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CaMo: une relation DGA-DGMR appelée à faire tache d'huile

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Au centre, le lieutenant-général Rudy Debaene et son homologue français, Joël Barre, lors du premier CODIR en décembre 2018 (Crédit: ministère des Armées)

Au centre, le lieutenant-général Rudy Debaene et son homologue français, Joël Barre, lors du premier CODIR en décembre 2018 (Crédit: ministère des Armées)


 
Hormis le partenariat stratégique entre les forces terrestres belges et françaises, le programme CaMo occasionne aussi un rapprochement inédit entre la DGA et de son homologue belge, la Direction générale des ressources matérielles (DGMR). « Je suis convaincu que la coopération avec nos collègues français va faire tache d’huile, » nous expliquait récemment son commandant, le lieutenant-général Rudy Debaene.
 
« Comme je l’ai expliqué à mon collègue Joël Barre, établir le contrat initial n’est que le point départ. Mais la partie la plus difficile sera son exécution, » souligne-t-il. Au vu du rôle central de leurs organisations, le DGA Joël Barre et le commandant de la DGMR siègent au sein du comité directeur (CODIR) du partenariat stratégique, en compagnie du sous-chef Plans et programme de l’EMA par délégation du CEMA et du chef de la Composante Terre par délégation du Chef de la défense (CHOD). Cette relation étroite doit permettre de clarifier les procédures en cours et de faciliter l’exécution de nouveaux programmes, à commencer par le soutien logistique des futures flottes de Griffon et de Jaguar.
 
Hors, sur ce point, la DGMR opère sur base d’une politique différente de celle du partenaire français. En Belgique, l’achat et le soutien des matériels durant toute leur durée de vie est confié à cette seule organisation. La France, quant à elle, a, au travers du plan MCO-T lancé en 2018, choisit de construire un partenariat entre la SIMMT, le SMITer et les industriels. D’ici 2025, l’objectif pour l’armée de Terre sera d’atteindre un seuil de 40% de la maintenance confiée à la maîtrise d’oeuvre industrielle. Côté belge, la question sera donc maintenant de définir « quelle sera la politique de maintenance, quelle sera la meilleure façon de ces équipements ?, » interroge le général Debaene. Le cas de figure le plus logique serait de rapprocher le schéma de MCO des flottes belges du principe d’externalisation privilégié par la France. Il s’agirait de transférer une partie des compétences de la DGMR aux bataillons de la brigade motorisée et d’attribuer des contrats innovants à certains industriels du cru, à commencer par FN Herstal, Thales Belgium et John Cockerill Defense, « qui dispose d’installations à Liège et à Aubange, dans le sud du pays ». Tous les scénarios sont aujourd’hui à l’étude, dont celui d’un élargissement du cadre aux unités françaises casernées à proximité des futures installations de maintenance belges. Quant à l’aspect financier ce volet, celui-ci ne fait partie du budget d’investissement de 1,575Md€ destiné à l’achat des véhicules Griffon et Jaguar. Dans le système belge, les fonds consacrés au MCO sont bel et bien prévus dans la planification à long terme mais proviennent d’une budgétisation annuelle. Les gestionnaires de la DGMR ont dès lors introduit une ligne budgétaire de 50 à 60M€ par an pour la maintenance des flottes, un montant qui sera alloué en début de chaque exercice fiscal. D’après la DGMR, les lignes directrices et les contrats afférents devront être fixés deux ans avant le lancement des livraisons en 2025 afin de permettre aux mécaniciens d’acquérir les compétences nécessaires. « Tant la structure du MCO militaire que l’organisation industrielle doivent être connues pour la fin de l’année 2023, » estime le général Debaene.
 
Le deuxième point de vigilance, « souligné lors des différents briefings », consistera à maintenir une équivalence entre les matériels belges et français. « J’ai été, durant sept ans, le chef de la division des marchés publics et notamment été responsable du dossier des NH90, aujourd’hui déclinés en 25 versions différentes parmi la quinzaine de pays utilisateurs. C’est quelque chose que nous devons éviter à tout prix, » note le général Debaene. Dans tous les contacts établis jusqu’à maintenant avec ces homologues français, celui-ci a toujours insisté sur la nécessité de tendre vers une seule et unique version des Jaguar et Griffon: « la version Scorpion ». La gestion de la configuration sera donc conduite en étroite collaboration avec l’armée de Terre et la DGA. Elle pourrait néanmoins impliquer une poignée de modifications mineures des plateformes, du moins lors des premières livraisons. L’armement individuel du soldat belge, par exemple, est différent de celui des militaires français et pourrait entraîner de légères adaptations, un élément de fixation pour fusil d’assaut SCAR n’étant pas nécessairement identique à celui requis pour un HK 416F. « En travaillant plus étroitement avec leurs homologues français, les militaires seront plus à même de déterminer quels sont les matériels susceptibles d’être pris en compte pour une éventuelle future utilisation par la Composante Terre. Je suis convaincu que, pour la version suivante de l’équipement individuelle, il y aura aussi une standardisation, » nous déclare le chef de la DGMR. Ce sera notamment le cas des systèmes de communication. Militaires belges et français utilisent actuellement des radios PR4G, « mais pas dans les mêmes versions ». L’arrivée de la radio CONTACT devrait « naturellement faire disparaître les écueils constatés ».
 
