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Eurosatory 2022 : l’armée de Terre veut « passer à l’échelle » sur le futur camouflage de ses véhicules

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Deux ans après l’adoption du brun terre de France comme livrée de fond unique, l’armée de Terre s’apprête à y superposer un nouveau système de camouflage réversible, plus efficace et moins coûteux. Un concept qui pourrait être qualifié et présenté aux forces l’an prochain, apprenait-on durant le salon Eurosatory.

Un assemblage de triangles équilatéraux

Engagé depuis près d’une décennie, le renouvellement du camouflage de l’armée de Terre s’est déjà traduit par la généralisation de la livrée monochrome brun terre de France (BTF). Le projet de « camouflage tactique » (CAMTAC) mené par la Section technique de l’armée de Terre (STAT) ajoutera une couche pour répondre à deux enjeux majeurs : améliorer la furtivité de la gamme de véhicules Scorpion en tirant le meilleur parti du BTF et garantir la réversibilité tout en diminuant l’empreinte logistique.

Si l’obsolescence des camouflages actuels est évidente, la logistique est « une problématique très particulière » dont il fallait également tenir compte. La mise en peinture d’un véhicule requiert soit la mise en œuvre d’un stand de peinture amovible représentant « un gros coût logistique », soit le déplacement du véhicule jusqu’à un stand de peinture fixe, donc son indisponibilité pour deux à trois semaines.

Partant de ce double constat, la STAT « a élaboré un projet d’innovation en prenant pour exemple ce qui se fait actuellement dans le domaine civil avec le ‘covering’ de véhicules ». La STAT, qui pilote à 100% le projet pour l’instant, a utilisé les mêmes procédés pour concevoir des triangles équilatéraux de taille identique et adhésifs. Exit donc les formes tabulaires et les déclinaisons textiles et magnétiques évoquées auparavant. CAMTAC conserve la philosophie de départ, qui consiste à casser l’apparence du porteur pour tromper l’œil et l’optronique de l’adversaire, augmenter le « facteur doute » et, de facto, retarder la détection et l’identification. Le motif triangulaire aura par ailleurs servi pour dessiner le bariolage multi-environnement des futures tenues de combat françaises.

Les environnements « centre Europe », « zone désertique et « zone enneigée » seront chacun définis par deux tons spécifiques. Le duo « vert sapin noir-vert foncé », présenté à Eurosatory sur un Serval, donnera ainsi « des capacités de furtivité très efficaces dans l’environnement centre Europe ». Le schéma d’apposition est lui aussi unique à chaque environnement et à chaque véhicule. Avec parfois des différences notoires. La zone enneigée, par exemple, nécessite un recouvrement plus important de triangles blancs et gris. Les performances de ce modèle définitif sont confidentielles mais l’ancienne mouture avait déjà abouti à multiplier par 3,5 le temps de détection.

L’ordre de priorité pour la diffusion du CAMTAC n’est pas encore défini mais devrait se focaliser sur les véhicules du programme Scorpion

En optant pour une solution réversible, la STAT offrira au combattant l’opportunité de passer rapidement et en toute autonomie d’un environnement opérationnel à un autre. CAMTAC repose sur un kit à usage unique constitué pour permettre à un personnel non formé d’effectuer la bascule en quatre à cinq heures, que ce soit en quartier ou en OPEX. Du personnel formé réduira encore ce laps de temps à deux à trois heures.

CAMTAC induit enfin deux avantages non opérationnels. Il va donner « une nouvelle identité visuelle à l’armée de Terre. La logique retenue pour les treillis avec le nouveau bariolage multi-environnements est en effet aussi valable pour les véhicules ». Une nouvelle identité qui, au-delà de l’efficacité opérationnelle, « remporte l’adhésion du soldat », estime la STAT. Le procédé, malgré une complexité supplémentaire due aux exigences militaires, se traduirait également par une réduction sensible des coûts.

Vers un passage à l’échelle

« On n’improvise pas un camouflage. Il y a de la technologie dans la création de la couleur, dans sa tenue dans le temps, dans la flexibilité de l’autocollant et dans le système de collage », nous précise-t-on. Celui-ci doit être à la fois résistant et ne requérir qu’un minimum de solvant pour ne pas contraindre la réversibilité ou altérer la teinte BTF. Pour y parvenir, la STAT s’est adressée à un panel de sociétés françaises spécialisées dans le domaine, « dont certaines sont connues et travaillent déjà pour nous ».

Menées depuis octobre 2020, les évaluations en zones centre-Europe et désertique, prioritaires au vu des opérations en cours, « ont été très satisfaisantes. Nous avons prouvé l’efficacité du système par des essais tant à l’œil nu qu’au travers d’optroniques ». L’évaluation se poursuivra cette année pour la variante « zone enneigée ». D’un point de vue technologique, la STAT se dit « confiante sur la solution retenue ». Reste encore à qualifier un certain nombre de caractéristiques, telle que la résistance à la contamination, à l’arrachement et aux rayonnements. Ce travail sera réalisé d’ici à début 2023.

CAMTAC, un assemblage de triangles équilatéraux défini selon un schéma propre à chaque véhicule et chaque environnement. Ici, l’environnement « centre Europe »

La prochaine étape consistera à passer à l’échelle, indique la STAT. Il s’agira au préalable de soumettre le projet à la Direction générale de l’armement (DGA) pour faire qualifier le système en vue d’une présentation aux forces « à l’été 2023 ». Sauf écueil majeur, CAMTAC progresserait alors vers la phase d’industrialisation, avant laquelle il faudra définir les priorités entre parcs d’anciennes et de nouvelles générations. Aucun plan n’est défini pour l’instant, mais la primeur devrait logiquement revenir aux véhicules Scorpion, le Serval en tête.

Dans un second temps, le plan de charge prévoit toujours d’élargir l’adoption du CAMTAC aux plateformes aériennes de l’armée de Terre. Les principaux concernés seront les hélicoptères de l’Aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). La patience est néanmoins de mise, car cette déclinaison implique « des problématiques de tenue dans des conditions très particulières ».  

La présentation prévue pour l’an prochain sera interarmées, car le sujet pourrait dépasser le seul cadre de l’armée de Terre. Mais si l’extension aux parcs de l’Armée de l’Air et de l’Espace et, plus anecdotiquement, de la Marine nationale n’est pas exclue, cette uniformisation n’est pas sans contraintes, notamment en terme de contractualisation. Des écueils davantage administratifs que techniques et qui n’empêchent pas la poursuite des discussions entre acteurs concernés.  

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