Eurosatory 2022 : ROCUS & EGC, les deux atouts de CSI pour renouveler le génie de combat

Crédits : CNIM

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Reconnu pour ses solutions de franchissement de coupe humide et de batellerie, CNIM Systèmes Industriels (CSI, ex-CNIM) tente cette fois sa chance à terre. Le groupe français dévoile deux atouts majeurs à l’occasion Eurosatory : le robot « Route Clearance Unmanned System » (ROCUS) et l’Engin du génie de combat (EGC). Chacun vise à renouveler les moyens des sapeurs français, mais pas seulement. 

On ne présente plus CSI, acteur clef de la BITD française. Ce fournisseur historique des armées françaises est notamment à l’origine du « Système de Pose RApide de Travures » (SPRAT) et du « Pont Flottant Motorisé « PFM », désormais modernisé au standard F2, en service dans les régiments du génie. 

Ces savoir-faire en poche, CSI mise désormais sur deux futurs programmes de l’armée de Terre, que sont les renouvellements des moyens d’ouverture d’itinéraire et d’aménagement du terrain. « Le ROCUS et l’EGC sont la continuation de cette logique qui consiste à proposer des solutions adaptées, des produits spécifiques au génie et conçus en petites séries », nous explique Xavier Montazel, directeur de la Business Unit Défense & Maritime de CSI. 

L’EGC, un candidat à la succession de l’EBG

« Nous avons entendu parlé, il y a à peu près de trois ans, de ce qu’on appelait encore le MAC [Module d’accompagnement au contact] à l’époque », rappelle Xavier Montazel. Le MAC est depuis devenu l’Engin du génie de combat (EGC), mais l’enjeu reste le même : trouver un successeur à un Engin blindé du génie qui, bien que revalorisé, dépasse les 30 années de service en moyenne. De 70 à 150 véhicules seraient acquis selon l’industriel. 

Le programme est ambitieux et CSI, malgré une expérience avérée dans le domaine des véhicules spéciaux, n’avait pas toutes les cartes en main. Le groupe s’est donc rapproché de Texelis pour fournir le volet mobilité et de Nexter pour la « Scorpionisation » et le maintien en condition opérationnelle. Le futur EGC français sera en effet partie intégrante de la bulle SCORPION et est appelé à s’intégrer dans TITAN. 

« L’une des difficultés était d’être en mesure de fournir un produit qui a les capacités d’un engin de travaux publics en protégeant le sapeur et en assurant une vitesse de déplacement supérieure à 60 km/h », souligne Xavier Montazel. La réponse du trio ? Un véhicule 8×8 de 28 tonnes évoluant à 80 km/h, aérotransportable par A400M et disposant de 600 km d’autonomie. Des performances nécessaires pour pouvoir accompagner les Griffon, Jaguar et autres Serval sur tous les types de terrain. Texelis fournit pour cela une chaîne cinématique existante, développée à l’origine pour un client export. Ses 600 ch et sa boîte de transmission « permettront d’assurer d’une manière extrêmement efficace les manoeuvres qui caractérisent les travaux de terrain ». 

Engin dual, l’EGC peut à la fois intervenir en zones de conflits mais également en cas de catastrophes naturelles pour déblayer le terrain. (Crédits : CSI)

Génie de combat oblige, l’EGC embarque un godet sur l’avant et un bras latéral terminé par une pelle excavatrice, éventuellement remplacée par un autre outil. Sa cabine blindée accueille trois personnels. L’offre de CSI tient compte de l’ajout potentiel de kits Scorpion actuellement disponibles, tels qu’un tourelleau téléopéré T2, un détecteur de départ de tir acoustique PILAR V ou un brouilleur anti-IED BARAGE.

Cet EGC, que CSI renommera pour éviter toute confusion avec le programme français, est au stade de l’étude préliminaire et du choix initial de certaines technologies « qui a notamment permis de valider par simulation les capacités d’aménagement du terrain ». Financé sur fonds propres, le concept a été présenté à l’ensemble des parties prenantes du ministère des Armées. « Il semble bien répondre au besoin exprimé par l’armée de Terre », estime CSI. Face à celui-ci, la concurrence semble bien timide. Seul concurrent déclaré, Arquus annonçait en mars 2021 préparer une réponse en partenariat avec Volvo.

