À Limoges, Arquus a déjà pris le virage de la spécialisation

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Voici plus d’un an qu’Arquus s’est lancé dans un vaste plan de réorganisation de son outil industriel. À mi-parcours de ce processus de spécialisation, focus sur le site de Limoges (Haute-Vienne), qui deviendra l’unique centre de production des véhicules neufs du groupe français.

À chaque site sa spécialité

Construit en 1939 pour rénover des moteurs d’avion, occupé par les Allemands et bombardé par les Anglais, repris par Saviem,… le site de Limoges est finalement absorbé par le groupe Volvo en 2001. « Le site s’est sans cesse transformé. Demain il se transformera encore », résume Étienne Sraka, directeur de l’implantation de Limoges.

De fait, Arquus poursuit depuis l’an dernier une politique ambitieuse de spécialisation de ses quatre implantations industrielles. « Jusqu’à maintenant, tout le monde faisait un peu de tout et avait tendance à diluer un peu les compétences », ajoute le maître des lieux. Désormais, chaque site va se recentrer sur une à deux missions pour parfaitement coller à la notion de centre d’excellence.

À Saint-Nazaire la maintenance opérationnelle terrestre. Garchizy se concentrera sur le stockage et la distribution des pièces de rechange, ainsi que sur la fabrication de cabines blindées. Marolles-en-Hurepoix concentrera la production des composants mécaniques, dont les tourelleaux téléopérés Hornet.

Limoges, enfin, deviendra à l’horizon 2023 l’unique centre de production des véhicules neufs. « Toutes les commandes qui sont prises pour des véhicules neufs sont, depuis plus de six mois, réalisées ici », explique le directeur industriel du groupe, Michel Lebrun. Plusieurs gammes jusqu’alors fabriquées à Saint-Nazaire ont déjà été transférées. C’est le cas du Bastion et de l’emblématique VLRA, récemment commandé à 300 exemplaires par le Maroc.

La production du mythique VLRA a été rapatriée depuis plusieurs mois de Saint-Nazaire, qui récupérera en échange des activités de soutien des camions GBC 180

8,5 M€ d’investissements à Limoges

Derrière le projet « Arquus Limoges 2023 », un investissement de 8,5 M€ pour que les installations soit correctement dimensionnées pour leur nouvelle mission. Un effort consenti sur fonds propres et qui financera la modernisation et la création d’infrastructures, ainsi que l’évolution des modes de fonctionnement.

La métamorphose est particulièrement perceptible en ce qui concerne la logistique, « colonne vertébrale du groupe ». Exit l’actuelle plateforme logistique, située en dehors du périmètre et n’appartenant pas à Arquus. « Ce site n’est pas très loin mais provoque malgré tout une rupture de flux », reconnaît Étienne Sraka.

« Arquus Limoges 2023 » amènera de la cohérence grâce à un nouveau bâtiment logistique construit à quelques mètres des lignes de production. Cette proximité, de même qu’un nouvel auvent logistique de 1500 m2 et la mise en place de « trains logistiques », contribueront à fluidifier la livraison des pièces et des sous-ensembles sur chaque poste de travail.

Cette plateforme neuve comprendra un showroom dans la clientèle d’Arquus pourra approcher toute la gamme de véhicules neufs. « C’est une volonté depuis plusieurs années que de pouvoir montrer notre outil industriel aux clients et prospects », souligne Étienne Sraka. Le permis de construire sera déposé d’ici la fin du mois pour une livraison attendue en juillet 2022.

Les bureaux, jusqu’à présent situés à côté des lignes de production, déménageront le mois prochain vers un bâtiment flambant neuf. La manœuvre débloquera les espaces nécessaires pour la création d’une ligne supplémentaire. Elle viendra s’ajouter aux deux lignes existants, l’une pour les gammes Sherpa Light, VLRA et Bastion, et l’autre pour les véhicules « lourds » comme le VAB Mk3. Une quatrième zone, plus petite et excentrée, restera entièrement consacrée aux chaînes cinématiques des véhicules Scorpion.

