Hormis les acteurs retenus pour les projets Colibri et Larinae, d’autres candidats malheureux continuent de plancher sur des solutions de munitions téléopérées susceptibles de répondre aux besoins français. C’est le cas de FLY-R, petite entreprise française sous les projecteurs depuis le dernier salon SOFINS.
Certaines idées font plus de chemin que d’autres. Née sur l’île de La Réunion, celle proposée par FLY-R aura voyagé plus de 9000 km pour finalement atterrir en mars dernier en région bordelaise à l’occasion du salon SOFINS. Cette idée, c’est la munition téléopérée (MTO) « R2-120 RAIJIN ».
De prime abord, le principe reste globalement identique à celui du principal concurrent, la munition Switchblade de l’américain AeroVironment. Le système R2-120 RAIJIN est lui aussi un vecteur léger, doté de quelques capteurs, replié dans son tube lanceur et projeté via un mécanisme pneumatique. « La différence réside dans le fait que nous proposons une nouvelle génération d’avions. L’exécution de la mission est la même, mais quelques différences permettent d’aller vers du mieux. Notre gamme de vitesse est très intéressante, de même qu’une manoeuvrabilité utile pour suivre des cibles mobiles qui tenteraient de l’éviter ».
Pour se démarquer dans un segment désormais très concurrentiel, FLY-R a en effet misé sur sa technologie « signature » : l’aile rhomboïde. Aucun lien avec le muscle homonyme ou avec ancien béret vert fictif. Cette configuration en losange « se caractérise par sa forme en diamant dans les trois plans », une formule aérodynamique qui « s’affranchit de surfaces de contrôle verticales ».
Cette aile de 1,2 m d’envergure confère au RAIJIN « un certain nombre d’avantages opérationnels » sur la concurrence. « Oui, c’est un Switchblade, mais adapté. La voilure rhomboïdale assure des vitesses que le celui-ci n’offre pas », souligne Rémi Albert, co-fondateur de FLY-R. Son envergure est divisée par deux, sa trainée et sa masse structurale sont considérablement réduites. À l’inverse, la manoeuvrabilité est grandement accrue et la plage de vitesse étendue. Le RAIJIN atteint en théorie 270 km/h en phase terminale, environ 80 km/h au décollage et 100 km/h en vitesse de croisière. Délicat à développer, le système de déploiement de l’aile est désormais breveté mondialement.
Cette TPE d’une dizaine de personnes « très orientée vers l’innovation » a su compter sur l’expérience engrangée à partir d’une première référence conçue pour des applications civiles, le R2-150. Grâce à ce banc d’essai volant, certaines briques tels que le pilotage automatique et une base de capteurs sont déjà disponibles. Après 250 vols, ce faux jumeau du RAIJIN entre maintenant en production pour pouvoir répondre « à des intentions ».
Du développement aux essais en vol, l’ensemble de l’activité est réalisée sur le sol réunionnais. Un climat favorable, de même qu’un espace aérien peu congestionné sont propices à des vols quasi quotidiens. « Nous avons été l’un des premiers petits fabricants de drones en France à obtenir la certification EN 9100, en 2019 », se félicite Rémi Albert.
Avec de tels arguments, FLY-R ne pouvait que tenter sa chance pour les appels à projets Larinae et Colibri lancés l’an dernier par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la Direction générale de l’armement (DGA). Écarté d’emblée pour Colibri, le RAIJIN est par contre retenu pour le premier tour de Larinae. Là aussi, sans succès. Faute d’avoir su convaincre un partenaire français pour l’apport de la charge utile, l’entreprise avait dû se tourner vers le consortium polonais PGZ. Une solution européenne, mais non totalement souveraine.
« J’ai l’impression que le message n’est pas passé », note Rémi Albert. La porte du marché français se ferme-t-elle pour autant ? Loin de là. Tant Larinae que Colibri restent des démarches expérimentales et la phase d’acquisition qui suivra n’exclut pas une nouvelle mise en concurrence. En attendant, le pari de la visibilité est gagné. « Personne ne fait des ailes rhomboïdes comme nous. Nous attirons beaucoup d’intérêt, tant de la France que de l’étranger ».
En l’espace de trois jours, FLY-R a su se faire remarquer par un milieu aussi confidentiel qu’exigeant que celui des forces spéciales. Le défilé de délégations de la DGA, de l’AID, du ministère de l’Intérieur et d’opérateurs constaté durant SOFINS s’est d’ailleurs achevé de la meilleure des manières : l’obtention du premier prix du concours SOFLAB, décroché parmi 178 candidats et remis en mains propres par l’ex-ministre des Armées, Florence Parly.
FLY-R ne s’arrêtera pas en si bon chemin. « Nous avons une gamme de projets prêts à démarrer sur les ‘grands frères’ du R2-150 », annonce son co-fondateur. L’entreprise travaille avec l’ONERA pour transposer son aile sur des aéronefs d’envergure croissante. Elle propose dès à présent le Crystal CR-1200, un concept de petit avion à propulsion hybride capable de transporter une dizaine de passagers ou 800 kg de fret à 350 km/h et sur 1000 km. Et cette montée en gamme est progressivement transposée au RAIJIN pour en faire une famille de drones à usage militaire. Au moins trois autres modèles sont à l’étude : le R2-240 de 60 kg, le « mini-MALE » R2-400 de 200 kg et le drone MALE R2-600 d’une tonne.
Selon FLY-R, il ne faudrait qu’un an pour que le RAIJIN évolue de la planche à dessin au démonstrateur. « Tout le design est réalisé et validé par nos modèles aérodynamiques et mécaniques », indique Rémi Albert. Ne reste qu’à capter des financements. Pour décoller, la TPE était parvenue à boucler deux levées de fonds en 2015 et 2017. Indispensable au début, le mécanisme n’est « pas une solution en soi ». « Ce qui nous intéresserait, ce serait plutôt un actionnaire principal capable de nous ouvrir des marchés », complète-t-il. Son entreprise espère idéalement « accrocher » un industriel de la filière aéronautique susceptible d’intégrer les projets de FLY-R dans sa gamme. À bon entendeur…