Eurosatory 2024 : Safran dévoile le Warbler, une munition téléopérée boostée à l’IA

Lors d’Eurosatory 2024, comme à son habitude, Safran a exposé son drone Patroller sur son stand extérieur. Mais pour cette édition, le grand drone tactique arborait une nouveauté sous son aile droite : un lanceur triple pour une nouvelle munition téléopérée, également conçue par Safran, le Warbler.

La MTO autonome vue par Safran

Le Warbler adopte une formule assez classique pour une munition téléopérée lancée depuis un tube, avec deux voilures déployables en tandem et une petite hélice propulsive à l’arrière. Pesant une petite vingtaine de kilos, cette MTO de moyenne portée emporte un capteur optronique jour-nuit et une charge creuse d’environ 3kg.

Avec une vitesse de croisière d’environ 100km/h, le Warbler peut se déployer à une cinquantaine de kilomètres afin d’effectuer un quadrillage de zone pendant environ 30 minutes. Fait intéressant, la munition embarque des IA capables de détecter, identifier et suivre des cibles fixes ou mobiles de manière autonome, en maintenant le silence radio. Cette intelligence embarquée est ainsi capable de réaliser un premier traitement des informations avant transmission, et éventuellement de hiérarchiser les menaces en fonction de ses consignes pré-vol.

A la fin de la période d’observation, ou lorsque la cible recherchée a été trouvée, les coordonnées et les images des cibles sont transmises via une très courte impulsion directement à l’opérateur à terre ou bien auprès du drone Patroller lanceur, qui agit alors comme un relais de communications. Si l’opérateur estime qu’une des cibles identifiées par le drone doit être neutralisée, une courte impulsion radio en sens inverse vient transmettre l’ordre d’attaque. Au besoin, la munition téléopérée peut alors engager la cible qui lui a été attribuée de manière autonome, sans téléguidage permanent.

Ce mode opératoire, qui repose sur des algorithmes de traitement d’image avancés (un sujet bien maîtrisé par Safran), permet ainsi de limiter le risque de détection de la munition, du drone et de l’opérateur, tout en optimisant les performances de la MTO dans un environnement électromagnétique contesté.

Les ambitions de Safran pour le Warbler

En exposant le Warbler sous le Patroller, Safran montre sa volonté de proposer un écosystème complet à ses clients. De par ses capacités, la MTO peut en effet agir comme un capteur déporté qui va étendre la zone de surveillance du Patroller et lui permettre d’investiguer des secteurs ou le risque antiaérien est élevé. Et en cas de menace avérée, la MTO peut intervenir directement et ainsi ouvrir la voie au Patroller. On notera d’ailleurs que le lancement depuis le Patroller se fait vers l’arrière, la MTO étant larguée plutôt que tirée.

Safran envisage cependant d’autres applications pour le Warbler. D’une part, à l’instar de la Switchblade, la munition sera assez légère pour être lancée depuis de petits conteneurs unitaires embarqués par des fantassins. Safran maîtrisant très bien les aspects de navigation en environnement « GPS denied », l’optronique embarquée et le traitement d’image automatisé, les Warbler pourraient également être tirées par grappes depuis des lanceurs terrestres mobiles, pour des attaques en essaims.

Enfin, le directeur des systèmes de combat aéroterrestre chez Safran nous a confirmé que l’entreprise « réfléchissait à la possibilité de proposer le Warbler pour une intégration sur des hélicoptères comme le Tigre ou le H145M ». Comme pour le Patroller, l’idée serait alors d’étendre la bulle de détection tout en pouvant détruire une cible mobile d’opportunité, un site sol-air ou une infrastructure légère adverse.

Safran sur le créneau de Larinae

Mais dans un premier temps, le Warbler va sans aucun doute se positionner sur le créneau couvert par le programme Larinae, qui n’a pas encore été traduit en programme d’acquisition. Pour ce projet développé sur fonds propres par Safran, l’enjeu est de taille, mais le potentiel est énorme. En effet, la MTO de Safran promet de dépasser les attentes de Larinae sur plusieurs points, notamment la résistance au brouillage et l’intelligence embarquée, tout en étant proposée « à un prix très compétitif », nous dit-on.

Pour répondre au plus vite aux besoins des forces françaises, qui souhaitent doter leurs régiments d’artillerie de MTO à l’horizon 2028, Safran doit aller vite. Le Warbler a ainsi été développé en moins d’un an, et un premier vol devrait avoir lieu à la fin 2024 ou début 2025. Un positionnement et une vitesse d’exécution qui n’est pas sans rappeler les propositions faites récemment par d’autres industriels, EOS Technologie en premier lieu.

Le Patroller se rapproche toujours un peu plus

En attendant, il nous a été confirmé du côté de la STAT que le 61^e régiment d’artillerie est actuellement en train de réceptionner un premier demi-système Patroller (chaque système de drone tactique, pour rappel, comprenant 5 drones Patroller et deux stations sol). Lorsque le premier système sera officiellement transféré de Safran à l’Armée de Terre, les Patroller seront uniquement gréés pour l’observation et la reconnaissance.

L’armement des drones, quant à lui, interviendra dans un second temps. Si des roquettes à guidage laser sont évoquées depuis un moment, le personnel de la STAT interrogé à Eurosatory n’a pas caché son intérêt pour la nouvelle MTO de Safran. « C’était une belle surprise : nous l’avons découvert en arrivant lundi, comme tout le monde. Nous ne savons pas encore exactement quelle sera la configuration d’armement finale du Patroller. Plusieurs solutions ont déjà été évoquées jusqu’ici, par la presse ou les industriels. Mais l’idée d’y intégrer des munitions téléopérée offre effectivement des perspectives intéressantes. »