Comment Wifind'it et son traqueur 2.0 ont séduit la police judiciaire

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Exit l’image abondamment reprise par l’industrie hollywoodienne du gros traqueur fixé sur le châssis d’une voiture suspecte. Désormais, les balises de géolocalisation sont très compactes, légères et beaucoup plus performantes, nous expliquait Wifind’it, pionnier en la matière, la semaine dernière au salon Milipol.
 
Lancée en 2019, Wifind’it est spécialisée dans la sécurisation d’actifs de valeur. Après deux années de recherche, cette jeune pousse a accouché d’un nouveau type de balise connectée capable de retrouver n’importe quel objet sur le territoire français avec une précision d’une dizaine de mètres et une autonomie de 10 ans sans recharge. Des spécifications impressionnantes qui ont su convaincre un client prestigieux comme la police judiciaire. Si les officiers de la PJ disposent déjà de traqueurs, ceux-ci fournissaient un niveau de précision bien inférieur à celui proposé par l’entreprise parisienne. « Parce qu’elles reposent sur la technologie GPS, les balises de la police judiciaire perdent généralement la trace d’un trafiquant, d’un terroriste ou d’un go-fast lorsque ceux-ci décident d’entrer dans un bâtiment ou dans un souterrain. Grâce à notre solution, l’usage du Wifi leur permettra de se positionner à proximité directe de la cible sans risquer une coupure du flux de données ».
 
Miser sur les maillages LoRa et Wifi
 
La première grande force de Wifind’it, c’est d’être parvenu à développer une technologie brevetée autorisant à poursuivre la traque dans des lieux où les récepteurs GPS ne sont plus efficients, ce qui a permis à la jeune société d’obtenir le statut de « Jeune entreprise innovante » (JEI). Créé en 2004, ce dispositif confère un certain nombre d’avantages fiscaux aux PME de moins de huit ans qui engagent au moins 15% de leurs charges dans la R&D. Cette reconnaissance, Wifind’it la doit tout d’abord à l’idée d’associer une fonction GPS classique pour la localisation en extérieur – « ce que tout le monde peut faire » – à un détecteur de mouvement, un capteur Wifi et un module fourni par le Japonais Murata fonctionnant selon la technologie LoRa. Conçu en France, ce protocole permet aux objets de communiquer entre eux par radiofréquence en conservant un très bas niveau de consommation d’énergie. Cette technologie fournit une précision de 100 à 200 mètres près en milieu urbain, et de 500 à 1000 mètres en milieu rural. Aujourd’hui, Wifind’it travaille main dans la main avec Bouygues Télécom, dont la couverture LoRa touche 95% du territoire français mais aussi le Benelux et la Suisse. Plus de 120 opérateurs proposent ce genre de réseau de part le monde, permettant aux données de transiter dans 141 pays grâce aux accords de roaming. « Au fur et à mesure de l’ouverture de partenariats locaux par l’opérateur, nous allons pouvoir commercialiser notre solution dans d’autres pays, » prédit Drouault.
 
Pour gagner en finesse, Wifind’it y ajoute une capacité de « sniffing » des réseaux Wifi. « Autrement dit, ce traqueur interroge toutes les bornes Wifi publiques et privées disponibles autour de lui. Nous récupérons 16 adresses MAC [Media Access Control] issues de ces bornes et transférons les quatre plus puissantes à Google, qui nous renvoie ensuite la position par triangulation. Le tout, instantanément, » ajoute la startup. Étant donné la densité « énorme » du Wifi en environnement urbain, la précision de localisation géographique y atteint une dizaine de mètres.
 

La balise développée par Wifind’it, une précision maximale de 20 cm pour une autonomie de 10 ans sans recharge (Crédit : Wifind’it)


 
L’autre avantage majeur apporté par Wifind’it, c’est d’être arrivé sur le marché avec une balise capable de fonctionner durant une décennie sans nécessiter de recharge. De fait, la technologie LoRa n’envoie que de très faibles masses de données et durant un temps limité, autour de deux secondes. Le reste du temps, le système reste éteint. Tout déplacement de la balise est directement repéré par le détecteur de mouvement, qui va automatiquement couper l’alimentation. Poursuivre un objet en mouvement n’est en effet pas pertinent lorsqu’il s’agit d’intervenir pour le récupérer, il est bien plus aisé d’attendre qu’il redevienne immobile. « L’émission redémarre une fois que l’objet redevient stationnaire, selon un intervalle de temps paramétré par l’opérateur. Dès que la cible s’arrête cinq minutes ou une heure, par exemple, les points de position sont à nouveau transmis à intervalles réguliers ». L’historique de positionnement est ensuite conservé durant toute la durée de vie du système. À noter que la balise en elle-même ne conserve aucune donnée, le tout est envoyé et répertorié en temps réel sur la plateforme créée par Wifind’it.
 
