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FOB Interview. Lieutenant Philippe Lépinard. (1ère partie)

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Pilote de Gazelle dans l’Alat, aujourd’hui adjoint au centre de simulation de la Base École Général Lejay du Cannet des Maures, le lieutenant Lépinard vient d’obtenir un doctorat en Sciences de Gestion avec les félicitations du jury. L’intitulé de son travail : « Sociomatérialité et Systèmes d’Information, le cas de la numérisation de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre ».  Quelques explications s’imposent…

Un lieutenant qui passe une thèse est-ce commun dans l’armée de Terre ?

Non, ce n’est pas courant… On rencontre plus facilement des officiers qui sont déjà docteurs avant de rejoindre l’armée. Ou bien des officiers supérieurs brevetés qui passent des doctorats, notamment en histoire. Une vingtaine de personnes seraient à cet instant en train de préparer une thèse dans l’armée de Terre.

Avant d’essayer de comprendre le sujet de votre travail, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Je suis entré dans l’armée en 1993 comme sous-officier bachelier, promotion 156 Adjudant Allouche. J’ai ensuite suivi un parcours classique de pilote hélicoptère au gré des différentes mutations avant de reprendre mes études, juste après l’obtention en 2002 du BSTAT (Brevet Supérieur de Technicien l’Armée de Terre) chef de bord Gazelle Viviane. Je suis depuis 2008 Officier Sous Contrat Pilote (OSC/P).

Quelles études avez-vous alors suivi ?

J’ai commencé par deux années de théologie à l’Université de Strasbourg II Marc Bloch avant de valider une licence en informatique à l’Université de Perpignan. J’ai ensuite passé un master en géographie à l’université de Saint Étienne Jean Monnet et, pour finir, j’ai préparé mon doctorat en Sciences de Gestion spécialité « systèmes d’information » au GREDEG, unité mixte de recherche CNRS – Université de Nice Sophia Antipolis. La théologie est un peu à part : je partais en Opex et je m’étais inscrit dans l’urgence, en novembre 2003, au dernier diplôme universitaire encore ouvert aux inscriptions. Pour le reste, il y a une certaine continuité avec comme fil conducteur la cartographie numérique et plus particulièrement les Systèmes d’Information géographique.

Quel est votre poste actuel ?

Je suis adjoint au centre de simulation sur la base du Luc mais je reste avant tout pilote de Gazelle. Je continue donc de voler régulièrement en tant que pilote intégré. Toutefois, je m’occupe plus spécifiquement de la montée en puissance des formations liées à la Numérisation de l’Espace de Bataille. Avec les Instructeurs Sol du Personnel Navigant (ISPN), nous développons une nouvelle didactique appliquée à la simulation afin d’optimiser l’usage de nos simulateurs.

Si l’on en revient à votre thèse, que veut dire le titre ?

Deux notions sont volontairement mises en parallèle. Le concept de « sociomatérialité » imaginé par des chercheurs américains permet d’étudier un système en évitant la séparation entre les aspects techniques et humains. Les Systèmes d’Information présents dans la Numérisation de l’Espace de bataille sont justement assujettis à cette opposition classique homme-machine. On ne les appréhende généralement que dans leurs seuls aspects techniques, c’est-à-dire informatiques, à l’inverse de la recherche académique en Sciences de Gestion qui s’intéresse à l’organisation qui les reçoit. Dans le cas de la NumALAT, ce titre reflète finalement ma volonté de penser la numérisation ou l’infovalorisation dans sa globalité et par une approche Sciences Humaines.

Et donc votre thèse ?

Ma thèse porte sur la Numérisation de l’Espace de Bataille, la NEB. Dès le départ, j’ai souhaité comprendre ses origines et en décortiquer son histoire Je me suis d’ailleurs aperçu que c’était un joyeux désordre, pour parler correctement… Et que personne n’était capable d’en fournir une vision globale sur le long terme. Il est intéressant, par exemple, de revenir sur le discours du Vice-Amiral de l’US Navy Arthur Karl Cebrowski considéré comme le « père » de la vision américaine de la NEB, le Network-Centric Warfare. Il envisageait en 1997 une nouvelle façon de faire la guerre, où l’aspect collaboratif entre les unités de bas niveau était un des points fondamentaux. On découvre aussi que de nombreux mythes existent sur la NEB, notamment véhiculées par son trop simpliste lien avec les systèmes informatiques. Rétrospectivement, il est vrai que la technologie du début des années 2000 n’était pas prête et nous nous sommes laissés enfermer dans une complexification à outrance qui a fait oublier les concepts théoriques à la base de la NEB et du NCW.

