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Comment le SCA rhabille les militaires français

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Modestes par leur taille mais déterminants au quotidien, les petits équipements poursuivent leur « révolution » sous le pilotage du Service du commissariat des armées (SCA). Entre autres chantiers soutenus par une loi de programmation militaire « à hauteur d’homme » : l’habillement, illustré par l’arrivée du treillis F3 et dynamisé par de nouvelles pistes d’innovation.

Une enveloppe de 1,8 Md€ sur la durée de la LPM

Les Armées ont vécu « une situation un petit peu délicate durant quelques années au moment des restructurations du soutien », soulignait le commissaire en chef de 1ère classe (CRC1) Éric Neumann, directeur du Centre interarmées du soutien et équipements du commissariat (CIEC), jeudi dernier lors d’un point presse du ministère des Armées. Inféodé au SCA, le CIEC de Rambouillet est responsable du développement et de l’approvisionnement des effets d’habillement, petits équipements, rations de combat et autres matériels de campagne.

Cette situation s’est très nettement améliorée depuis deux ans grâce à la loi de programmation militaire 2019-2025. Des 172,8 Md€ promis par celle-ci pour (ré)équiper les Armées, 1,8 Md€ sera consacré au soutien de l’homme. L’enveloppe peut sembler infime au regard d’autres axes de modernisation, mais elle donne néanmoins des moyens suffisants au SCA pour améliorer le quotidien du combattant.

En 2019 et 2020, 450 M€ ont été consacrés à cette politique de renouvellement, dont 95 M€ pour les seuls treillis F3, gilets pare-balles et tenues NRBC. Au total, ces budgets ont déjà soutenu le développement et/ou la distribution d’une trentaine de nouveaux équipements individuels.

Le nouveau treillis F3, chaînon emblématique de la politique de renouvellement des petits équipements lancée par le ministère des Armées (Crédits : armée de Terre)

De tous les marchés pilotés par le SCA, celui du treillis F3 est probablement le plus emblématique. Mieux ajusté, plus léger et respirant, il apporte pour la première fois une capacité de protection contre le feu aux soldats de l’armée de Terre. Ils sont aussi conçus pour offrir davantage de protection face aux effets de surpression, notamment en cas d’explosion. Chaque militaire perçoit en théorie quatre exemplaires.

Ce programme, dont les premières livraisons sont intervenues en 2019, est financé à hauteur de 280 M€. Plus de 26 000 exemplaires ont été livrés sur les 142 325 de la cible à horizon 2025, contribuant à équiper à présent la totalité des régiments d’infanterie de l’armée de Terre. Les livraisons continueront pour que l’ensemble des 75 000 militaires de la force opérationnelle terrestre en soient dotés à l’horizon 2024.

Derrière le treillis F3, le CIEC planche sur une multitude d’autres matériels au profit des trois armées. Pour l’armée de Terre, cela inclut de nouvelles chaussures de combat, sac à dos, poncho, paquetage grand froid et paquet équatorial. Les premières chaussures de combat seront déployées d’ici 2022 en remplacement de l’actuel modèle centre-Europe. Quant aux paquetages, une version spécifique à l’environnement équatorial est en test en Guyane afin de définir le tissu et le treillis.

Des pistes pour innover

« Jusqu’à présent, on parlait de recherche et développement surtout dans le domaine de l’armement et c’était la DGA [Direction générale de l’armement] qui en avait le monopole », pointe le CRC1 Neumann. La logique s’élargit depuis deux ans au soutien de l’homme, avec un CIEC qui poursuit depuis lors sa propre démarche de R&D en coopération avec l’Agence de l’innovation de défense (AID), l’État-major des Armées (EMA) et les PME du secteur. Le décret innovation de 2018 aura ainsi permis de soutenir une quinzaine de projets innovants dans différents domaines, de l’habillement aux rations de combat.

Côté habillement, le CIEC poursuit pour l’instant trois pistes principales. Il s’agit tout d’abord de la protection balistique. « Pour nous, c’est une priorité », indique le CRC1 Neumann, dont les équipes planchent sur l’allégement du gilet pare-balles « tout en améliorant sa capacité de protection ». Le CIEC cherche aussi à garantir les caractéristiques de protection tout au long du cycle de vie. Cela passe par exemple par la mise au point d’un atelier mobile de maintenance des plaques et du pack souple du gilet qui pourra être déployé en OPEX.

Un autre axe relève des tissus « à la fois pour qu’ils soient plus légers, plus confortables, plus respirants ». Le CIEC explore plusieurs pistes ponctuelles, dont l’une implique l’intégration de lin dans les tissus utilisés pour produire les treillis. « Au-delà de l’aspect écologique, il y a un intérêt de confort pour les militaires », souligne le CRC1 Neumann.

Entre autres hypothèses, l’intégration de lin dans les tissus pour les alléger et améliorer la thermorégulation (Crédits : armée de Terre)

De part sa qualité de fibre naturelle, le lin peut en effet être transformé en étoffe anallergique et isolante. Il présente également une capacité de thermorégulation et se révèle dès lors isolant l’hiver et respirant l’été. L’intérêt s’avère aussi économique, la France étant le premier producteur mondial de lin mais sans parvenir à assurer la totalité de la transformation sur son territoire.

Dernière piste, trop peu mise avant, celle du recyclage des effets d’habillement. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’existe pas de filière française intégrée de recyclage », pointe le directeur du CIEC. Ce dernier travaille donc avec une poignée de fournisseurs à qui ont été confiés des treillis F3 élimés par un usage intensif en OPEX. Après avoir réduit les treillis au stade de petites fibres, « ils vont essayer de mettre au point un processus industriel. Et puis on va voir avec eux quels types de produits on pourrait avoir avec ces produits recyclés ».

L’enjeu du recyclage est double : la protection de l’environnement, bien sûr, mais également la protection des militaires français. De fait, par cette étape de destruction contrôlée, le CIEC s’efforce de garantir que ses treillis disparaissent du circuit et « ne tombent pas entre des mains qui pourraient les utiliser dans de mauvaises conditions ». Cette filière de recyclage Made in France devrait voir le jour en 2023.

Enfin, le CIEC souhaite mieux capter l’innovation participative. Un protocole, entre autres, a été institué à l’initiative du Cercle de l’arbalète et en liaison avec l’AID afin de définir un « mode d’emploi » pour faciliter la remontée d’idées en provenance des forces spéciales. En cours de mise au point, le dispositif pourrait ensuite déborder du cadre du COS pour s’adresser à tout militaire détenteur d’une bonne idée.  

Le CIEC est très largement intégré à ce dispositif « parce qu’une bonne idée au départ, éventuellement, peut devenir un prototype. Et là, déjà, on peut les aider puisque nous avons des moyens financiers ». Rien qu’en 2020, le CIEC disposait de 400 000€ à consacrer à l’innovation. L’enveloppe va encore doubler pour atteindre 800 000€ en 2021. Un levier financier par ailleurs soutenu par un support juridique « qui nous permet d’avoir une certaine souplesse et de ne pas rentrer dans une mise en concurrence dévastatrice. (…) Pour l’innovation il faut être rapide et travailler avec un seul fournisseur, de préférence », concluait le CRC1 Neumann.

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