À Bourges, l’impression 3D de défense se fédère autour de Nexter et MBDA

Crédits : EDA

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La fabrication additive, beaucoup en parlent au sein de la BITD française mais, faute de visibilité et d’investissement, très peu l’ont véritablement intégrée dans leur outil industriel. Voici plus de trois ans que Nexter planche sérieusement sur la question avec, dans le viseur, la construction d’une filière souveraine. En collaboration avec MBDA et le Centre technique des industries mécaniques (CETIM), le groupe français lancera le 1er janvier le « Printing de Bourges », première plateforme collaborative orientée vers des applications défense et aéronautique.

Appuyée financièrement par France Relance et le Service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE) de la Direction générale de l’armement (DGA), cette plateforme vise à « pouvoir disposer de moyens nous permettant en toute autonomie de maîtriser la fabrication additive et de produire nos pièces », expliquait Nexter lors d’un récent Creative Day. Sa vocation initiale n’est pas de produire à grande échelle, mais plutôt de faire monter en compétences l’ensemble de la chaîne de valeur et d’accélérer la transition vers un tissu industriel mature en réunissant PME, acteurs académiques et institutionnels, et donneurs d’ordre dans un espace commun.

« Aujourd’hui, une bonne cinquantaine de PME ont répondu favorablement à l’appel », se félicite Nexter. Elles ont tenu une première plénière fin novembre à la Chambre de commerce et d’industrie du Cher. Les formations débuteront dès le mois prochain sur un plateau technique de 2000 m2 installé sur le site berruyer de MBDA, de quoi accueillir une trentaine d’opérateurs et d’experts. À leur disposition, des imprimantes 3D de fabrication française, un « Service Centre », un accompagnement personnalisé et la possibilité de réaliser des projets collaboratifs ou individuels. La plateforme disposera lors de son lancement de quatre imprimantes. Un embryon que les acteurs souhaitent rapidement porter à 10 machines.

MBDA et de Nexter auront aussi pour mission de leur soumettre des pièces – prototypes ou en petite série – pour leur permettre de se faire la main. L’expertise acquise, à eux d’en tirer le meilleur parti pour participer à l’effort global via l’achat d’imprimantes ou en continuant à utiliser celles du CETIM. Et aux grands donneurs d’ordre de partager leurs besoins futurs.

Une fois en vitesse de croisière, le Printing de Bourges devrait s’avérer différenciant à plusieurs égards, au bénéfice tant des forces armées que des industriels. Pour Nexter, par exemple, le dispositif étendra les capacités de production de certaines pièces de première monte en dédoublement la source d’approvisionnement. La production en hausse, c’est une meilleure capacité de soutien au profit des armées.

Certains acteurs se désengagent du secteur défense, voire disparaissent. En misant sur la rétroconception ou la récupération de plans et de moules, l’impression 3D participera au maintien de fournitures à risque tout en réduisant les coûts. L’initiative aboutirait par ailleurs à accélérer le traitement des obsolescences en favorisant la production de pièces au plus près de l’utilisateur final, voire permettre à celui-ci de les fabriquer lui-même. Quand il faut un à trois mois pour que la pièce atteigne le véhicule par la filière classique, l’impression 3D autoriserait à produire « quasiment sur place » en se contentant d’envoyer le plan à celui qui en fait la demande.

Qui dit souveraineté dit aussi sûreté des approvisionnements en matériaux. Dans ce segment en croissance, Printing de Bourges repose sur deux sources de confiance françaises « connues ». Pour faciliter le processus, l’une des idées reviendrait à miser sur un matériau unique. « Nous pourrions demander à nos fournisseurs de réfléchir à un matériau polyvalent capable de fournir 99% des pièces ». Mais sans fermer la porte à d’autres matériaux, à l’image d’un alliage métallique alliant robustesse et élasticité encore inexistant à l’heure actuelle. 

Si Nexter se concentre sur le terrestre et MBDA sur l’aérien, rien n’empêche d’élargir le consortium. Celui-ci « est très sollicité par d’autres grands industriels français de défense ». Les discussions étant en cours, leur identité restera pour l’instant sous le sceau du secret. Nexter en est persuadé : « l’idée va foisonner », amenant progressivement d’autres acteurs avec d’autres machines et d’autres particularités.

Le « Printing de Bourges » agira en complémentarité avec les forces armées. L’armée de Terre, via la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), a déjà considérablement avancé sur la question. Elle a multiplié les expérimentations au Tchad et au Mali pour en déterminer les apports et vient de lancer une procédure pour l’acquisition d’une chaîne de fabrication additive métallique ayant vocation à être intégrée dans deux conteneurs. Un projet de plus de 400 000€ dont bénéficiera la 13e base de soutien du matériel (13e BSMAT).

Si l’initiative date d’avant le déclenchement du conflit en Ukraine et les travaux sur la notion d’économie de guerre lancés par le ministère des Armées, ses axes d’effort se sont révélés totalement valables « puisque on nous demande aujourd’hui de créer une filière ». « Nous pouvons tout à fait imaginer que le combat de haute intensité engendre un besoin supplémentaire de pièces », relève Nexter. Son idée vient naturellement s’accoler à la notion d’économie de guerre, de part sa capacité à répondre techniquement et collectivement aux impératifs de volume et de rapidité qu’induit le degré élevé d’attrition d’un engagement majeur.

Conséquence parmi d’autres de ce regain d’intérêt provoqué par le conflit russo-ukrainien : la mise en place le mois dernier d’un nouveau groupe de travail dédié au sein de l’École de guerre. Un groupe de travail répondant partageant des enjeux avec le « Printing de Bourges » et dont le co-pilotage a été confié au S2IE, à la direction technique de la DGA et… à Nexter.  

Crédits image : Agence européenne de défense