Comment cela s’est il traduit en France ?

Par les mêmes problèmes techniques et conceptuels qu’aux États-Unis… On imagine volontiers pourtant qu’ils ont beaucoup d’avance sur nous, mais ce n’est pas le cas. Le niveau Capability Set 13 (CS 13) va tout juste amener l’US Army et les Marines à une numérisation des unités en mouvement. Il leur aura donc fallu plus de 15 ans pour parvenir à ce résultat. Nous devrions être à ce niveau en France en 2020 grâce au programme Scorpion.

La France a-t-elle tiré profit des errements américains en matière de numérisation ?

Très peu, tout simplement parce que la France a débuté ses réflexions sur la numérisation dès le début des années 1990, soit avant le lancement américain du NCW. La première étape de la NEB en France devait permettre de faire coïncider tous les systèmes épars développés au sein de chaque arme. Le résultat n’a pas été à la hauteur de nos espérances… La seconde étape, l’infovalorisation qui débute aujourd’hui, a pour objectif de permettre le combat collaboratif grâce à un Système d’Information unique au sein du programme Scorpion. Pour cela, les petites unités se synchronisent dans des boucles courtes en fonction de la menace ou des opportunités. C’est ce que l’on appelle l’autosynchronisation dynamique. L’infovalorisation est d’ailleurs la seule facette de Scorpion à ne pas subir de décalage temporel dans le projet de loi de finances.

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1 Commentaire

  1. ALBERT 27 février, 2013

    bonjour,
    n’ayant pas eu le bonheur de lire votre thèse, je m’interroge quand même sur le passage de l’étude du MPME pouvant être généralisée à la NEB. En effet celui-ci échange un nombre très limité de messages avec SIR et pour le reste il fourni les données nécessaires au bon format aux hélicoptères. Entre temps l’utilisation me semble être adaptée à la préparation de mission. Du coup toute la problématique des interfaces avec les autres systèmes NEB et la généralisation des enseignements que vous avez pu tirer de l’usage du MPME ne me semble pas évident.
    En ce qui concerne le RETEX effectué par les instructeurs il est peut-être plus pertinent que celui remonté par les personnes dont c’est le métier (le CDEF) mais une des difficultés à mon avis est que la personne observée ne souhaite pas que soit remonté une « erreur » de manipulation de leur part ou se dédouanne sur un manque de convivialité réel des systèmes qui aurait pu être corrigé par une meilleur connaissance.
    Enfin, dans la numérisation, les différentes armes ne sont pas a égalité (les artilleurs sol-sol ont une longue histoire avec ATILA, le système d’information du Pluton (mais ces systèmes fonctionnaient en vase clos) et aujourd’hui ATLAS (qui dialogue avec les autres systèmes (SIR, SICF, MARTHA etc.). Il en est de même avec les artilleurs sol-air du HAWK qui avaient un dialogue direct avec les systèmes de l’armée de l’air, ceci étant repris à travers le système MARTHA. L’acculturation informatique était très forte chez les artilleurs alors que les armes de mêlées sont passées directement du papier aux documents word et ppt (S1G et SICF étaient seuls aussi jusqu’à ce que SIR arrive) puis aux échanges de données formatées avec SICAT,
    Tout ceci fait qu’à mon avis les expressions de besoin devraient être à présent de meilleur qualité et les nouveaux systèmes devraient connaître les mêmes évolutions que l’informatique civile qui est passée de la programmation en basique (très convivial…) à l’interface graphique type MS et aujourd’hui vers des interfaces de plus en plus simples et faciles car développées suivant les cas d’usage et les machines pouvant tenir compte dans une certaine mesure de leur environnement afin d’adapter leur présentation au besoin de l’utilisateur à un moment donné.
    Il ne reste plus qu’à espérer que les personnes qui travaillent sur SICS mettent en oeuvre ces principes de développement et qu eles utilisateurs sachent exprimer leurs besoins sans dédaigner le coté technique de la chose.
    Si vous avez le temps je suis intéressé par lire votre thèse.
    Cordialement

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