Qui est NBC-Sys, cette PME qui protège les Armées des menaces NRBC ?

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Des militaires français de l’opération Daman (FINUL – Liban) lors d’un exercice NRBC mené sur le camp de Dayr Kifa (Crédits : EMA/Ministère des Armées)


 
Seule unité française spécialisée dans le traitement des risques NRBC, le 2e régiment de dragons est de toutes les missions sanitaires depuis le début de l’opération Résilience. Il dispose pour cela d’un éventail d’équipements de protection et de décontamination conçus notamment par NBC-Sys. Qui est cette discrète filiale du groupe Nexter qui, depuis plus d’un demi-siècle, protège les Armées face aux menaces NRBC ?
 
« NBC-Sys est le fournisseur du masque à gaz des armées françaises depuis plus de 50 ans », se félicite son directeur général, Jean-Marie Mathelin. Son savoir-faire s’inscrit dans la lignée des activités NRBC de l’ancienne Manufacture d’armes de Saint-Étienne, qui fournissait des équipements de protection aux armées françaises depuis les années 60. La marque existe en tant que telle depuis la fin des années 1990, mais ne devient une filiale à part entière qu’à la création du groupe Nexter, en 2006. Sa particularité reste sa capacité à traiter l’ensemble des menaces NRBC, de la détection et la protection individuelle et collective à la décontamination des personnels, véhicules et infrastructures critiques. Industriel complet, NBC-Sys développe, produit et soutient l’ensemble de ses systèmes au départ de son site de Saint-Chamond (Loire). Sa mission essentielle de MCO, l’entreprise la réalise soit par retour de produits en usine, soit par projection d’équipes en régiment.
 
La PME emploie aujourd’hui 70 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 26 M€, dont 80% se matérialisent sur le territoire français. Un résultat « en forte croissance ces dernières années puisque nous enregistrons une progression de 40% du chiffre d’affaires sur les trois dernières années », souligne Jean-Marie Mathelin. À l’export, l’entreprise a enregistré des succès notoires avec le Canada pour des dispositifs de décontamination ainsi qu’avec l’armée britannique pour des systèmes de protection collective pour des hôpitaux de campagne, ces derniers ayant été déployés dans le cadre de la crise sanitaire. Ce carnet de commandes bien rempli lui assure une bonne visibilité pour les 10 prochaines années.
 
À l’instar d’autres industriels de défense, toute l’activité de production de NBC-Sys aura été provisoirement suspendue à la mi-mars, le temps de déployer les mesures barrières nécessaires à la protection des salariés. « Nous avons pu redémarrer la production au bout d’une petite semaine avec un régime quasiment nominal », commente Jean-Marie Mathelin. Le ralentissement consécutif de la chaîne d’approvisionnement aura quant à lui été amorti par l’étendue des stocks disponibles, « la priorité restant de servir les forces armées françaises puisqu’elles restent de loin notre principal client avec plus de 30 000 masques livrés par an ». Sans surfer sur la vague médiatique, la PME ligérienne s’est elle aussi investie dans la crise sanitaire en donnant des centaines de masques à gaz et de filtres en version civile aux personnels de santé des services de réanimation, « là où ils sont le plus exposés au virus ».
 

Le système CERPE déployé en appui par le 2ème RD lors de la décontamination du porte-avions Charles de Gaulle (Crédits : NCB-Sys)


 
NBC-Sys a en outre agi en tant que « force de l’ombre » lorsque le 2e RD, entre autres, a été réquisitionné pour décontaminer le porte-avions Charles de Gaulle. L’un des 33 systèmes de décontamination personnelle CERPE en service dans l’armée de Terre et l’armée de l’Air est alors envoyé à Toulon pour permettre aux équipes de Dragons de regagner la terre ferme sans risque de contamination. Chaque système, stocké en totalité dans un conteneur de 20 pieds, permet de décontaminer jusqu’à 50 personnes par heure. Suivant la menace – radiologique, biologique ou chimique -, l’opérateur dispose de solutions décontaminantes de différentes compositions. « Dans le cas du Covid-19, ce sont des solutions qui sont utilisées dans les hôpitaux. Ce ne sont pas des composés comparables à ceux qu’utiliseraient les militaires pour faire face à une contamination à l’anthrax, par exemple », note Bruno David, directeur commercial de la filiale. « Ces matériels ont pu être projetés très rapidement parce que  la formation des équipes et la disponibilité des  systèmes sont assurées en permanence par NBC-Sys sur base d’un contrat établi avec la SIMMT », explique Jean-Marie Mathelin. Ainsi, les dernières formations sur le système CERPE datent du premier trimestre 2020.
 
Le Charles de Gaulle n’est qu’un exemple parmi d’autres de missions génératrices de précieux retours d’expérience sur la contribution des équipements de lutte NRBC dans l’endiguement de l’épidémie de Covid-19. « Passée la période de crise où il nous faut approvisionner des équipements très rapidement, il y aura une phase de RETEX indispensable pour analyser les capacités industrielles françaises et celles mises à disposition non seulement dans les armées mais aussi dans les hôpitaux et dans la sécurité civile », estime Jean-Marie Mathelin. Sur le long terme, la filière NRBC est en effet l’une des rares à posséder les compétences requises pour une prise en compte productive et pérenne de ces RETEX. « Cette première phase aura démontré que beaucoup d’entreprises sont en mesure de produire des masques de protection en urgence. Le traitement de la crise dans la durée nécessitera ensuite les compétences spécifiques dont disposent nos équipes », ajoute-t-il.
 