Pour CSI et ses partenaires, ne manque finalement que la demande d’information, première étape du processus. Celui-ci devrait être émis par la Direction générale de l’armement (DGA) dans les prochaines semaines. Confirmé l’an dernier en Conseil ministériel d’investissements, EGC reste un sujet « lointain ». Il serait l’objet d’un appel d’offres, au mieux, au second semestre 2023 pour une contractualisation espérée pour 2024. 

ROCUS, l’équipier robotisé du sapeur

« Nous nous sommes aperçus il y a trois ans que le besoin en moyens d’ouverture d’itinéraire téléopérés était peu couvert », indique Xavier Montazel. Cette mission, critique pour la mobilité des unités et de la logistique, l’armée de Terre l’effectue soit manuellement, soit via la poignée de Buffalo affectés au 13e régiment du génie. Des engins lourds, en service depuis une quinzaine d’années et que les armées cherchent à remplacer au travers du programme ROBIN. Avec celui-ci, l’armée de Terre s’oriente vers l’acquisition d’un système robotisé capable de faire de la levée de doute et de neutraliser une menace tout en éloignant le sapeur de la zone à risque. 

Pour créer le ROCUS, CSI aura dû s’ouvrir à de nouveaux horizons. « C’est notre première incursion dans la robotique au profit de l’armée de Terre », révèle Xavier Montazel. La division CSI disposait néanmoins de l’expérience engrangée sur le marché civil, pour lequel ont été développés des robots d’intervention pour la surveillance des centrales nucléaires. 

Après avoir fait le tour des solutions de mobilité disponibles, le choix de CSI s’est logiquement arrêté sur la plateforme THeMIS de l’estonien Milrem Robotics, une référence retenue par une douzaine d’armées dans le monde et éprouvée en opération. Le THeMIS est également hybride, sa motorisation reposant encore pour moitié sur le carburant militaire.

Le ROCUS est remorquable sur tous les terrains, par l’EGC mais aussi par un Griffon Génie (Crédits : CSI)

L’entreprise française y a intégré différents éléments de mission pour parvenir à un système complet doté d’une autonomie de 10 heures et d’une vitesse de pointe de 20 km/h. Hormis une lame, ROCUS est équipé d’un bras robotisé breveté offrant une capacité de levage de 100 kg à 4 m. Modulaire et multimission, le ROCUS ne requiert qu’un seul opérateur et peut emporter d’autres charges utiles, tel qu’un géoradar pour sonder la surface.

Ce robot a par ailleurs vocation à être tracté par un « véhicule mère » habité, voire à être télépiloté sous blindage grâce à celui-ci. En ce sens, le ROCUS et l’EGC ont vocation à travailler ensemble, « d’où la présence d’un troisième opérateur dont la mission ne se limite pas à assurer la protection du véhicule mais aussi à mettre en oeuvre plusieurs solutions robotiques ».

Le ROCUS est aujourd’hui un démonstrateur « qui préfigure largement ce que pourrait être le produit de série ». En France, il a déjà été présenté aux acteurs concernés, des sapeurs à la Section technique de l’armée de Terre (STAT) et à la DGA. Autant de rendez-vous qui auront permis « de démontrer l’opérabilité du système et de valider une fonction de pilotage hors de la vue directe ». Quelques éléments restent à affiner en fonction des spécifications demandées, comme la sécurisation des liaisons de données. 

S’il se concrétise, ROBIN pourrait aboutir à l’acquisition de 30 à 40 exemplaires, estime CSI. L’appel à candidatures est attendu pour la fin 2022 pour de premières livraisons en 2024. L’armée de Terre disposerait alors d’un premier incrément centré sur la levée de doute et l’intervention, avant d’éventuellement évoluer vers un système complet incluant une fonction de détection. 

 Ici aussi, la compétition pourrait prendre la forme d’un duel face à Arquus. L’industriel, qui dispose de savoir-faire solides en matière de robotique, ne se positionnera pas seul. Mais le projet ROBIN n’est pas la seule cible et ROCUS vise bien entendu une clientèle export. L’armée néerlandaise, qui opère le TheMIS depuis longtemps, accueillera une démonstration en seconde moitié d’année.