« Cette coopération va engendrer, selon moi, des rapprochements dans d’autres domaines qui vont encore aller nettement plus loin, » espère le chef de la DGMR. Et cela commence au niveau tactique. La France, par exemple, « maintient toujours un médecin en première ligne, ce qui n’est pas le cas en Belgique, où cette capacité intervient au niveau compagnie, donc à quelques kilomètres de la ligne de contact ». Cela implique des différences majeures en terme d’équipements médicaux, qu’il faudra faire évoluer pour parvenir à une parfaite interopérabilité entres les unités médicales belges et françaises. A contrario, la Composante Terre dispose d’un système radar de surveillance de champ de bataille intégré sur un véhicule, ce qui n’est pas encore le cas en France, explique le général Debaene. Selon ce dernier, « il est donc possible que nous évoluions ensemble vers un système commun intégrant cette capacité ».
 
L’appui-feu, déjà longuement mentionné sur ce blog, constitue un autre axe majeur de rapprochement. Ainsi, le Griffon MEPAC (Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact) était prévu dans la première tranche du programme CaMo. Cette technologie n’étant pas disponible lors de la signature du contrat initial, l’acquisition de 35 véhicules par la Belgique a été reportée à plus tard. « Il est clair qu’une fois le Griffon MEPAC développé, nous intégrerons le même système, » soutient le commandant de la DGMR, qui rebondit par ailleurs sur le futur Véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE). La Défense belge présente un besoin similaire à celui de le l’armée française, sans doute lié au programme de remplacement des LMV Lynx. « Nous étudions de près l’évolution suivie en France, ce qui induit deux possibilités. Devons-nous rejoindre ce programme par après ou nous lancer dès maintenant dans un développement commun ?, » questionne le général Debaene.
 
Revenant au MEPAC, la DGMR confirme que ces Griffon seront rejoints par une « une batterie d’appui-feu de précision indirect, à longue portée, équipée de véhicules à roues aérotransportables ». La réactivation de cette capacité est prévue pour 2027-2029 et devrait bénéficier d’un budget de 48M€. « Il subsiste, selon moi, des doutes concernant cette pièce d’artillerie, » note le générale Debaene, d’après qui il ne serait cependant « pas illogique de retomber sur le CAESAR ». En plus d’être l’un des rares systèmes du genre à être « combat proven », le CAESAR reste le seul à répondre, pour l’instant du moins, à l’une des contraintes exprimées dans la Vision stratégique belge: l’obligation d’aérotransportabilité par A400M. De même, adopter le CAESAR permettrait « d’utiliser l’expérience de l’armée de Terre française mais aussi de celle de la DGA dans ce contexte. On a tout avantage, de nouveau, à faire la même chose que notre partenaire. Il faudra probablement réaliser une petite étude de marché puisque c’est intégré dans notre système, mais je peux m’imaginer qu’on aura plus d’avantages à intégrer le CAESAR que n’importe quel autre système ». En cas de sélection, la logique voudrait finalement d’aligner le calendrier belge sur celui du ministère des Armées, qui prévoit l’acquisition de 32 pièces supplémentaires à l’horizon 2025, pour d’évidentes raisons d’économies d’échelle.
 
Tant les budgets que les jalons calendaires de ces futurs projets pourront être respectés, à condition qu’un déblocage intervienne à la tête de l’État belge, rappelle la DGMR. Toute nouvelle prise d’initiative, et donc la levée des tranches additionnelles de CaMo, est en effet conditionnée à la formation d’un nouveau gouvernement belge, attendu depuis plus de cinq mois. Qu’ils soient ambitieux ou plus modestes, ces quelques axes potentiels de rapprochement entre la DGMR et la DGA nécessiteront de garder une marge d’anticipation, un élément essentiel dont le monde politique ne tiendra pas forcément compte. « Notre but est avant tout de se pencher sur chaque sujet entre un et deux ans avant la date reprise par la Vision stratégique pour entamer les pourparlers avec la DGA et les partenaires industriels et réaliser un ajout au contrat établi pour l’instant, » conclut le général Debaene.

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