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4e BAC : "Nous restons engagés et prêts"

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Du Grand Est aux Antilles, dans les airs comme au sol, les femmes et hommes de la 4e brigade d’aérocombat restent pleinement investis dans les différents volets de l’opération Résilience. Après six semaines d’engagement ininterrompu, l’accalmie de ces derniers jours est désormais propice à l’établissement d’un premier bilan en compagnie du commandant de la brigade, le général Frédéric Gout.

FOB : Quel est le premier bilan des missions réalisées par les unités de la brigade dans le cadre de l’opération Résilience, avec quels moyens humains et matériels ?

Gal Gout : Effectivement, il est encore trop tôt pour établir un bilan définitif car, même si une partie des missions est maintenant en sommeil, d’autres se poursuivent. L’opération Résilience recouvre trois domaines, à savoir les domaines sanitaire, logistique et protection. Nous avons été engagés plutôt sur les deux premiers domaines cités et nous restons engagés et prêts sur les trois volets.

Le volet sanitaire est le premier à nous avoir occupés. Assez rapidement, il a fallu désengorger les hôpitaux de l’Est de la France puis de la région parisienne d’un certain nombre de patients en réanimation. Il a fallu être assez réactif puisque, si nos hélicoptères étaient en mesure de répondre au besoin, la nouveauté était alors de réaliser cette mission en liaison et en coopération avec le SAMU.

Il fallait surtout être capable d’adapter leurs matériels aux soutes de nos hélicoptères, ce qui nous a valu une phase très constructive et innovante afin que les équipements du SAMU puissent être rapidement transférés et, surtout, qu’ils puissent durer dans le temps, notamment du point de vue de l’alimentation électrique disponible dans les soutes. Cette mission aura concerné les NH90 Caïman au départ mais ensuite, nous avons voulu faire en sorte que cette adaptation soit possible aussi dans les Cougar et enfin sur les Puma pour être capables d’utiliser tous nos appareils.

Les opérations sanitaires sont maintenant mises en sommeil après avoir assuré le transfert de 48 patients en réanimation au cours de 24 missions. Ces patients ont été transportés vers l’Allemagne, l’Autriche, le Grand-Duché de Luxembourg et la Suisse. Des transferts ont également été effectués sur le territoire français, vers plusieurs villes de province.

FOB : Certaines opérations continuent, votre posture actuelle permet-elle de réactiver une capacité minimale sous court préavis sur le territoire métropolitain ?

Gal Gout : En réalité, nous avons d’emblée choisi de faire le contraire. C’est à dire que nous avons cherché à identifier la demande, pour y répondre, bien entendu bien en tenant compte dans un deuxième temps des ressources dont nous disposions. À partir de là, l’idée était de pouvoir s’inscrire dans la durée en liaison avec les autorités sanitaires. Au départ, nous avions défini avec elles qu’une capacité de trois hélicoptères disponibles par jour devait pouvoir répondre à la demande, sachant que cette capacité pouvait être augmentée ou diminuée en fonction du besoin. Bien sûr, nous aurions pu déployer un plus grand nombre d’hélicoptères en cas d’urgence absolue, mais l’objectif restait de pouvoir répondre adéquatement au besoin, ce que nous avons fait sans que cela n’ait de conséquences majeures sur le niveau de préparation opérationnelle de la brigade.

Cette mission, j’en conserve la responsabilité au niveau du pilier du COM ALAT. C’est à dire que si elle devait se poursuivre, je serais chargé de mettre en œuvre et de coordonner tous les moyens dont je dispose dans la brigade, mais également ceux du GAMSTAT, du 4e RHFS et de l’École de l’EALAT. Ces dispositions sont évidemment toujours potentiellement d’actualité. Demain, nous pourrions parfaitement reprendre cette mission même si le nombre de réanimations étant aujourd’hui en baisse, il est peu probable que l’on fasse à nouveau appel à ces moyens d’aérocombat dans les semaines qui viennent sur le territoire métropolitain.

Plusieurs appareils de la 4e BAC accompagnent néanmoins les dispositifs déclenchés en Outre-mer. Il s’agit premièrement de deux Puma embarqués sur le PHA Dixmude et qui œuvrent dans la zone des Antilles. Cette opération est bien lancée, les deux Puma ont d’ores et déjà effectué quelques missions. Deux Gazelle sont par ailleurs embarquées sur le PHA Mistral dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc. Celle-ci a été détournée de son sens premier pour rejoindre la zone de La Réunion.

