[Màj] Le micro-drone Anafi paré au décollage au 61e RA

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Plusieurs centaines de micro-drones Anafi USA ont dorénavant été livrés aux forces armées. Parmi les premiers bénéficiaires, le 61e régiment d’artillerie de Chaumont (Haute-Marne), dont le Centre de formation drones (CFD-AT) est à nouveau en pointe pour l’instruction des futurs télépilotes de l’armée de Terre.

Mise à jour : l’autorisation d’emploi du micro-drone Anafi est finalement tombée. Le report du lancement des formations a néanmoins modifié l’ordre de passage par Chaumont. Le 2e RH figure toujours parmi les premiers bénéficiaires, de même que tous les régiments prochainement engagés sur un théâtre d’OPEX où sera déployé le nouveau drone. Quant aux perceptions par les unités, le CFD-AT conserve cinq systèmes, volume suffisant pour conduire les formations. Le 61e RA disposera de sa propre dotation.

900 systèmes à horizon 2025

« Aujourd’hui, le drone est devenu un outil indispensable pour tous les régiments. Qu’importe l’arme ou la spécialité, tout le monde lui trouve un emploi », résume le commandant du CFD-AT, le lieutenant-colonel Jean-Louis. Valable pour l’ensemble des armées, ce constat explique la sélection en 2020 du micro-drone Anafi USA conçu par Parrot. Depuis, ce marché conclu pour une durée de cinq ans est allé bon train, avec 150 systèmes à deux vecteurs perçus en 2021, 140 exemplaires étant venus s’ajouter entre le 1er et le 6 décembre aux 10 livrés en mars à des fins d’évaluations.

De ce second lot, 77 systèmes iront à l’armée de Terre, 37 à la Marine nationale et 36 à l’Armée de l’Air et de l’Espace. Le 9 décembre, le ministère des Armées acté la commande de 108 systèmes supplémentaires dont la livraison interviendra au cours du premier semestre 2022, annonçait la semaine dernière son porte-parole, Hervé Grandjean. À terme, 900 systèmes devraient entrer en service dans les forces, dont plus de 500 pour la seule armée de Terre.

Côté terrestre, le drone Anafi changera la donne au sein des compagnies et sections. En comparaison aux quelques systèmes équivalents en dotation, la nouvelle génération offre un « niveau de performances qui permet d’envisager d’autres emplois et d’autres approches. Il peut s’agir d’une levée de doute sur un carrefour en avant d’un convoi en déplacement. Il devient possible de voir ce qu’il s’y passe tout en restant à distance, quand d’autres types de drones nécessitent de s’approcher davantage, au risque d’être repéré visuellement ou acoustiquement », relève le chef du CFD-AT. Loin de se limiter à l’escorte d’un convoi, un tel outil appuiera les unités de contact, d’appui et de soutien dans leurs missions de surveillance d’emprises ou de bivouacs, de recherche de menaces lors d’opérations, etc.

Dans l’armée de Terre, le maréchal des logis Laurie est l’une des premières à s’être fait à la main sur le nouveau micro-drone. Avec quatre autres Diables Noirs, elle forme aujourd’hui la cellule instruction Anafi du CFD-AT. En coordination avec la Section technique de l’armée de Terre (STAT), elle a aussi été chargée de mener les évaluations technico-opérationnelles (EVTO) qui auront permis de juger de l’efficacité de cette « paire de jumelles déportée ». Que ce soit dans les déserts de Djibouti ou dans les plaines de Champagne, « c’est un système qui a fait ses preuves. Nous en sommes très contents et n’avons qu’une hâte, c’est justement de commencer les formations », commente-t-elle.

Former six télépilotes par semaine

Plusieurs centaines de micro-drones en service en 2025, ce sont au moins autant de télépilotes à former d’ici là. Le temps est donc compté pour le CFD-AT, dans les starting-blocks depuis plusieurs semaines. À l’heure où nous la rencontrons, la cellule instruction est sur le point d’effectuer sa première formation d’une semaine. Ne manque que le feu vert de l’état-major de l’armée de Terre autorisant l’emploi du nouvel outil. Le premier bénéficiaire sera le 2e régiment de hussards (2e RH), régiment blindé de recherche du renseignement subordonné au COMRENS.

Chaque session pourra accueillir six stagiaires chapeautés par deux instructeurs du CFD-AT. Les trois autres membres de la cellule restent en appui pour compenser les absences ou venir renforcer si besoin. Très dense, les cinq jours de formation démarrent par un volet théorique de prise en main technique, d’imagerie et de transmission. « Ils sortiront de là en connaissant leur drone sur le bout des doigts », explique le maréchal des logis Laurie.

« La plupart des stagiaires venant au CFD n’ont jamais touché un drone et ne savent pas comment est constitué un espace aérien ». C’est pourquoi tous suivront un cours commun relatif à la sécurité des vols, à l’aéronautique de base et à la législation. « Tous les télépilotes, même ceux qui opèrent un micro-drone, doivent avoir une maîtrise de l’espace aérien dans sa globalité. Tous doivent parler un langage commun et savoir ce qu’il se passe au-dessus d’eux ».

À l’instar des autres formations, le CFD-AT ne se contente pas de fournir une couche technique. L’enjeu principal reste bien de former les opérateurs Anafi à un usage tactique du drone, « chaque arme, chaque fonction opérationnelle venant apporter sa sensibilité tactique par rapport à l’emploi qu’il envisage pour ces moyens ». La formation se poursuit donc par un pilier pratique réalisé de jour comme de nuit et au terme duquel chaque télépilote aura réalisé 10 vols, ou l’équivalent de trois heures de vol. Un test théorique interviendra en cours de session, un échec étant synonyme de disqualification. La pratique est quant à elle évaluée en continu.

