié au gouvernement américain, établissait que les forces armées russes pourraient conquérir les trois Etats baltes en trois jours seulement. D’où la création de la division MND-NE, la multiplication d’exercices impliquant des forces spéciales et le pré-positionnement de matériel en vue d’un conflit perçu comme «possible». L’OTAN adapte son entraînement au nouveau contexte de tension pour réagir immédiatement à toute tentative russe de s’en prendre à l’un de ses membres.

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