Au sol également, les régiments restent impliqués dans le cadre des volets protection et logistique de l’opération Résilience. Le 3e RHC a ainsi assuré la sécurisation d’un hôpital d’Amiens. Le 1er RHC contribue quant à lui à la distribution de matériel sanitaire dans la région de Phalsbourg. Notre CCTA, la compagnie de commandement et de transmissions d’aérocombat de la brigade, fournit elle aussi des moyens lors de missions localisées ou parfois plus ambitieuses.

À côté de mon rôle de commandant de la brigade, je suis aussi délégué militaire du département du  Puy-de-Dôme (DMD 63). Dans ce cadre précis, je suis étroitement impliqué dans la distribution d’équipements sanitaires aux EHPAD du département ou encore au stockage de matériel de santé du CHU de Clermont-Ferrand. Nous avons en outre une mission importante avec la Chambre de commerce et d’industrie locale sur demande de la préfecture concernant la récupération de 3 millions de masques, qui seront ensuite redistribués par des unités militaires du département à de nombreux acteurs publics et privés pour aider à la reprise d’activités économiques dans le département du Puy-de-Dôme. Cette action s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’opération Résilience, en utilisant les capacités de l’armée de Terre locales, qui peuvent être mises à disposition des territoires, notamment dans le cadre de réquisitions préfectorales.

FOB : Quels sont les enseignements qu’il est déjà possible de tirer en matière de conduite opérationnelle avec l’introduction de nouvelles manières d’opérer et d’acteurs que vous en êtes moins appelés à rencontrer sur le terrain, comme le SAMU et le 2e régiment de Dragons ? Des échanges au sein du pool d’utilisateurs du NH90 ont-ils eu lieu ?

Gal Gout : La première conclusion est la réactivité avec laquelle nous avons su opérer car, heureusement, il y avait un certain nombre d’acteurs avec lesquels nous sommes habitués à opérer. Le premier étant le GAMSTAT, c’est à dire l’unité responsable du volet expérimentations de l’ALAT. Nous avons un acteur dédié à l’expérimentation progressive sur nos appareils, à la fois pour leur mise en service mais aussi pour leur évolution. Ses équipes sont tout de suite entrées dans la boucle opérationnelle. Ensuite, nous avons rapidement intégré un acteur avec lequel nous travaillons plus rarement. Il s’agit du 2e régiment de Dragons, qui détient l’expertise principale de l’armée de Terre en matière de lutte NRBC. Très rapidement, nous avons eu besoin de leur expertise pour déterminer comment agréger la capacité technique du GAMSTAT à l’exigence des opérations de décontamination et de désinfection. Cela s’est fait naturellement car il s’agit en soi de deux opérateurs militaires partageant des procédures et un langage commun.

Cette rapidité d’adaptation aura, je pense, surpris nos interlocuteurs du SAMU. Nous nous sommes en effet rendus compte qu’il était possible de se coordonner très rapidement, d’établir des processus qui n’avaient jamais été mis en œuvre auparavant pour que tout fonctionne de manière optimale. C’est ainsi que, dans une soute de Puma ou de Caïman, on a pu associer du matériel et du personnel du SAMU à du matériel et du personnel de nos armées. Notre personnel de soute, par exemple, était équipé en partie par le SAMU. Tout cela a très bien fonctionné, grâce à des procédures qui sont maintenant mises sur papier au travers d’une première doctrine d’emploi.

En termes de retours d’expérience, nous constatons que les solutions trouvées sont parfaitement opérationnelles et pérennes. Cela signifie que nous pouvons parfaitement nous fonder dessus pour aller plus loin. D’ailleurs, plusieurs pays, dont la Suède, ont demandé à ce que nous leur partagions ces RETEX afin qu’ils puissent à leur tour les utiliser sur leurs propres Caïman. Les Belges sont également revenus vers nous. Nous leur avons donné l’autorisation de venir directement sur le base du 1er RHC de Phalsbourg pour partager cette expérience. La coopération avec nos alliés, y compris dans le cadre de programmes communs, se poursuit naturellement malgré la crise.

FOB : Pensez-vous que ces enseignements peuvent conduire à réévaluer certaines capacités, certains matériels, certaines procédures afin d’être davantage résilient à l’avenir ?

Gal Gout : Oui, d’une certaine manière, car l’utilisation de ces RETEX à des fins d’amélioration est la manière avec laquelle nous fonctionnons depuis toujours. Il y a des enseignements intéressants que l’on a pu retirer de ces missions. Dès que nous serons sortis de la première phase de crise, si l’on peut dire, nous déterminerons une doctrine d’emploi définitive que nous pourrons mettre en œuvre dès que l’on en aura besoin. 

