De loin, difficile de le différencier d’un jerrycan. De près, son antenne trahit un objet high-tech : voici le CHIMERA 200, nouvelle solution de lutte antidrones mobile dévoilée cette semaine au salon de défense parisien Eurosatory par CERBAIR.
Dans la lutte antidrones, « 99% des usages actuels relèvent de personnels statiques ou semi-statiques. Ce sont, par exemple, des gens positionnés sur un toit ou qui accompagnent un véhicule à protéger », observe Charlie Pinedo, directeur des opérations de CERBAIR. Entre le système fixe et le fusil antidrones, il y a un trou capacitaire dans lequel cet acteur connu du segment a cherché à s’engouffrer, celui des systèmes embarqués sur véhicule. « C’est là qu’est née l’idée du jerrycan, ce bidon à carburant inventé par les Allemands dans les années 1930 ». Copié et adapté par toutes les armées, « on a pas fait mieux depuis alors ne réinventons pas la roue ».
Détection, caractérisation et brouillage : le CHIMERA 200 combine les trois fonctions dans un boîtier durci. Sa couverture spectrale s’étend de 400 MHz à 6 GHz. Il opère de façon directionnelle ou omnidirectionnelle. Côté performances, le CHIMERA 200 sera efficace dans un rayon de 1,5 km en détection. Une donnée relative, car la portée réelle dépend d’une multitude de facteurs extérieurs. « Nous ferons sans doute beaucoup mieux pour certaines situations, il est encore trop tôt pour le dire mais on voit des choses très encourageantes », nous précise-t-on.
Compact, le CHIMERA 200 s’intègre sur n’importe quelle plateforme pour assurer l’autoprotection des combattants embarqués ou de cibles à haute valeur ajoutée comme le canon automoteur CAESAR. Son installation, résumée d’un unique câble, permet à l’utilisateur de privilégier une logique de parc selon laquelle un système CHIMERA 200 n’est pas dédié à un véhicule précis mais embarque sur celui mobilisé pour la mission.
Qu’il soit opéré manuellement ou en mode automatique, le CHIMERA 200 permet de traiter la menace tout en restant sous blindage. Pratique pour une section embarquée ou pour un équipage de char pratiquement aveugle et totalement sourd à ce qui se trame dans la 3ème dimension. Et rien n’empêche de l’opérer comme système débarqué sur batteries internes pour la protection d’un bivouac ou de toute position fixe.
Faire passer l’ensemble du signal par une seule antenne aura été « un énorme défi technique ». Un choix audacieux qui facilite l’intégration tout en diminuant l’empreinte logistique : un seul câble à brancher, un seul consommable à remplacer en cas de casse, contrairement à certains systèmes concurrents parfois dotés d’une dizaine d’antennes. Et l’antenne peut aussi être déportée au moyen d’un câble pour garder le coeur du système à l’abri. Mais la vraie innovation est invisible.
« On a mis notre temps pour sortir cette nouvelle itération. Pourquoi ? Parce qu’on a bien travaillé sur les RETEX de nos utilisateurs sur le CHIMERA 100 », indique Charlie Pinedo. Et notamment sur l’équation complexe entre un besoin accru de fréquences de détection et de brouillage et l’adaptation rapide des drones. Autrefois long de six mois à un an, le cycle d’évolution du drone se compte désormais en semaines. Non seulement de nouvelles fréquences apparaissent, mais « les liaisons de données se perfectionnent pour opérer dans un environnement toujours plus chargé ».
Face à cette accélération et au risque d’obsolescence, CERBAIR a dû faire un compromis. Entre la couverture de l’ensemble du spectre et la compacité, l’entreprise a privilégié la seconde option en se concentrant sur l’essentiel. Ce sont, hormis les deux bandes large de 400 MHz à 6 GHz permettant de contrecarrer les sauts de fréquence adverses, des bandes fixes très communes comme les 2,4 GHz, 5 GHz et le GPS. « En réalité, 95% de la menace se situera sur les trois premières bandes que tout le monde utilise mais être capable d’aller au-delà est primordial », pointe Charlie Pinedo.
