La France est seule au Mali ? Oui et non. Si l’ensemble des pays occidentaux soutienne l’opération Serval, qui n’enregistre à ce jour quasiment aucune critique, ce soutien sans faille, il faut l’avouer, se traduit principalement par des déclarations d’intentions.
C’est vrai, les criantes lacunes capacitaires françaises en logistique sont comblées par la mise à disposition de moyens de transport, notamment de la part des pays européens. C’est heureux, mais tout de même assez faible… Et même si le drame algérien d’In Amenas rappelle que cet engagement contre le terrorisme est l’affaire de tous, Europe en tête, la mobilisation pour défaire les forces d’AQMI au sol se traduit encore très timidement. Relevons tout de même l’engagement non négligeable de la part des… Belges ! Outre des avions de transport C-130, l’armée belge sera la seule armée européenne à se retrouver au cœur du dispositif français avec l’engagement de deux hélicoptères d’évacuation médicale Agusta A-109. Pour le reste, l’allié le plus solide des Français demeure les États-Unis, qui viennent, comme toujours (à l’instar de l’opération Harmattan en Libye) remplir les trous dans les capacités françaises, à savoir en renseignement, en transport, en ravitaillement et probablement en drones de surveillance et d’attaque.
L’Europe ? La mission EUTM (European Training Mission) de formation de l’armée malienne en est le principal engagement. Un dossier poussé par Paris depuis de longs mois, qui va finalement se concrétiser. Et alors que la France a déployé plus de 2000 soldats sur la ligne de front en une semaine, l’Europe va en envoyer 400, loin des combats et en un mois ! D’autant plus qu’EUTM Mali est commandée par un Français (Général Lecointre) et principalement armée de… Français ! Sans doute Londres pourra-t-il apporter (ou a déjà déployé?) quelques-uns de ses précieux SAS, ses forces spéciales réputées. Quant à l’Allemagne, son soutien du bout des doigts (deux Transall pour transporter la force de la Cédéao) semble d’avantage faire échos à la peur des critiques émises lors de son absence totale d’implication durant l’opération libyenne.
Pour le reste, le soutien le plus fort à l’action française au Mali, c’est l’Afrique ! Preuve, s’il en était besoin, que Paris, qu’on le veuille ou non, continue de peser sur ce continent. Outre la force MISMA (pays de l’Afrique de l’Ouest, une force sur laquelle FOB reviendra), la forte implication du Tchad est une bonne nouvelle. Les 2000 soldats envoyés par N’Djamena, aguerris et rompus à ce genre de théâtre d’opération pourraient bien faire la différence. Plus de 200 d’entre eux sont déjà arrivés à Niamey.
Le soutien tchadien
Ces soldats, qui ont dans le passé mis en défaite les forces de Kadhafi, sont rodés aux actions armées. Que l’on pense aux derniers engagements contre la rébellion tchadienne, souvent violents et qui ont abouti à des pertes importantes. Il pourrait cependant se poser une difficulté : leur intégration dans le dispositif français. Car, si les militaires français les connaissent bien, leurs modes opératoires sont bien éloignés de ceux occidentaux.
Mais ne nous leurrons pas, l’effort conséquent d’Idriss Déby tient de la manœuvre diplomatique. Les relations avec le gouvernement Hollande sont compliquées, plusieurs points de frictions expliquent que le Tchad tente de se racheter une conduite auprès des français. D’une part, le PS soutenait l’opposant d’Idriss Deby, Oumar Saleh, disparu en 2008, tandis que les appels de la France à rendre les milliards de dollars libyens hébergés dans les banques tchadiennes sont restés lettre morte. Le régime de Déby, qui régulièrement réclame un loyer pour la présence française sur son territoire, hébergerait également toujours quelques cadres du régime de Khadafi. Déby fait donc acte de bon élève, alors que se profile bientôt un nouveau mandat présidentiel.
Quant aux moyens de l’armée tchadienne, les plus modernes ont été ces derniers temps achetés à la France. Outre des moyens lourds (chars T-55 ou, bombardiers Sukhoi Su-25 ou hélicoptères de combats Mi-24), qui ne seront probablement pas engagés, les forces tchadiennes disposent de divers types de véhicules bien adaptés à un engagements maliens.
Les équipements « made in France » les plus modernes : le blindé léger 4X4 Bastion Patsas (10 en service sur une commande totale de 22 en cours de livraison) ; les véhicules légers ALTV ou camions Kerax, le tout fournis par le français Renault Trucks Défense. Ajoutons des véhicules un peu plus anciens : des VAB et VLRA (certains donnés par la France) ; quelques ERC-90 Sagaie dans un état douteux, des vieillissantes AML françaises (automitrailleuse légère de la classe des 5 tonnes), muni d’un canon de 90 mm F1 ; mais aussi des versions plus modernes « Eland » (AML fabriqués sous licence en Afrique du Sud). Le Tchad disposerait également de quelques blindés d’origine chinoise de la classe des 10 tonnes. Coté armement, les tchadiens disposent sensiblement des mêmes calibres que les djihadistes, à savoir Kalachnikov, ZPU (14,5) ou ZSU (23 mm). Et de la même motivation d’en découdre…
Photos: Opération Serval (crédits EMA/ECPA-D); Arrivée de l’armée nigérienne (crédits EMA/ECPA-D); véhicule Bastion (crédits: ACMAT/RTD)