Quant au matériel, celui-ci ne peut se développer qu’en relation avec la loi de programmation militaire. Celle-ci prévoit de faire évoluer le parc d’hélicoptères de manœuvre dont nous disposons puisqu’en réalité, les NH90 Caïman sont encore en cours de livraison. Très concrètement, le nombre d’appareils que nous avons en service nous permet déjà de répondre à une demande très importante et l’avenir est déjà en préparation avec l’arrivée prochaine de l’hélicoptère Guépard.

Un NH90 Caïman du 1er RHC effectue une rotation sanitaire depuis Besançon vers Clermont-Ferrand (Crédit : ministère des Armées/EMA)

Un NH90 Caïman du 1er RHC effectue une rotation sanitaire depuis Besançon vers Clermont-Ferrand (Crédit : ministère des Armées/EMA)

FOB : L’opération Résilience rajoute une couche supplémentaire de missions sur celles déjà réalisées par la brigade, quelles sont les conséquences en termes de préparation opérationnelle des unités, de disponibilité des machines et de relève des unités en OPEX ?

Gal Gout : Il y a des conséquences, bien entendu. La première étant que nous devons, comme tout le reste des forces armées, assurer le fait de rester opérationnels dans le temps. Suite à cette crise, il ne nous était plus possible de travailler comme nous l’avons toujours fait. Nous avons donc mis en place une nouvelle méthode de travail en plusieurs bordées, l’une poursuivant sa phase de préparation opérationnelle pendant que l’autre reste en confinement. Tous les 14 jours, nous alternons avec des bordées différentes pour maintenir le rythme et réduire le plus possible le risque de contamination. Ces bordées sont donc totalement étanches, et pour lesquelles il est impossible de se croiser. En cas de contamination d’une partie du personnel de la bordée « active », je suis dès lors capable d’assurer la continuité de la préparation opérationnelle avec la bordée en confinement.

Nous avons aussi un certain nombre de personnels qui sont en préparation opérationnelle spécifique car ils doivent être engagés en opération dans les semaines ou les mois qui viennent. Une relève partielle des équipages présents au Sahel doit intervenir très prochainement et régulièrement dans l’année. Il a donc fallu compiler avec des équipages composés de personnels concernés par ces prochaines rotations, et dont il faut s’assurer du plein accomplissement de la préparation avant leur projection. Le tout, sans oublier les équipages requérant des heures de vol pour pouvoir être engagés plus tard. Cette organisation en bordées, y compris sur la structure de commandement, fonctionne parfaitement. Et comme nous avons eu un ralentissement de certaines charges ce qui est lié à la crise, les équipes qui viennent pour une période de 14 jours travaillent généralement plus longtemps et sont moins perturbées dans leur travail quotidien.

L’engagement opérationnel se poursuit, en dépit de relèves qui n’ont pu être forcément effectuées aux dates prévues. Avant d’être engagés, les détachements sont placés en confinement durant 14 jours pour être certain qu’ils ne soient pas porteurs du virus. Bien sûr, si ce volet opérationnel est resté au cœur de nos préoccupations, ce contexte particulier nous empêche aussi de réaliser certaines tâches. Cette crise a, entre autres, pour conséquence que nous ne sommes plus en mesure pour le moment de réaliser des missions de préparation avec les autres unités de l’armée de Terre. Elles sont pourtant essentielles pour ces unités, mais également pour nous. L’aérocombat ne se conçoit que dans ce cadre de préparation opérationnelle commune. Dès lors, la préparation opérationnelle ne s’effectue plus que dans nos zones, ce qui nécessite souvent moins d’appareils à fort potentiel et occasionne un gain sensible en termes d’utilisation des machines. Quand un appareil n’a plus qu’un potentiel de deux heures de vol, par exemple, je peux toujours l’utiliser pour ma propre préparation opérationnelle spécifique (technique et tactique), tout entraînement à l’autre bout de la France étant alors impossible avec un faible potentiel.

Tout le cycle des contrôles, des visites et des inspections est lui aussi perturbé. Certains matériels demandent un contrôle à intervalle régulier, ce qui va occasionner du retard dans le calendrier de soutien et nous oblige à nous adapter et à être innovant dans notre organisation pour pouvoir continuer à voler. Cela a cependant pour conséquence « positive » de dégager beaucoup de temps pour l’accomplissement d’autres tâches. Certaines démarches administratives sont par ailleurs simplifiées pour l’instant, ce qui permet aux équipes travaillant sur un appareil de ne pas être bloquées et de pouvoir conserver cet appareil plus longtemps. D’autres grosses opérations de maintenance ont été reportées à plus tard, nous obligeant à être vigilant sur la disponibilité de nos appareils à moyen terme.

FOB : Cette crise sanitaire se répercute-t-elle sur l’édition 2020 de l’exercice Baccarat ? Et notamment sur son volet interallié ?

