Huit roues, 32 tonnes, un blindage modulaire et un système d’arme complet : Nexter dévoile sa version du héros grec moderne à l’occasion du salon DEFEA, organisé cette semaine à Athènes. Une solution baptisée « VBCI Philoctète » et conçue pour répondre aux exigences futures de l’armée grecque en matières de mobilité, de protection, de modularité et de puissance de feu.
Après l’armée de l’air et ses Rafale et la marine et ses futures frégates, le renouveau capacitaire de la Défense grecque profitera-t-il bientôt aux forces terrestres ? Un scénario crédible à moyen terme, et sur lequel Nexter commence à miser. « Nous savons que l’armée grecque est entrée dans une phase de renouvellement de ses matériels terrestres », pointe Guillaume Pengam, Directeur marketing des véhicules de Nexter Systems.
Entre autres sujets évoqués, le remplacement du parc de véhicules de combat d’infanterie, essentiellement composé de M113, de Leonidas II et de BMP-1 d’origine soviétique. Des matériels vieillissants, largement obsolètes, complexes à entretenir et aucunement aptes à conduire un combat de haute intensité.
Ici, ni appel d’offres, ni même d’intention officielle, mais du flair et quelques signaux prometteurs parvenus jusqu’à Nexter par l’entremise de son réseau local. « Ressentant ce besoin, nous sommes venus proposer notre solution, le VBCI Philoctète, comme nouveau véhicule de combat d’infanterie de l’armée grecque », précise Guillaume Pengam. La cible n’est pas encore connue, mais comprendrait à première vue l’achat de 250 à 300 véhicules de combat d’infanterie.
En l’attente d’un projet d’acquisition, l’enjeu pour Nexter est d’être dès aujourd’hui force de proposition, d’aider le client potentiel à caractériser son besoin et de placer la meilleure offre dans les starting-blocks. Il s’agit aussi de s’intéresser aux problématiques industrielles locales, sujet incontournable dans toute négociation à venir avec la Défense grecque.
« Il faut dès maintenant se pencher sur la façon dont nous pouvons partager la technologie, la production, l’intégration de certains équipements avec des acteurs locaux. (…) Nous discuterons avec toute société grecque qui aura envie de nous accompagner dans cette aventure, de manière à fonder quelque chose qui ne soit pas un véhicule français vendu à la Grèce, mais un véhicule greco-français conçu en partenariat avec nos partenaires grecs ».
La formule se veut durable et si elle se concentre dans l’immédiat sur le VBCI, l’objectif sera bien de l’élargir à d’autres sujets. Hormis le moyen calibre, les munitions et la robotique, il pourrait un jour être question côté grec d’évoluer, au moins partiellement, vers une solution de type Scorpion.
On ne présente plus le VBCI, ce véhicule blindé 8×8 que l’armée de Terre éprouvé depuis 2008 au combat en Afghanistan, au Liban, en République centrafricaine et au Mali. Avec une autonomie de 750 km, une capacité d’emport d’un groupe de combat et une masse en ordre de combat de 31 tonnes, le VBCI répond bien à l’enjeu d’une défense territoriale face à un ennemi puissamment armé et contre lequel il faut être capable de se projeter rapidement.
Le choix du nom n’est pas anodin. Fidèle compagnon d’Héraclès, Philoctète est à l’origine des flèches qui ont garanti la victoire grecque sur la ville de Troie. Il exprime donc parfaitement l’un des atouts principaux du VBCI : la puissance de feu apportée par la tourelle téléopérée 40 CTA.
L’offre de Nexter reprend désormais la logique du kit, avec une base commune configurée « à la carte » pour répondre aux besoins spécifiques du client. Derrière la livrée grecque appliquée pour DEFEA, l’une des options avancées relève de la mobilité. Nexter propose de compléter les deux trains directeurs situés à l’avant avec un troisième placé à l’arrière.
Pourquoi ? « Tout simplement pour des questions de manoeuvrabilité, parce que nous sommes ici sur un terrain très compartimenté, avec de la zone urbaine mais aussi et surtout des zones montagneuses », explique Guillaume Pengam. Cette configuration apportera un surplus de maniabilité qui permettra au véhicule de mieux accompagner l’infanterie dans un environnement peu propice aux véhicules lourds et volumineux.
Autre élément différenciant : la tourelle téléopérée 40 CTA, dérivée de celle intégrée sur l’EBRC Jaguar. Son canon de 40 mm, ses deux lanceurs de missiles antichars MMP et son tourelleau téléopéré Kongsberg confèrent à l’utilisateur « la capacité de traiter l’ensemble des menaces auxquelles vous êtes confrontés sur un champ de bataille, depuis l’infanterie au char de combat, en passant par l’hélicoptère et le drone ».
La tourelle 40 CTA est également une solution appropriée pour faire face à un ennemi identifié dont la flotte de drones ne cesse de grandir. Elle s’accompagne en effet de deux versions de sa munition télescopée conçues pour adresser cette menace : la « Ground Purpose Round Airburst » (GPR-AB) et l’ « Anti Aerial Airburst » (A3B). La première est pleinement qualifiée, la seconde, au concept et à l’effet terminal différents, est en cours de développement.
Nexter a déjà établi le contact avec l’armée grecque sur le sujet. Après les allées feutrées de DEFEA, le VBCI Philoctète est attendu la semaine prochaine au Centre d’entraînement des blindés de l’armée de l’armée grecque, à Avlonas, pour une démonstration statique en compagnie de son environnement immédiat et de ses munitions. En espérant susciter suffisamment d’intérêt de la part de l’armée grecque pour que celle-ci se décide ensuite à organiser une démonstration dynamique, dans l’idéal l’an prochain.
Et les munitions ? Client historique, la Grèce s’est tournée vers Nexter Munitions pour les munitions de 30 mm de sa flotte de Mirage 2000. Une relation qui se poursuivra grâce à l’achat des Rafale, et pourrait rapidement s’étendre au domaine terrestre. La Grèce possède le plus vaste parc blindé d’Europe, avec près de 4000 plateformes de tous types. Or, depuis plus de 10 ans, les stocks de munitions du parc se vident sans être renouvelés. Une tendance que la Défense grecque souhaite maintenant inverser, poussée par les tensions régionales. Il faudra néanmoins s’imposer dans un marché historiquement partagé entre munitionnaires allemands, américains et israéliens. Aujourd’hui, pratiquement toutes les munitions de la gamme Nexter sont compatibles avec les systèmes grecs. Le groupe français entend dès lors surfer sur une offre solide et sur l’excellente relation franco-grecque pour récupérer des parts de marché, conformément à sa stratégie de croissance en Europe. Des appels d’offres devraient tomber dans les 12 à 24 mois. Certaines portes sont déjà entrouvertes, ne reste qu’à s’y engouffrer.