ORION 23 : le 40e RA, marteau et bouclier des forces alliées

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Pas un pas sans appui. L’adage n’en n’avait que plus de sens face à l’ennemi symétrique Mercure de l’exercice ORION 2023, désormais achevé. Parmi ces appuis précieux mis à disposition des unités françaises et alliées, un 40e régiment d’artillerie (40e RA) bientôt engagé dans une refonte progressive de ses moyens. 

Façonner Mercure, renseigner et protéger les alliés

Mercure est vaincu, ses forces sont depuis hier définitivement boutées hors du territoire arnlandais. Une victoire finale que la coalition alliée menée par la France n’aurait pu acquérir sans l’appui des artilleurs de Suippes (Marne). Seul régiment d’artillerie d’une 2e brigade blindée en pointe de l’effort pour cette dernière phase d’ORION, le 40e RA était durant près de trois semaines chargé d’ « appuyer la brigade par les feux, le renseignement et la défense sol-air très courte portée [SATCP] », expliquait son chef de corps, le colonel Charles-Louis Tardy-Joubert.

Renseigner et protéger, mais aussi marteler et façonner l’ennemi, voilà les actions menées « pour permettre au général de garder sa liberté d’action, de préserver son potentiel de combat » et de « tailler l’ennemi » pour que celui-ci soit à la portée des groupements tactiques interarmes français, belge et britannique en première ligne face à Mercure et à sa milice Tantale. 

« Nous sommes face à un ennemi robuste qui détient aussi des capacités importantes, notamment de contre-batterie », rappelle le colonel Tardy-Joubert. Mode d’action couramment constaté sur le front ukrainien, la contre-batterie aura été jouée au prix de deux CAESAR perdus et de quelques blessés dans les rangs français. Une séquence difficile mais importante pour répéter à une toute autre échelle les procédures de régénération des matériels et d’évacuation médicale.

Ne s’écoulent que six minutes entre la réception d’un ordre et le premier tir d’une pièce de CAESAR. Un exercice de réactivité impossible à réaliser sans éprouver régulièrement la robustesse d’une chaîne de commandement aux multiples maillons, de la batterie jusqu’au niveau divisionnaire. « L’entraînement à cette coordination et à l’ensemble de cette chaîne est essentiel », indique le commandant du 40e RA. 

Cette phase 4 d’ORION, c’était « une occasion unique » d’entraîner les moyens sol-air, autre capacité remise à l’avant-plan par le conflit russo-ukrainien et la prolifération de nouvelles menaces, les drones en tête. Autre particularité du régiment, la défense sol-air se démarquait elle aussi par « la densité de moyens réunis en vrai sur le terrain ». 

Régulier mais « compartimenté », l’entraînement des sections se trouvait cette fois totalement intégré dans un combat de niveau divisionnaire. ORION aura apporté « tout cet environnement beaucoup plus réaliste que ce que l’on peut faire quand nous sommes qu’entre nous », indique le capitaine Martial, à la tête de l’unique batterie sol-air du régiment. Pour celui-ci, l’un des apports aura ainsi été de pouvoir interagir via la liaison 16 avec les centres de management de la défense dans la 3e dimension (CMD3D) du 54e régiment d’artillerie et de l’armée de l’Air et de l’Espace. 

Malgré la menace croissante qu’elle représente, la saturation de l’espace aérien par les drones n’a pas été jouée, du moins pas en réel. La batterie du capitaine Martial a cependant été confrontée à des scénarios exigeants. La « bataille de Sissonne », par exemple, conduite au Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB), engageait une section de VAB T20/13. « Ce fut assez intense et assez intéressant pour mes soldats, confrontés autant à une menace terrestre très présente qu’aux drones », note le capitaine Martial. Une conjugaison de savoir-faire qui aura conduit à la destruction de plusieurs blindés ennemis par une version du VAB qui conserve de beaux restes. 

Une LPM favorable aux artilleurs

« J’estime que nous sommes, à ce jour, déjà bien équipés. Les canons CAESAR du régiment sont la Rolls-Royce de l’artillerie. Nous en sommes fiers », souligne le colonel Tardy-Joubert. Un atout que celui-ci résume en cinq mots : rapidité, fugacité, efficacité, mobilité et précision. Le 40e RA, à l’instar des autres régiments d’artillerie, profitera d’une refonte majeure de son arsenal capacitaire d’ici à 2030. Des CAESAR, le régiment en recevra 16 de nouvelle génération pour renouveler son parc et remplacer ses vénérables AUF-1. Ils seront complétés par l’arrivée de huit Griffon MEPAC, annonçait le chef d’état -major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Pierre Schill, mi-avril en audition parlementaire. 

La LPM prévoit par ailleurs « de nouveaux moyens d’acquisition et de renseignement avec une quinzaine de véhicules d’observation artillerie, des radars de surveillance terrestre, et des drones SDT-L complémentaires aux SMDR déjà livrés et au SDT du 61e régiment d’artillerie », complétait le CEMAT.

Derrière, la loi de programmation militaire pour 2024-2030 inscrit les artilleurs parmi les bénéficiaires d’une partie des futures munitions téléopérées acquises par la France et annonce le renforcement de leurs capacités de défense sol-air. Chaque régiment d’artillerie percevra en effet « des premières munitions télé-opérées moyenne portée » à compter de 2028. Il s’agira du modèle LARINAE, munition issue des appels à projets lancés l’an dernier par l’Agence de l’innovation de défense et la Direction générale de l’armement. 

La transition vers une lutte anti-drones musclée démarre bientôt à Suippes. Une quatrième section sera créée en 2024 au sein de la batterie DSA. Dédiée à la lutte anti-drones, elle sera équipée de deux VAB ARLAD et de deux fusils anti-drones. La logique sera élargie à toutes les batteries sol-air de l’armée de Terre et nécessitera un effort en matière de ressources humaines. 

Le 40e RA était l’un des premiers à tester le VAB ARLAD au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane. « C’était l’une de mes meilleures missions », relève le sergent Kevin. Formé en amont par la Section technique de l’armée de Terre (STAT), ce dernier aura conduit cette expérimentation en coordination avec toutes les unités présentes au Sahel, du train au génie. « Nous étions intégrés directement dans un convoi pour en assurer sa protection, ainsi que le soir pour la protection statique des bases opérationnelles avancées temporaires ». 

La dynamique amorcée par le VAB ARLAD et les fusils brouilleurs se poursuivra avec l’arrivée dans l’armée de Terre de 24 Serval Mistral et 12 Serval LAD à l’horizon 2030, de quoi entamer le remplacement des véhicules PAMELA et VAB T20/13. Certaines lignes doivent encore être écrites, que ce soit en matière de doctrine ou d’armement principal du Serval LAD, mais tant ORION que les évolutions capacitaires annoncées ne font que confirmer la place centrale des appuis dans un scénario d’engagement majeur.