Six pays s'unissent pour un nouveau chenillé tout-terrain

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L’Allemagne, la Finlande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont dévoilé ce lundi un projet commun d’acquisition d’une nouvelle génération de véhicules à chenilles tout-terrain. Sur invitation du Directorat général pour l’équipement de la Bundeswehr, les six partenaires se sont retrouvés à Bonn pour discuter d’un programme entamé discrètement en 2017 et mené, semble-t-il, à l’écart des « circuits » européens.
 

Un BvS 10 Viking des Royal Marines (Crédit photo: Ministère de la Défense britannique)


 
« D’importants besoins de renouvellement à venir dans l’armée et la défense du territoire. Il est urgent de s’y préparer maintenant. (…) Excellente discussion à propos d’une éventuelle collaboration pour des acquisitions futures », annonçait dans un tweet le général de brigade Mikael Frisell, chargé des équipements terrestres au sein de l’Administration suédoise du matériel de défense (FMV). « La Suède opère une large flotte de véhicules (de la famille) Bv et nous devrons remplacer les plateformes le plus anciennes durant la prochaine décennie. La FMV et les forces armées suédoises poursuivent actuellement un dialogue au sujet des différentes alternatives existantes pour moderniser la flotte de Bv », nous explique le porte-parole la FMV, Henrik Hedberg.
 
Hélas, l’information officielle à ce sujet est extrêmement succincte, la diffusion des détails relatifs à ce programme étant actuellement limitée aux pays concernés. Tout au plus, le document présenté dévoile un BvS 10 de BAE Systems Hägglunds, accompagné d’un Bronco 3 et d’un visuel 3D d’un projet de développement, tous deux conçus par le Singapourien ST Engineering Land Systems (ex-ST Kinetics).
 

Et voici tout ce que l’on sait sur ledit programme… (Crédit: Twitter/@MikaelFrisell)


 
Ni chiffres, ni calendrier, ni cahier des charges donc, mais bien une expression de besoin commune. « L’un des objectifs de ces discussions était d’évaluer la pertinence d’un futur plan d’acquisition commun qui profiterait à tous ou à certains pays », ajoute Hedberg. Robuste, amphibie, modulaire, le chenillé tout-terrain a en effet démontré des capacités de franchissement hors pair dans les environnements les plus divers, de la haute montagne à la jungle guyanaise, en passant par les plateaux afghans. Une véritable bête de somme dont les forces terrestres peuvent difficilement se passer et qui, au fil du temps, s’est résumée à son plus illustre représentant: le Bandvagn (Bv) de BAE Systems Hägglunds. La gamme Bv été produite à plus de 12 000 exemplaires depuis 1980, dont près de 3000 Bv 206 et BvS 10 opérés par les six armées impliquées dans ce programme. Dernier-né de la gamme, le BvS 10 s’est d’ores et déjà imposé aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Autriche, en Suède et, bien sûr, en France. Mais le succès du BvS 10 reste limité et la revalorisation des budgets de défense est poussive, tandis que le besoin de renouvellement va croissant.
 
Si certains pays n’ont acquis que très récemment une telle capacité, à l’image de l’Autriche, d’autres doivent donc dès à présent envisager son renouvellement par une nouvelle génération de plateformes. À l’instar de la logique sous-jacente aux projets de la CSP, ce type de programme multinational doit à terme permettre de réduire les coûts en privilégiant un partage de la R&D, des achats groupés et un MCO communalisé synonymes d’économies substantielles. La Suède se dit donc « intéressée par une collaboration multinationale dans le but d’acquérir un nouvel ATV de la ‘famille Bv’ en coopération avec d’autres pays afin d’obtenir les meilleures économies d’échelle ainsi qu’une réelle interopérabilité avec d’autres pays européens ».
 
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce programme se désolidarise néanmoins des dispositifs multilatéraux de développement ou d’acquisition proposés par l’Union européenne ou la NSPA (OTAN). Entre le Royaume-Uni, bientôt sorti du cadre européen, la Norvège, dont l’adhésion à l’UE n’a jamais abouti, et la politique de non-alignement prônée par la Finlande à l’égard de l’OTAN, tout porte à croire que ce programme progressera à l’écart des circuits aujourd’hui mis en place par l’Europe de la défense.
 
Du reste, s’éloigner des préceptes défendus par l’Europe peut sans doute se justifier par le choix, regrettable mais pragmatique, d’établir les partenariats les plus à même de favoriser un renouvellement rapide et à moindre coût. In fine, mieux vaut acquérir un produit, certes, développé en dehors des dispositifs de l’UE mais du moins partiellement européen que de se fournir intégralement « à l’étranger ».
 
Et la France dans tout ça ? Chantre de l’Europe de la défense, Paris semble ici mis à l’écart, malgré un besoin manifeste pour ce type de capacité. Car si la « jeune » flotte de BvS 10 VHM se porte bien (72% de disponibilité pour les 53 véhicules à la mi-2018), l’avenir des Bv 206 LOG s’avère plus incertain. Avec un âge moyen de 23 ans, les 41 véhicules déployés au sein de la 27e BIM et du 3e REI atteignent difficilement la barre des 50% de disponibilité. Il fut dès lors question, en février 2018, de revendre les véhicules « réformés » à l’Espagne. Demeuré, pour l’instant, sans suite, ce scénario impliquerait en conséquence de leur trouver un remplaçant. Et donc, pourquoi pas, de s’intéresser de plus près à la poursuite d’un programme manifestement aussi discret qu’essentiel.