Autre nouveauté, le signal est cette fois généré numériquement et « à la volée », « un énorme changement par rapport à ce qui existe actuellement ». Innovant à plus d’un titre, le système repose sur une forme d’onde adaptative. Il pourra dès lors suivre l’évolution de la menace et étendre le spectre d’usages. Une caractéristique qui fait du CHIMERA 200 un système pérenne sur un cycle classique de cinq à 10 ans plutôt qu’un outil obsolète dans six mois.
Hormis la génération de signaux basiques, le CHIMERA 200 peut également rejouer des communications et réaliser du leurrage. « Si je veux commencer à émettre de la phonie en bande UHF, je peux. Si je veux faire semblant d’avoir 15 drones en l’air, je peux ». CHIMERA 200 devient à ce titre une brique élémentaire de guerre électronique. Demain, il pourra dépasser la LAD pour détecter un téléphone cellulaire, un talkie walkie émettant dans les bandes surveillées. Et parce que CERBAIR a vu loin, il y a intégré un petit module 4G pour, notamment, faire du monitoring et de la mise à jour à distance.
Facile d’emploi et ergonomique, le CHIMERA 200 « peut être mis dans les mains de n’importe qui ». Autrefois réservée aux spécialistes, la lutte antidrones doit progressivement devenir un sport de masse. L’armée de Terre, pour ne citer qu’elle, travaille à diffuser le bon réflexe dans ses régiments ainsi qu’à développer ses équipements. L’arrivée d’un outil comme le CHIMERA 200 s’accompagne d’un nécessaire changement de mentalité, car rien n’est plus naturel pour un militaire, un gendarme ou un policier que de neutraliser une menace en épaulant son arme. Demain, la LAD demandera de faire confiance au bouclier invisible généré automatiquement par la technologie.
Si la guerre électronique est sur toutes les lèvres, aucun programme d’équipement d’envergure ne s’est matérialisé jusqu’à présent en France. L’armée de Terre prévoyant de déployer des moyens de guerre électronique dans chaque régiment d’infanterie, il s’agira de trouver le bon équilibre entre une certaine prise de masse et le maintien de quelques systèmes haut de gamme.
Cette donnée de la masse, CERBAIR l’a d’emblée prise en compte en travaillant sur le coût total de possession. L’investissement de départ s’avère « très maîtrisé, a priori juste au dessus du fusil antidrones haut de gamme » et se complète d’une maintenance réduite au minimum et de la perspective d’évolutions logicielles nobligeant pas à remplacer le parc.
Cette brique, CERBAIR ne l’a pas créée seul. Très présent en Inde grâce à plusieurs contrats majeurs, l’entreprise y a établi les contacts préalables à tout passage à l’échelle. Des partenaires comme Paras Anti-Drone, filiale du groupe Paras Defense and Space mise à profit pour développer le CHIMERA 200. Un pari intelligent et qui répond à sa manière à l’injonction ministérielle d’une plus grande prise de risque des industriels pour aller marquer des points à l’export. « Notre conviction, c’est que le marché indien et l’export en général auront de très grands ordres de grandeur », nous explique-t-on. Aller chercher des marchés conséquents, c’est s’assurer d’amortir l’outil industriel et, in fine, de faire bénéficier la France d’économies d’échelle.
« On sort une brique prête à affronter le futur, très versatile et, surtout, simple et durcie. Le système est bien né », résume Charlie Pinedo. Désormais au stade de maturité technologique TRL 8, le CHIMERA 200 a passé la revue de conception critique (CDR), donc la finalisation des différentes logiques d’intégration de l’électronique. Bien dérisqué, le CHIMERA 200 sera disponible en fin d’année, assure CERBAIR.