Répartition des emplois défense en France
(source: INSEE-CIDEF)
Le front s’organise ! Parlementaires et industriels passent à l’offensive pour sonner l’alarme et prévenir des catastrophes qu’impliquerait une réduction de budget de la défense. À l’initiative de la commission Défense de l’Assemblée Nationale, s’est tenu ce matin un petit-déjeuner débat ouvert à la presse sur les conséquences de réductions budgétaires. En présence des principaux industriels (le groupe des « 7 » : Safran, Airbus, MBDA, Dassault, Thales, Nexter et DCNS) et d’experts (IFRI, FRS…) ainsi que de députés et sénateurs, le message a été clair: pas touche à la LPM, les conséquences seraient désastreuses. Patricia Adam, Président de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale a assuré que les parlementaires veilleraient à « une LPM totalement respectée ».
Une LPM déjà fragilisée par des REX surestimées
Premier constat, la LPM a été élaborée pendant 2 ans « avec le soucis constant de participer au désendettement de la France » expliquait Patricia Adam. Le résultat est un équilibre difficile, fragile, « entre le juste suffisant et le juste insuffisant » précisait un industriel.
D’autant plus que les ressources exceptionnelles (REX) ne seront à priori pas au rendez-vous. « Il va falloir rajouter 50% des REX pour respecter le budget de la LPM actuelle » prévient un parlementaire. Comprendre : la moitié des ressources exceptionnelles sur lesquelles est basée la LPM ne seront pas au rendez-vous. C’est déjà en soit une remise en question de la LPM. « Nous avons travaillé main dans la main entre politiques, industriels et militaires pour une LPM de transition. On se réparti déjà la misère » tonne un industriel, tandis que certains industriels ont déjà réduit leurs effectifs. Une réduction qui touche en conséquence les capacités des armées : « Les stocks de missiles, en dialogue avec les états majors ont déjà été réduits à la limite du besoin opérationnel » a prévenu l’amiral Jean-Pierre Tiffou, conseiller du Président de MBDA.
Des conséquences dramatiques
Les prévisions des industriels sur l’emploi suite à d’éventuelles réductions budgétaires font frémir : « un milliard d’euros de réduction par an sur le budget défense, aboutirait à la suppression dans l’industrie de 12 000 à 18 000 emplois (…) Si ces réductions atteignent 6 milliards sur la période de la LPM, c’est 50 000 emplois qui sont menacés sur 3 ans » précisait Marwan Lahoud d’Airbus, président du GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales). Ainsi que d’une perte de plus de 40% d’activité pour le tissu PME/ETI, soit la mort de la moitié d’entre elles… « Nos entreprises sont structurantes de filières technologiques et industrielles et toutes réductions menaceraient des milliers de sous-traitants et affaibliraient toute la filière » prévient pour sa part Patrick Boissier, PDG de DCNS. Les conséquences sur les régions seraient catastrophiques, l’activité défense représentant parfois jusqu’à 20% des emplois. « La défense est le troisième secteur industriel en France » indiquait Philippe Burtin, PDG de Nexter « avec des emplois peu délocalisables ».
De nombreuses entreprises défense bénéficient d’une activité duale, c’est à dire d’activités à la fois défense et civile (Safran, Thales…). Mais les industriels préviennent : « la défense nourrit l’activité civile, un affaiblissement de l’activité défense la fragiliserait et alors plus rien ne nous retiendra en France. Nous délocaliseront ». D’autant plus que les industriels français réalisent de gros efforts de financement sur la R&D (recherche et développement) avec des investissements sur fonds propres qui atteignent souvent 10% de leurs chiffres d’affaires, alors qu’à l’étranger la moyenne se situe aux alentours de 4%.
L’avenir compromis
Une réduction de l’effort R&D entamerait gravement la préparation de l’avenir. Nous avons tous une industrie fondée sur les programmes nationaux. Or il n’y a pas d’export sans transfert de technologie. Si nous ne pouvons préparer les technologies de demain et que nous vendons celles d’aujourd’hui , c’est du suicide ! La compétitivité technologique est notre seule force à l’export » prévient Patrick Boissier.
D’autant plus qu’ « un euros investi dans la défense c’est un euros gagné à l’export » précise Patrice Caine, DG chez Thales, « et notre force c’est cet équilibre, qui est fragile, entre la France et l’export ».
Ou encore « il n’y a pas d’exemple de pays qui ait une industrie civile mondiale sans industrie de défense » a ajouté Jean-Paul Herteman, PDG de Safran.
Pas besoin de regarder bien loin pour voir les conséquences désastreuses d’un manque d’investissement dans la défense : au Royaume Uni « qui font des acquisition sur étagère, sans investir dans la recherche, la défense britannique a complètement perdue son industrie. Il n’y a aujourd’hui plus d’industriel terrestre britannique » remarque un autre PDG. Très remontés, toucher à la LPM c’est donc pour les industriels appuyés par les parlementaires, le pire des scénarios catastrophes qui s’annonce.
« Par avis de gros temps, on réduit la voilure, la LPM a préservé l’essentiel et nous permet de contrôler le navire. En cas de réduction, le bateau va s’échouer » résume un industriel.