Nexter (ou KNDS France) a entamé les grands travaux de conception d’une tourelle T40 téléopérée répondant aux besoins pressentis auprès de plusieurs prospects étrangers, apprenait-on cette semaine au salon de défense londonien DSEI.
Exit maquettes et autres visuels 3D, la tourelle T40 « zéro homme » sera une solution prête à entrer en production d’ici quelques années. Engagé le 1er janvier sur fonds propres, l’effort est l’un des cinq projets phares identifiés par le groupe franco-allemand KNDS pour étoffer sa gamme. Un démonstrateur est attendu à mi-parcours.
Cette nouvelle référence, Nexter planche dessus depuis un moment. Dès le début des années 2000 et le plan d’études amont (PEA) TOUTATIS, effort exploratoire conduit en partie en vue du Jaguar et suivi d’actions de dérisquage à partir de la tourelle T40M. Une décennie plus tard, toutes les planètes sont alignées pour progresser d’un cran, estime l’industriel.
Non seulement le sujet est porté par au moins deux débouchés potentiels à l’export, mais les feuilles de route des différentes briques envisagées tendent à se rejoindre pour permettre l’émergence d’une solution « très complète répondant à un CONOPS [concept des opérations] de haut niveau ». De même, le programme SCORPION étant sur trajectoire, certaines ressources mobilisées pour le Jaguar pouvaient désormais être réallouées ailleurs.
Après neuf mois de travail, les grands choix d’architecture sont désormais arrêtés, de même que certains potentiels de croissance. Exemple avec le nombre de munitions prêtes au tir, fixé à 60 tout en conservant la capacité de monter à 70 munitions sans modification. Au coeur de la réflexion, des technologies matures et en service mais encore appelées à évoluer. Ce sont le canon téléscopé de 40 mm conçu avec le britannique BAE Systems au travers de CTAI, par exemple, le missile antichar Akeron MP de MBDA ou encore les systèmes de visée de Safran.
Si sa configuration s’inspire globalement de celle du Jaguar, la T40 « zéro homme » sera capable de se rapprocher « demain » de celle du système d’artillerie antiaérien RapidFIRE. L’émergence et la prolifération de menaces « venues d’en haut » justifiait notamment l’évolution du site du canon, celui-ci pouvant à terme monter jusqu’à +60°. Cette tourelle profitera, enfin, d’avancées majeures réalisées sur les interfaces homme-machine (IHM).
Si le produit relève de la moitié française de KNDS, les savoir-faire propres au partenaire allemand sont susceptibles d’être mobilisés. C’est le cas de l’intelligence artificielle, segment dans lequel KMW (KNDS Deutschland) est particulièrement avancé. « Nous en sommes aux prémices d’une réflexion pour déterminer comment prendre en compte cette question de l’IA », indique Nexter.
Le défi n’est pas mince mais permettra d’aller capter des parts de marché dans un paysage où la maturité des systèmes téléopérés reste très variable et d’être au rendez-vous de clients dont le besoin se cristalliserait dans « deux à cinq ans ». « Sortir trop tôt, c’est le risque de manquer des fonctions essentielles. Sortir trop tard, c’est le risque de rater son marché », souligne l’industriel français.
Le développement de cette T40 ne s’arrête pas aux seuls enjeux d’exportabilité déjà identifiés. Il s’agira aussi d’anticiper l’avenir. Nexter travaille ainsi sur des évolutions de l’armement principal pour disposer d’une plus grande impulsion au départ de la munition et, in fine, muscler la portée. Compatible du missile antichar Akeron MP dans un premier temps, cette T40 « le sera aussi forcément de l’Akeron LP, voire d’autres missiles », ajoute l’entreprise.
Nexter ne s’interdit par ailleurs pas de coopérer avec des partenaires étrangers sur d’autres versions, dont celle d’une tourelle simplifiée répondant à des CONOPS de base pour exploiter le potentiel du canon 40CT sans nécessairement y adjoindre toutes les options. De quoi revenir sur quelques chose de plus compact, de plus proche des tourelleaux téléopérés de moyen calibre que l’entreprise intègre sur de petits véhicules et des plateformes robotisées.
En progressant sur cette T40, KNDS pose, enfin, les bases d’une réflexion qui pourrait bénéficier au char de combat de demain. Après tout, le programme franco-allemand MGCS tel qu’imaginé aujourd’hui n’est-il pas un système de systèmes mettant notamment en oeuvre un véhicule robotisé doté d’un armement moyen calibre et de missiles antichars longue portée ?