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Nano-diamants vs laser : la solution de l’ISL contre l’éblouissement du combattant

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Protéger le combattant d’un éblouissement au laser, voilà l’une des nombreuses missions confiées à l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL). Après deux décennies de recherches, le laboratoire vient de dévoiler un filtre de protection passif permettant d’arrêter instantanément 99,9% de l’intensité de radiations laser.

Nano-diamants vs laser

Parmi toutes les innovations présentées fin juin en Gironde au salon SOFINS, celle-ci était probablement la plus modeste. Du moins, en apparence. Derrière ce filtre d’atténuation, exposé sous la forme d’un cercle transparent de la taille d’une pièce de 1€, se cache pourtant une avancée majeure en matière de protection du combattant.

L’enjeu ? Protéger les yeux du combattant face à l’emploi croissant des lasers sur le terrain, notamment pour désigner une cible ou pour aveugler des capteurs d’imagerie. Et dans des environnements opérationnels toujours plus complexes, l’éblouissement par un laser ami n’est pas exclu.

Le principe retenu ? Surfer sur les propriétés de l’optique non linéaire pour concevoir un filtre laissant passer la lumière jusqu’à un seuil d’énergie considéré comme gênant. Une fois ce seuil dépassé, l’atténuation se déclenche instantanément et « élimine » la quasi-totalité de l’effet de saturation. L’image redevient nette, donc exploitable sans risque pour le combattant.

Ce filtre fonctionne aujourd’hui dans une fourchette de longueurs d’onde allant de 500 nm (laser vert) à 1,6 µm (proche infrarouge). Derrière ce phénomène, la combinaison de nano-diamants synthétisés en interne et d’un polymère hôte, matrice conçue pour les structurer. Le développement étant toujours en cours, l’ISL ne détaillera par davantage ses secrets de fabrication.

Derrière cette innovation, la nécessité de trouver la bonne famille de nanomatériaux mais aussi un équilibre entre la dimension et la densité des différentes matières. Un calcul complexe sur lequel se penche un chercheur à temps plein depuis plusieurs années. Sa fabrication s’avère a contrario relativement rapide. L’exemple présenté durant SOFINS nécessite plusieurs heures pour être produite en comptant le polissage.

Le démonstrateur de filtre d’atténuation présenté par l’ISL au salon SOFINS. En arrière-plan, un exemple de débouché.

Limites et recherche d’un partenaire

La principale limite ? L’auto-activation du processus d’atténuation ne se déclenche qu’au-delà d’un seuil d’énergie « haut », non détaillé. Son usage n’est dès lors possible qu’avec un dispositif optique capable de concentrer l’énergie en amont, un principe similaire à celui des rayons du soleil passant au travers d’une loupe.

Ce filtre est donc pour l’instant réservé aux systèmes électro-optiques. Des jumelles infrarouges multifonctions ou des boules optroniques, par exemple. Ce débouché n’est pour autant pas dénué d’intérêt. Son intégration sur ces capteurs faciliterait la prise d’images exploitables en réduisant considérablement les effets de saturation. Le tout, sans intervenir sur la chaîne optique de l’appareil, autrement dit sans modification de l’image ni diminution de la qualité à l’arrivée.

En revanche, l’ensemble optique de l’œil humain, le duo cornée-cristallin principalement, ne concentre pas suffisamment l’énergie. En l’état actuel, ce filtre ne peut pas être décliné sur des lunettes de vue, un pare-brise ou un cockpit. Il faudrait pour cela explorer à nouveau le monde des nanomatériaux, construire une nouvelle matrice et réécrire l’équation pour abaisser le seuil nécessaire au déclenchement.

Trouver la combinaison adéquate n’est pas inatteignable – l’ISL est spécialisée dans les « moutons à cinq pattes » – mais demandera du temps. À titre d’illustration, il aura fallu près de vingt ans à ses chercheurs pour parvenir au résultat exposé durant SOFINS. La Direction générale de l’armement s’y était quant à elle attelée durant les années 1990. Sans grand succès, la motivant à rediriger le sujet vers l’ISL en 2002.

Bien que balbutiante, cette technologie reste très prometteuse et mériterait de dépasser le stade actuel de maturité technologique, à mi-chemin entre les TRL 3 et 4. Les ressources techniques et financières de l’ISL ne sont cependant pas infinies. Alors pour progresser a minima vers le TRL 6, l’équipe est désormais en quête d’un partenaire industriel susceptible de soutenir les prochaines phases de développement. Et, pourquoi pas, d’ensuite ouvrir la voie à une industrialisation.