CNIM Systèmes Industriels ne s’en est jamais caché : il sera dans les starting-blocks pour les futurs programmes ROBIN et EGC de l’armée de Terre. Un double effort de renouvellement des capacités du génie pour lequel l’offre s’est affinée, nous explique l’entreprise à l’occasion du salon Eurosatory 2024.
C’est peu dire si le ROCUS (Route Clearance Unmanned System) a fait du chemin en deux ans. Dévoilé lors de la précédente édition d’Eurosatory, ce système robotisé pour l’ouverture d’itinéraire piégé repose sur la plateforme chenillée THeMIS de l’estonien Milrem. Moins de deux heures suffisent au sapeur pour basculer d’une configuration mule à une configuration anti-IED conçue autour d’un bras manipulateur de 4 m pouvant soulever jusqu’à 100 kg.
Parmi toutes les évolutions apportées, certaines découlent de l’expérience remontée des forces ukrainiennes, opératrices de sept exemplaires financés en novembre 2022 par le ministère de la Défense allemand. « Le RETEX a été très positif sur l’’utilisation de la machine », relève Xavier Montazel, à la tête de la business unit défense de CSI. Le ROCUS s’est avéré « très robuste en opération. Ils ont notamment apprécié la mobilité à chenilles qui permet au véhicule, de part sa très faible charge au sol, de passer même en terrain très boueux ».
En découlent au moins deux suggestions d’améliorations. D’un côté, la capacité à pouvoir commander l’objet en filaire, un développement que CSI avait anticipé. « Lorsqu’on s’approche de la ligne de front, le brouillage est tel qu’aucun système téléopéré ne peut être utilisé », observe Xavier Montazel. De l’autre, l’intégration de caméras de nuit pour pouvoir opérer 24/7, ce qui n’était pas le cas dans la version d’origine.
Tant le robot que la charge utile sont désormais opérés à partir d’une commande unique intégrant une interface ergonomique. CSI a également amélioré « tout ce qui à trait à la visibilité pour pouvoir permettre à l’opérateur d’utiliser le bras de manière très précise » et a intégré un treuil et un grappin pour déplacer des charges en éloignant le robot de la zone de risque.
Le ROCUS reçoit par ailleurs un brouilleur anti-IED portatif SPART de MC2 Technologie, qu’on ne présente plus, ainsi qu’un disprupteur. De quoi permettre au robot et à son télépilote de réaliser l’ensemble des tâches dans toutes les configurations possibles de la levée de doute. Et CSI conserve quelques cartes dans son jeu.
Fin avril, le ROCUS a participé au cycle d’évaluations organisé par la Section technique de l’armée de Terre (STAT) pour jauger les solutions disponibles sur le marché. Des essais de tractage et d’opération au-delà de la vue directe, par exemple, ont été réalisés sur le camp de Mourmelon. L’armée de Terre veut aller vite, et cette phase participe donc à la finalisation du besoin attendue pour septembre. Un préliminaire à la sortie de l’appel d’offres du programme ROBIN en vue d’un achat « qui pourrait se réaliser très rapidement à base de matériels existants ».
Le système acquis au travers de ROBIN aura vocation à travailler avec le futur engin du génie de combat (EGC), un véhicule d’appui à la mobilité et à la contre-mobilité dont la cible est cette fois bien définie grâce à la loi de programmation militaire pour 2024-2030. Selon le document, cinq exemplaires seront en service dans l’armée de Terre à l’horizon 2030 et 125 pour 2035.
Allié dès l’origine à KNDS France et Texelis, CSI « a continué à travailler sur ce que pourrait être une réponse à travers un certain nombre d’échanges suite à la demande d’informations qui avait été émise il y a maintenant pratiquement deux ans ». Baptisé « Auroch », leur concept a entre autres progressé vers une architecture plus simplifiée qu’à l’origine.
Véhicule blindé 8×8 de 28,6 tonnes, l’Auroch comprend désormais un bras unique à l’avant pour accueillir les deux outils principaux du sapeur : soit une pelle mécanique à godet, soit un chargeur. Il sera opéré par un équipage à trois personnels : un pilote, un opérateur et un chef d’engin. L’engin s’appuie sur une base roulante développée à l’origine par Texelis pour le véhicule Terrex du groupe singapourien ST Engineering.
Le trio franco-français a notamment « vérifié la tenue de l’ensemble des performances telles qu’on les imagine parce qu’aucun appel d’offres n’est sorti pour l’instant », indique Xavier Montazel. Les efforts en cours portent aussi sur la maîtrise du coût unitaire et la simplicité qu’il implique, le volet financier étant soumis à « des contraintes fortes ».
Si il n’est pas une plateforme SCORPION à proprement parler, l’EGC a vocation a opérer en appui des Griffon, Jaguar et autres Serval développés dans ce cadre. Autant de véhicules acquis ou bientôt acquis par la Belgique, qui s’est d’emblée positionnée en faveur d’une convergence matérielle maximale avec la France. Une dynamique qui englobe l’EGC. De source militaire, le besoin belge serait pour l’instant estimé à une trentaine de systèmes.
L’heure étant aux développements binationaux, Paris et Bruxelles envisagent de reprendre la logique adoptée pour le futur véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) en confiant la conduite du programme EGC à l’OCCAr. Si il se matérialise, le scénario demandera d’impliquer la filière industrielle belge, un paramètre que CSI et ses acolytes ont anticipé en étudiant d’emblée la possibilité d’intégrer « un certain nombre d’équipements fabriqués en Belgique ». C’est l’un des sujets sur lesquels les industriels seront amenés à travailler « dans les mois qui viennent » pour s’assurer d’être idéalement positionnés le jour où les deux armées se décideront à transformer l’essai.