Lorsque le client souhaite retrouver sa balise, et donc l’objet sur lequel elle est accolée, celle-ci passe en mode « émission permanente » afin de maintenir le flux de données nécessaire à la géolocalisation. Ce mode est néanmoins très énergivore et n’est donc activé que sur demande. « Le but, dans ce cas, c’est avant tout de retrouver l’objet ciblé, donc la notion d’autonomie passe au second plan, » souligne Drouault. Wifind’it propose par ailleurs un service « Hunter Recovery » si une récupération s’avère nécessaire. Équipées d’une petite malette de traque de proximité et d’une tablette pour visualiser leur environnement direct, de discrètes équipes de « chasseurs » se rendent aux données fournies par le système pour récupérer l’objet perdu ou volé. L’équivalent existe aussi pour les véhicules, sur lesquels Wifind’it peut venir fixer six antennes pour une détection à 360°. Le suivi est alors réalisé par le passager. Les deux options sont disponibles à la vente, la première faisant partie intégrante du contrat signé avec la police judiciaire.
 
C’est finalement l’une des rares limites de ce type de dispositif. « Si le volet localisation est acquis, la phase de récupération est elle beaucoup plus difficile à réaliser. Nos équipes ne peuvent pas toujours accéder aux espaces privés, le client doit alors avoir recours à des services de police pour qu’ils puissent légalement récupérer le bien localisé par la startup, » note le cofondateur de Wifind’it.
 
Amorcer le virage vers les Armées
 
À l’origine axée vers les acteurs privés, l’entreprise s’est rapidement rapprochée de quelques fournisseurs emblématiques afin d’étoffer son offre pour susciter l’intérêt des acteurs institutionnels. Pour coller au plus près du besoin exprimé par la police judiciaire, Wifind’it s’est ainsi adjoint les services du groupe américain 3M, rendu célèbre au travers des marques Scotch ou Post-it. Ensembles, ils ont créé un élément adhésif à disposer sur la balise afin de pouvoir la fixer sur n’importe quelle surface. « Cet adhésif est tellement puissant que toute tentative de décollement entraînera la destruction de la balise, empêchant sa réutilisation à des fins criminelles, » se félicite Drouault.
 
Outre 3M, la startup vient de signer un partenariat avec CIRRA, distributeur historique de valises de transport durcies. « Nous allons profiter de l’expertise de CIRRA en matière de découpe de mousse pour camoufler nos balises. L’idée sera de concevoir un emplacement dédié pour permettre aux clients de CIRRA de disposer de valises de transport ‘connectées’, » annonce Drouault. « Nous sommes également en contact avec l’entreprise Verney-Carron pour soit directement installer la balise dans leurs armes, soit leur vendre la carte électronique et la pile pour qu’ils puissent l’intégrer par eux-même ». De plus, des discussions sont en cours avec un armurier français pour une éventuelle intégration sur certaines références de son portfolio. Fort des premiers retours positifs, Wifind’it projette d’aller pitcher son système devant les militaires français et les grands acteurs de la BITD lors de la prochaine édition du Soflab, au printemps 2020.
 
De la gestion des entrepôts de l’armée de Terre au suivi et à la localisation de cibles, les perspectives d’usage dans un environnement militaire sont nombreuses. Le déploiement de ce type de balise sur un théâtre d’opération extérieure n’est néanmoins pas pour demain. Sa dépendance aux réseaux Wifi et LoRa, très peu développés dans les étendues désertiques du Sahel, implique que « nous sommes pour l’instant davantage dans une optique de marché régional, centré sur les partenariats déjà établis par Bouygues Télécom dans l’environnement direct de la France, » temporise Drouault.