Une fois qualifiés et revenus en régiment, « ce sera aux télépilotes de se maintenir en compétence dans leur régiment, avec l’obligation de repasser par Chaumont si ils n’ont pas volé durant six mois d’affilée ». Avec les moyens dont il dispose, le CFD-AT a fixé le niveau d’ambition à 35 sessions par an. « Les unités n’attendent que le feu vert », indique le lieutenant-colonel Jean-Louis. Nul favoritisme dans le choix du 2e RH, l’ordre de passage répond en réalité au souhait de déployer le plus rapidement possible cette capacité en OPEX. Tous les régiments appelés sont donc de facto demandeurs, les premiers sélectionnés l’étant pour pouvoir partir au plus tôt avec leurs nouveaux systèmes.

Des formations décentralisées

Compte tenu du nombre conséquent de systèmes à mettre en œuvre, « la démarche qui a été adoptée est de décentraliser la formation », un principe déjà retenu pour les véhicules du programme Scorpion. Certains télépilotes deviendront donc des « référents instructeurs drones » (RID) au sein de leur régiment.

En démultipliant l’effort, l’armée de Terre entend répondre à trois enjeux : former un nombre importants de personnels pour accompagner la montée en puissance rapide du segment micro-drones, économiser les ressources humaines et matérielles du CFD-AT et permettre à ce dernier de concentrer son activité sur le développement de nouvelles techniques d’emploi, le tout en responsabilisant les régiments.

Le schéma est idéal pour les instructeurs du CFD-AT, qui vont pouvoir recevoir des télépilotes fraîchement rentrés d’OPEX et ayant engrangé énormément d’expérience de vol. « Les stagiaire sont aussi acteurs de leur formation. Ce partage de l’expérience opérationnelle est inestimable pour nous permettre d’améliorer constamment les formations », estime le lieutenant-colonel Jean-Louis.

L’accession au poste de RID exigera en revanche un effort supplémentaire en terme d’expérience, préalable nécessaire pour acquérir de la légitimité vis à vis des futurs stagiaires en régiment. Pour accéder à ce poste, un télépilote devra ainsi parvenir à six heures de vol réparties sur 20 vols. Les RID vont également recevoir une couche pédagogique ainsi que des compléments d’acculturation « drone » et « aéro », le second étant mené à Dax.

Quand au nombe de référents par régiment, ce sera à eux de décider. Mais les permissions, projections ou mutations nécessiteront d’avoir un minimum de deux RID par régiment pour être en mesure de maintenir la cadence. « Cest un défi pour nous », reconnaît le commandant du CFD-AT, mais son centre « est bien évidemment au rendez-vous pour former à la fois les télépilotes mais aussi les référents instruction drone ».

Un système Anafi USA complet : deux vecteurs et la tablette déportée de l’opérateur

Un système en évolution constante

Classé IP 53, l’Anafi a démontré sa robustesse lors des EVTO, que ce soit dans la poussière et la chaleur du désert du Grand Bara (Djibouti) ou sous la pluie et le vent du camp de Mourmelon (Marne). Les évaluateurs sont montés à des températures nettement supérieures à la limite de +49°C préconisée par l’industriel. Idem pour la résistance au vent, poussée jusqu’à 22 mètres/seconde en rafale sans déclenchement d’alerte ni perte de contrôle. Des conditions extrêmes qui n’empêchent pas de conserver une autonomie « très très correcte » de près de 30 minutes. 

Le modèle Anafi USA emporte une caméra thermique Boson, un capteur optique (zoom x4), un capteur numérique (zoom x32) ainsi qu’une fonctionnalité « High Dynamic Range ». Particulièrement utile, celle-ci adapte automatiquement l’exposition pour éliminer les reflets et faciliter, par exemple, l’identification des passagers d’un véhicule.

Les données sont consignées sur une carte mémoire chiffrée intégrée au drone, l’opérateur conservant la possibilité de les supprimer à distance. Pour ne dépendre d’aucun réseau externe, la cartographie est directement importée dans le logiciel suivant le besoin de la mission. Son Wifi interne, en bandes 5 GHz ou 2.4 GHz, est efficace jusqu’à quatre kilomètres.

Quant au bruit généré par les quatre rotors, celui-ci ne sera pas préoccupant pour les télépilotes. « On ne l’entend plus du tout à 600 mètres. Le zoom de la caméra permettant de voir très correctement jusqu’à une distance de 3,5 km, il n’y aura pas besoin de s’approcher dangereusement de la cible », estime l’instructeur du CFD-AT.

Le système Anafi va évoluer, et avec lui ses capacités et son emploi. « Nous avons été chez l’industriel la semaine dernière pour transmettre quelques remarques. C’est un système qui sera de toute façon en perpétuelle évolution », souligne le maréchal des logis Laurie. Certaines modifications sont intervenues en cours d’EVTO. Et parfois de manière proactive, Parrot ayant de son propre chef changé les bras du drones par de nouveaux en fibre de verre, contribuant à réduire les vibrations et à augmenter la stabilité de l’image.

Il y en aura d’autres, les EVTO n’étant pas complètement terminées. Les mises à jour se concentreront également sur le logiciel. L’une d’entre-elles relèvera de la possibilité de disposer des coordonnées et de la distance du point visé par les capteurs. Dans un autre registre, l’armée de Terre planche sur la possibilité de lancer et d’opérer le drone à partir d’un véhicule en mouvement, scénario déjà tenté avec succès depuis un VAB. Et un type d’emploi potentiellement facilité grâce à l’ajout d’antennes déportées sur les véhicules.