L’Ukraine a besoin d’une défense anti-aérienne renforcée et elle en a besoin maintenant. Le pays multiplie depuis quelques jours les appels du pied envers ses alliés, notamment vers la France et l’Italie pour l’envoi de systèmes moyenne portée SAMP/T supplémentaires.
« Le message est simple : le monde ne peut pas se contenter de voir des Ukrainiens se faire tuer par des missiles et des drones russes. L’Ukraine a un besoin urgent de systèmes de défense aérienne supplémentaires PATRIOT et SAMP/T pour se protéger du terrorisme russe », martelait ce jeudi le ministre des Affaires étrangères ukrainiens, Dmytro Kuleba, en amont d’une réunion du G7.
« Le Groupe des sept est constitué de pays qui ont la capacité de fournir sans délai davantage de systèmes de défense aérienne à l’Ukraine, et nous faisons tout notre possible pour que les décisions soient prises le plus rapidement possible », complétait le ministre lors d’un entretien avec la chaîne télévisée italienne TG1.
Visiblement excédé par l’ampleur de l’aide occidentale apportée à Israël lors de la récente attaque iranienne, le président Ukrainien Volodymir Zelensky renchérissait simultanément au cours d’un sommet extraordinaire du Conseil européen. Les vagues de missiles et de drones russes « ne peuvent être arrêtées que par la défense aérienne – par des systèmes spécifiques tels que les PATRIOT, IRIS-T, SAMP-T, NASAMS… Des systèmes dont vous disposez. L’Ukraine en a besoin à l’heure actuelle », rappelait-il.
Pour l’instant, seule l’Allemagne a réagi concrètement avec l’annonce de l’envoi d’un troisième système PATRIOT et de munitions. D’autres répondent timidement ou indirectement. Les Pays-Bas, par exemple, mentionnaient ce lundi l’achat de missiles AMRAAM compatibles avec le système norvégien NASAMS, lui aussi en service en dans les forces ukrainiennes. Les États-Unis, dont le paquet d’aide de 60 Md$ sera soumis demain au vote de la Chambre des représentants, planche sur le soutien des systèmes moyenne portée HAWK III donnés à l’Ukraine, une procédure conduite en urgence via le mécanisme de Foreign Military Sales. La France, pourtant copilote avec l’Allemagne d’une « coalition défense aérienne » (CapCo IAMD), n’a pour l’instant rien officialisé concernant la cession d’autres systèmes.
L’aide française en la matière repose toujours sur des systèmes Crotale NG et MISTRAL ainsi que sur l’unique SAMP/T cédé en collaboration avec l’Italie et opérationnel depuis l’été 2023. Paris peut-il faire davantage ? L’équation, nullement exclusive à la France, s’avère toujours plus complexe à résoudre. Des huit unités en service, l’une est déployée en permanence en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle. Deux autres devraient être mobilisés durant l’été pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
La cession d’un système supplémentaire pourrait donc venir déforcer un parc identifié comme insuffisant au vu du contexte et que la France a choisi de renforcer de 50% seulement après 2030. Et une capacité dont la rénovation vers le standard NG sera notifiée cette année, conduisant à l’immobilisation temporaire de certains éléments.
Reste la fourniture de munitions. Fin mars, le ministère des Armées disait s’apprêter à débloquer « un nouveau lot de missiles Aster 30 pour le dispositif SAMP/T donné à Kiev » dans un entretien accordé à La Tribune. Les cadences de production augmentent progressivement dans ce segment grâce aux efforts entrepris par MBDA, dont le site de Bourges sera visité lundi prochain par le ministre des Armées. Essentielle, la dynamique se heurte cependant aux tensions persistantes en mer Rouge, où la protection des navires face aux frappes des Houthis mobilise une partie des stocks d’Aster français.
Plusieurs signaux vont néanmoins dans le bon sens. Le canal franco-italien est régulièrement activé. Fin mars, les deux ministres avaient convenu « qu’il était temps de maximiser les efforts pour soutenir le peuple ukrainien, afin que les conditions puissent être créées pour une solution négociée apportant une paix juste », déclarait la partie italienne à l’issue d’un échange téléphonique.
Une dynamique similaire est à l’oeuvre entre ministres des Affaires étrangères français et ukrainien. Le 11 avril, Dmytro Kuleba, exhortait Paris à « intensifier ses efforts pour doter l’Ukraine de nouveaux systèmes capables d’intercepter les missiles balistiques. Kiev et Paris savent où se trouvent ces systèmes. Certaines décisions peuvent être prises rapidement. D’autres nécessitent du temps, mais les travaux doivent commencer immédiatement. Une action urgente est requise ».
Hier, une nouvelle rencontre avec son homologue français, Stéphane Séjourné, permettait cette fois d’identifier « des mesures communes pour accélérer les décisions concernant la fourniture à l’Ukraine de systèmes de défense aérienne et de missiles supplémentaires ». Une lueur d’espoir à la veille d’un nouveau conseil virtuel OTAN-Ukraine, fenêtre idéale pour quelques annonces ?
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