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Cerbair et KEAS, une alliance pour conquérir le marché de la lutte anti-drones

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Deux références dans leur domaine

Tant Lucas Le Bell et son associé, Olivier Le Blainvaux, que le PDG de KEAS, David Morio, ont très tôt compris l’intérêt d’investir dans le segment de la lutte anti-drones. « Jeune quadra fondé en 1980 et actif dans tous les secteurs de l’électronique militaire et civile », KEAS se spécialise en 2005 dans les systèmes mobiles de détection et de brouillage des communications. Racheté en 2020 par l’allemand Telio, le groupe grenoblois dispose de ses propres moyens de production et d’assemblage au travers de sa filiale Electronic F6 (EF6).

Depuis, sa clientèle a rapidement dépassé les frontières nationales grâce aux marchés décrochés en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, en Italie, en Argentine et au Chili. Plus près, KEAS a remporté en janvier 2019 un contrat de 87 M€ pour doter les prisons françaises de solutions de brouillage des télécommunications mobiles. Sa seule activité LAD a engendré un chiffre d’affaires supérieur à 10 M€ en 2020. KEAS occupe aujourd’hui 35 salariés en région grenobloise.

Cerbair est créé en 2015, alors que se multiplient les survols de drones au dessus de lieux sensibles. Soutenue par MBDA et par plusieurs business angels et fonds d’investissement, cette PME basée à Montrouge génère un chiffre d’affaires de « quelques millions d’euros » par an. Elle a jusqu’à présent installé une cinquantaine de systèmes sur une trentaine de sites dans 12 pays. Hormis l’Armée de l’Air et de l’Espace, Cerbair a fourni la force aérienne colombienne. Ses solutions, trois fixes et une mobile, contribuent à la protection de plusieurs bases aériennes régulièrement ciblées par des drones envoyés par les narco-trafiquants, clouant au sol les appareils utilisés dans la lutte anti-drogue. « C’est un vrai RETEX positif, le taux de succès des attaques ayant considérablement diminué », relève Lucas Le Bell.

Les deux entreprises n’ont pas attendu l’officialisation de leur alliance pour travailler ensemble. Ensemble, elles ont installé une quinzaine de systèmes Hydra dans autant de prisons françaises suite à un marché notifié en 2019. Un concept qui marche, certaines prisons non-équipées ayant fait la une des journaux, rappelle David Morio.

Les deux partenaires se aussi sont retrouvés sur d’autres sujets, dont l’un pour le compte de la Marine nationale. Ce projet baptisé CECLANT avait pour vocation d’expérimenter un système anti-drones embarqué sur des remorqueurs afin de protéger certains bâtiments quittant la rade de Brest.

Plus récemment, KEAS et CERBAIR ont embarqué sur le consortium Sky Warden, porté par MBDA et présenté en février dernier. Le missilier européen « a été cherché un certain nombre d’experts dans leur métier avec pour l’objectif de mettre sur le marché un système de lutte anti-drones complet qui va bien au-delà de nos propres systèmes ». Une solution « vouée à équiper les forces déployées en opération extérieure qui sont confrontées à des intrusions diverses et variées ». Skywarden se manifeste entre autres par la pré-intégration d’une antenne sur le système de missiles Atlas RC de MBDA. Une vague de démonstrations était annoncée pour fin novembre avec des prototypes. La mise sur le marché de Sky Warden pourrait intervenir au cours du premier semestre 2022.

Cerbair et KEAS, côte à côte lors du dernier salon MILIPOL

Un marché de 6 Md€ en 2025

En choisissant de s’allier, Cerbair et KEAS se placent avantageusement au sein d’un marché en plein boom, donc susceptibles d’attiser les convoitises. Estimé à 1,5 à 2 Md€ aujourd’hui, le revenu annuel généré à l’échelle mondiale devrait atteindre entre 4 à 6 Md€ à l’horizon 2025. Le secteur LAD est divisé en trois strates principales : étatique, qui concentre 80% de la demande ; industrielle pour la surveillance de sites de haute valeur ; et individuelle pour la protection de personnalités, d’événements privés, de parcs d’attractions, etc. Qu’importe la clientèle, le défi est de taille. « On sent que c’est un marché très complexe, car il doit compiler avec différentes contraintes réglementaires. Les réglementations existantes doivent en effet se mettre en phase avec une technologie qui évolue », estime Lucas Le Bell.

Selon les industriels, le phénomène est encore mal compris par les autorités et il faut malheureusement parfois attendre un événement majeur, voire une catastrophe pour que les lignes bougent. « On observe que, lors des derniers grands évènements sportifs, les Jeux olympiques au Brésil et au Japon par exemple, chacun avait, certes de façon partielle, une protection anti-drones sur certaines de ses emprises ». L’Euro de football 2016 était à ce titre l’un des premiers exemples de déploiement de telles contre-mesures sur le sol français.

Avec un ticket d’entrée à cinq chiffres, la lutte anti-drones n’est pas accessible à tout le monde. La démarche commerciale est d’autant plus difficile qu’il a fallu, dans un premier temps, parvenir à convaincre les autorités que le drone n’est pas qu’un jouet. Un travail de sensibilisation qui est loin d’être achevé. Pour étoffer l’argumentaire, Cerbair et KEAS n’excluent pas de développer une offre de leasing calibrée, par exemple, pour la protection d’évènements privés ponctuels. Difficile à mettre en œuvre, l’option de la location s’avère obligatoire pour adresser des acteurs publics ou privés dont les finances sont limitées. Elle serait cependant provisoire, les deux comparses misant sur une réelle prise de conscience pour convaincre quelques grosses entreprises spécialisées comme Securitas de l’intérêt d’acquérir une capacité dans la durée.

Face à une certaine inertie et au retard qu’elle engendre, les institutions se verront sans doute obligées d’embarquer des opérateurs privés dans l’équation pour compenser les trous dans le maillage, la police et la gendarmerie ne suffisant plus. En France, le ministère des Armées déploie les grands moyens pour rattraper le retard et être au rendez-vous des prochaines grandes manifestations publiques, que sont la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques de 2024. L’essentiel du parapluie LAD reposera sur le résultat du programme PARADE, lancé en par la Direction générale de l’armement (DGA). L’attribution de ce marché « à très grande vitesse », pour lequel Cerbair se positionne en tant que sous-traitant, doit intervenir en fin de cette année.

Côté industriels, on affute déjà ses armes pour la suite. Cerbair planche notamment sur la prochaine génération d’Hydra. Commercialisée en 2022, l’Hydra 300 prendra mieux en compte des drones devenus plus pointus, plus complexes, quand l’actuel Hydra 200 se concentre sur les plateformes issues du commerce civil. De quoi renforcer un argumentaire déjà bien solide lorsque sera lancé le prochain « marché prison » pour une quantité autrement plus conséquente que la quinzaine de pénitenciers déjà équipés.

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