Derrière la crise sanitaire, Scorpion et EPIA
 
Grâce au recours au télétravail, NBC-Sys aura pu assurer la bonne continuité de ses programmes de R&D, dont deux sont de première importance pour le ministère des Armées. « NBC-Sys est le fournisseur exclusif des solutions de traitement de l’air dans les véhicules Scorpion », rappelle premièrement son directeur général. Programme majeur pour cette PME, Scorpion va non seulement apporter du volume, mais aura également favorisé le développement de solutions véritablement innovantes, notamment en matière de coûts de possession pour l’utilisateur. Deux systèmes vont coexister : l’un, un système de filtration de l’air déployé en temps de paix, et l’autre, un kit NRBC plus complexe qui sera intégré en lieu et place « en temps de guerre ». Une réponse graduée qui permet de ne connecter le dispositif « lourd », forcément le plus coûteux, qu’en cas de besoin et donc de réduire la facture en terme de consommables. « En mission, les forces pourront installer très rapidement ce kit NRBC basé sur le principe du plug-and-play, doté d’un niveau de filtration répondant aux meilleurs standards OTAN et qualifié spécifiquement pour le programme Scorpion », détaille Jean-Marie Mathelin. Plusieurs centaines d’exemplaires ont été commandés par le ministère des Armées. Il sera prochainement proposé aux marchés export.
 
Le second gros dossier auquel se consacre à présent NBC-Sys est celui du futur « Ensemble de protection individuel des Armées » (EPIA) qui équipera les personnels de l’armée de Terre, de la Marine nationale et de l’armée de l’Air d’ici quelques années. Selon Jean-Marie Mathelin, « c’est aussi un programme innovant car c’est, à notre connaissance, la première fois au monde qu’une armée lance un programme de conception d’un système complet de protection individuelle ». Jusqu’à présent, les forces armées commandaient des lots d’éléments disparates, du masque à gaz aux surbottes, conçus sans logique système et susceptibles d’amoindrir les capacités de protection globales.
 

Vue d’artiste de ce à quoi pourrait ressembler le futur système EPIA (Crédits : NBC-Sys)


 
Dans le cadre du programme EPIA, la Direction générale de l’armement (DGA) a donc fait le choix de l’innovation en spécifiant un système intégral impliquant le développement conjugué d’un nouveau masque, d’une nouvelle tenue, de nouveaux gants, etc. « Pour la réalisation de ce contrat, nous avons choisi de créer un groupement momentané d’entreprise au sein duquel NBC-SYS a la charge de mandataire et de systémier. C’est à dire que nous allons non seulement concevoir et produire l’élément masque à gaz mais également mener toutes les études système ».
 
Officiellement mandaté en avril 2019, ce GME conduit par NBC-Sys se compose des sociétés SP Défense – filiale de Honeywell -, Paul Boyé Technologies et Ouvry. L’ensemble des études d’architecture sont désormais achevées, de même que la phase de validation du concept retenu pour le système complet et ses sous-ensembles. Le lancement de la phase de développement est donc imminent. « Tout cela est mené en étroite collaboration avec la DGA. Nous avons créé un plateau spécifique à Saint-Chamond dans lequel le client a une place qui lui est dédiée », explique Jean-Marie Mathelin. Entre les études système et les études relatives au masque, le volet R&D occupe actuellement une douzaine de personnes à temps plein.
 
Outre le développement et la qualification du système EPIA, ce programme, qui s’étalera jusqu’en 2037, comprend la production en série. Cette dernière étape n’est pas attendue avant 2025. D’après NBC-Sys, « il y a non seulement beaucoup de développement, mais aussi une longue phase de qualification car ce sera la première fois que nous qualifierons un système complet ». La DGA y aura un rôle essentiel au travers de son site « Maîtrise NRBC » de Vert-le-Petit (Essonne), revenu sur le devant de la scène à l’occasion de cette crise sanitaire. « Ils ont d’ailleurs investi lourdement en équipements de laboratoire et en ressources humaines pour pouvoir mener à bien ce programme », annonce l’entreprise.
 
Hormis son rôle de chef d’orchestre, NBC-Sys « perpétue l’histoire entamée au lendemain de la Seconde guerre mondiale » en s’attelant à la conception d’un masque à gaz de nouvelle génération pour les 40 prochaines années. Compatible avec les plus hauts standards de protection contre les menaces NRBC, ce masque sera doté d’une nouvelle architecture bénéficiant des nombreuses recherches menées sur l’ergonomie, les matériaux et le confort. « Il y a énormément de travail réalisé sur l’anthropométrie pour couvrir tous les percentiles des populations féminine et masculine », précise Jean-Marie Mathelin. Car l’un des enjeux sera la prise en compte de la place grandissante du personnel féminin, qui représente dorénavant plus de 20% des effectifs du ministère des Armées. Le confort accru qui en découlera permettra aux militaires de porter ce masque plus longtemps sans être dérangés dans la conduite de leur mission. En plus de tailles mieux adaptées à la morphologie, NBC-Sys travaille à l’optionalisation de l’outil afin de tenir compte de la multiplication des interfaces embarqués sur le fantassin, le marin ou le pilote. En particulier, le système EPIA sera nativement interopérable avec les autres briques du programme Scorpion.