En ce début du mois de mai, la presse israélienne rapporte une victoire controversée du Premier ministre Benjamin Netanyahu au parlement du pays, la Knesset : il est maintenant autorisé à déclarer la guerre ou à ordonner une opération militaire majeure en consultant le ministre de la Défense, et non via un vote du cabinet ministériel qui était jusqu’à lors précédemment requis.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la rencontre de soldats sur le plateau du Golan en 2013 (Crédits : Israel News Agency / GOC)
Par soixante-deux votes pour contre quarante-et-un votes contre de l’opposition, la Knesset a approuvé ce lundi 30 avril le projet de loi de Netanyahu visant à faciliter la déclaration de guerre par le Premier ministre sans que celui-ci n’ait à attendre l’approbation de son gouvernement. D’après la presse israélienne, Netanyahu aurait déjà tenté de contourner le processus traditionnel sans succès, et certaines décisions d’opérations militaires auraient été autorisées sans la présence du gouvernement au complet. À partir d’aujourd’hui, ces pratiques seront légales.
Selon la nouvelle loi, qui ne précise pas plus le contexte d’une potentielle activation de cette procédure d’urgence que par des « conditions extrêmes », les opérations militaires pourront être autorisées par le Premier ministre avec l’accord du ministre de la Défense. La loi s’appliquera « si nécessaire en raison de l’urgence ». Dans les conditions « normales », le cabinet de sécurité, composé du Premier ministre et d’au moins quatre ministres membres permanents (jusqu’à 11 ministres sur les 22 que comptent le gouvernement), pourra décider des opérations militaires sans avoir à se concerter avec le reste du gouvernement. On peut alors supposer que c’est dans une situation « urgente » où la majorité des membres ne serait pas présente au cabinet de sécurité, que Netanyahu pourra décider « seul » d’engager les forces armées.
Directement proposé par Netanyahu, ce projet avait été refusé par les commissions « Droit et Justice » et « Affaires Étrangères » du parlement, mais il a ensuite « été soumis à nouveau par Avi Dichter, membre du Likud (parti de Netanyahu qui compte trente députés sur cent-vingts) et président du Comité des affaires étrangères et de la défense, au cours des deuxième et troisième lectures d’un amendement plus large et a été voté dans le cadre de cette loi plus large. » selon The Times of Israel qui rapporte les faits.
Cette modification de la loi israélienne intervient dans un contexte de tensions grandissantes entre Jérusalem et Téhéran que Netanyahu n’a pas hésité à pointer du doigt devant les parlementaires lundi matin pour défendre son projet. Entre la question du nucléaire iranien, la présence de Gardes de la Révolution de Khameini sur le territoire syrien – au moins deux douzaines d’entre eux auraient d’ailleurs été tués par des frappes de missiles dans la nuit de dimanche à lundi, les tensions avec les Palestiniens, les agissements du Hezbollah dans la région, qui pourraient menacer directement Israël, le gouvernement de Netanyahu se dit prêt à toute éventualité pour défendre la souveraineté du pays, même si il réfute l’idée de vouloir entrer en guerre avec l’Iran. Interrogé ce mardi par CNN si Israël était prête à une guerre avec l’Iran, Netanyahu a répondu : « Personne ne cherche ce type de développement. L’Iran est celui qui change les règles dans la région. »
Bien que Netanyahu fasse l’objet de critiques de plus en plus nombreuses, pour la plupart des Israéliens il resterait l’homme fort dont le pays a besoin quand il s’agit de « montrer les dents » face à l’Iran. Téhéran a par ailleurs rejeté la présentation de Netanyahu sur le programme nucléaire iranien comme étant de la propagande. Si les officiels iraniens continuent d’affirmer que le programme nucléaire est pacifique, certains d’entre eux jouent le jeu de la réthorique martiale avec Israël : « Si Israël nous attaque, Tel-Aviv et Haïfa seront effacées de la surface de la terre », déclarait le 12 avril Ali Shirazi, conseiller principal de Khamenei. Ce mardi, c’est le président de la commission des Affaires étrangères en visite à Damas qui a menacé Israël de représailles : « L’agression contre nos conseillers en Syrie nous garantit le droit de répliquer » (…) « Nous répliquerons en temps et lieu ».
Si le vote de la Knesset est une nouvelle preuve de l’instabilité alarmante dans la région, il ne doit pas être compris comme un mouvement militariste et autoritaire du régime israélien. Pour rappel, en France « le Parlement autorise le Gouvernement« , mais dans les faits c’est le Gouvernement qui décide de déclarer la guerre, la Constitution ne l’obligeant qu’à en informer le Parlement dans les trois jours suivants l’intervention ce qui peut mener à un débat mais pas à un vote d’approbation. Le vote d’approbation du Parlement n’existe que lorsqu’il s’agit de prolonger les opérations militaires (et toutes les opérations militaires n’ont pas nécessité de déclaration de guerre) après une durée de quatre mois (procédure classique des OPEX depuis l’Afghanistan). Le Chef de l’État est seul chef des armées, et son Premier ministre est garant de la Défense nationale, les deux faces de l’exécutif sont donc de fait responsables des opérations militaires.