Exit, enfin, l’atelier de réparation des GBC 180, dont l’activité sera rapatriée en novembre prochain à Saint Nazaire. Ce bâtiment positionné à l’entrée du site sera transformé en zone sécurisée. Un espace créé sur demande de la clientèle et destinée, entre autres, à la réalisation du marché VTCFS (VLFS et PLFS), notifié en 2015 par le ministère des Armées. La production démarrera en 2022, dans un premier temps pour le PLFS. 

Cette réarticulation industrielle, Arquus se donne moins de trois ans pour l’achever. « Nous avons bien avancé, même un peu plus vite que prévu en raison des commandes prises », souligne Michel Brun. Restera à transférer le VLFS, dont la production commencera à Marolles-en-Hurepoix avant de rejoindre Limoges.

Cet entrepôt à ciel ouvert laissera place, d’ici à 2022, à une nouvelle plateforme logistique accolée aux lignes de production

Gagner en agilité et en productivité

Grâce à ces investissements, Arquus envisage d’augmenter de 50% ses capacités de production entre 2020 et 2023. L’enjeu d’autant plus important qu’il s’agit pour l’industriel de concentrer la production d’une douzaine de références au même endroit. Sans compter les gammes à venir, comme les camions tactiques Armis. Ces investissements doivent donc aussi soutenir l’agilité et la flexibilité des équipes, les lignes étant appelées à accueillir davantage de programmes aux volumes et rythmes différents.

Ce gain d’agilité, Arquus le met d’ores et déjà à profit avec le contrat marocain, victoire décrochée notamment en raison de cette capacité à produire plusieurs centaines de VLRA en moins de six mois. Résultat : « cette année, nous allons battre un record en terme de quantité de véhicules produits par jour », annonce Étienne Sraka. Les cadences, de deux véhicules en moyenne par jour, ont doublé et passeront prochainement à cinq véhicules quotidiens.

Quand Scorpion implique de fabriquer deux kits de mobilité par semaine, un marché comme celui du Maroc demande de sortir deux à trois véhicules par jour. L’assemblage des VLRA marocains sera bientôt transférée sur une autre ligne « parce que d’autres productions arrivent dans les semaines qui viennent avec des temps de cycle qui sont complètement différents », souligne Michel Lebrun.

Le tout doit se dérouler sans impacter les productions en cours, des VAB SAN pour l’armée de Terre par exemple, et ni empêcher la réalisation de nouveaux contrats. « On a de l’activité importante sur la fin de l’année », annonce Arquus. Des commandes plus réduites mais plus nombreuses et qui nécessiteront un nouveau recalibrage des lignes. Il s’agira de Sherpa, de Bastion, de camions CAESAR pour l’export.

Arquus recrute

Le site de Limoges emploie aujourd’hui 365 personnes, dont 177 salariés. Des pics d’activité comme celui engendré par le client marocain représentent aussi un challenge en matière de recrutement. Pour produire ces VLRA dans le temps imparti, Arquus aura ainsi engagé une centaine d’intérimaires en huit semaines. Ainsi, d’un contrat à l’autre, « les effectifs peuvent doubler en l’espace de quelques mois »,  explique Michel Brun.

Le défi du recrutement est de taille pour Arquus. Chaque hausse d’activité implique de pouvoir engager rapidement dans un bassin d’emploi limougeaud qui, parfois, atteint ses limites. « En ce moment c’est compliqué. C’est la première fois que l’on voit cela », soulève Étienne Sraka.

Cette situation est néanmoins appelée à évoluer. L’activité étant dans l’ensemble mieux « lissée », celle-ci permet de remonter les « points bas » dans tous les sites. Suite à la spécialisation, « l’activité minimale de chaque site va en effet augmenter », estime Michel Brun.

Arquus projette dès lors de renforcer sa masse salariale, contribuant à stabiliser ses effectifs et à diminuer sa dépendance vis-à-vis du marché de l’intérim. À Limoges, cela se traduit déjà par l’engagement de 15 à 20 employés supplémentaires par an, tant opérateurs qu’ingénieurs.

Derrière les questions d’agilité et de production, Arquus évolue aussi au profit de la formation, de la professionnalisation et de la culture industrielle. « L’idée générale, c’est d’avoir plus de stabilité et de gagner en expertise, car la spécialisation permettra aussi de monter en compétence sur les métiers », conclut le directeur industriel d’Arquus.