Gal Gout : À l’heure actuelle, je suis dans l’impossibilité de vous confirmer que l’exercice Baccarat aura lieu. Pour autant, nous sommes toujours impliqués dans une phase de montée en puissance en vue d’une réalisation vers la fin septembre, début du mois d’octobre. C’est toujours prévu, c’est toujours planifié et nous sommes parfaitement dans les temps pour le travail de préparation, qui est en réalité l’élément le plus complexe pour un exercice comme celui-là.

Nous avions heureusement pris pas mal d’avance à ce sujet et, aujourd’hui, il nous reste surtout un certain nombre de reconnaissances à réaliser sur le terrain et d’accords à obtenir. Tout ce travail en partie administratif n’est pas terminé. Quoi qu’il en soit, je pars du principe que si nous sommes déconfinés et en mesure d’effectuer les tâches de reconnaissance avant fin juin, je serai capable en tant que commandant de la brigade de mener à bien cet exercice selon le calendrier imparti, si j’y suis autorisé bien entendu.

Pour le moment, tous nos partenaires étrangers restent engagés. Quand je parle de partenaires, cela concerne avant tout la 27e brigade d’infanterie de montagne (27e BIM), parce que cette édition aura lieu dans les Alpes avec des moyens importants de cette brigade engagée à nos côtés. Et puis, bien entendu, aux troupes de montagne viennent s’ajouter nos partenaires de longue date que sont les Espagnols et les Britanniques.

Ceux-ci restent engagés à nos côtés et n’ont, du moins pour le moment, pas mentionné l’éventualité de se retirer de cet exercice. La préparation va donc se poursuivre, malgré quelques inconnues. L’une d’entre elles étant de savoir si j’aurai l’autorisation de rassembler jusqu’à 2000 hommes, 60 hélicoptères et 80 blindés dans un même exercice au mois de septembre. Mon intention reste d’aller le plus loin possible dans cette phase de préparation pour être capable, si les conditions sanitaires le permettent, de le conduire de manière nominale.

FOB : En cas de maintien, quels seront les scénarios et lenvironnement privilégiés pour cette 4e édition ?

Gal Gout : Les trois premières éditions de cet exercice se sont déroulées entre « Marne et Vosges ». Après la 3ème édition, nous en avons conclu que la brigade était dorénavant opérationnelle et capable de conduire cet éventail de missions dans un autre environnement. Dorénavant, pour progresser, il a été décidé de changer de milieu opérationnel et de basculer vers un environnement tactique plus ambitieux, plus contraint. L’ambition est double : maintenir la haute intensité mais dans un environnement qui soit désormais plus « technique ».

L’idée sous-jacente à Baccarat, c’était avant tout de pouvoir conduire un exercice avec 60 hélicoptères, ce que nous n’avions plus l’habitude de faire au sein de la brigade. Maintenant que nous sommes en mesure de le faire dans des conditions « classiques » et en toute sécurité et maitrise, il convient d’intensifier le niveau de difficulté.  Il s’agit cette fois-ci d’évoluer dans un milieu montagneux très complexe, d’où une attention toute particulière qui sera accordée à la sécurité aéronautique. Nous avons à présent identifié les vallées principales au cœur d’un polygone qui se situera aux environs de Grenoble. Dès l’année suivante, nous réfléchissons déjà à exécuter ce type d’exercice en milieu amphibie. La préparation de cette édition 2021 est elle aussi bien lancée. Cela pourrait vraisemblablement se dérouler dans le sud-est de la France. L’idée cette fois consisterait aussi à subordonner la brigade à une division, ce qui ajouterait un niveau d’animation et de coordination supplémentaire, très bénéfique au travail de l’état-major de la brigade.

Hormis les Espagnols et les Britanniques, les Américains ont régulièrement marqué leur intérêt pour une participation active au sein de Baccarat. Malheureusement, nous ne sommes actuellement pas capables d’intégrer d’autres partenaires en 2020, à l’exception d’une présence dans l’état-major en tant qu’observateurs. Il nous serait en effet impossible d’ajouter d’autres hélicoptères sans dépasser le niveau de la brigade interarmes, qui est celui de Baccarat 2020. En revanche, les Américains nous ont déjà fait part de leur intérêt pour l’exercice amphibie de 2021. Nous pourrions alors imaginer la coordination par le niveau de la division d’une manœuvre qu’ils seraient en train de réaliser au même moment. Le stade actuel reste celui de la discussion et il nous reste encore du temps pour envisager cette hypothèse avec la division et les forces terrestres et pour nous rapprocher de nos partenaires américains.

Image : Le général Frédéric Gout, commandant de la 4e brigade d’aérocombat (Crédit : 4e BAC)

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