La filière de défense française pourrait commencer à produire et maintenir des matériels militaires sur le sol ukrainien et en partenariat avec des acteurs locaux dès cet été, déclarait ce matin le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, au micro de RMC.
« Si l’Ukraine a besoin de plus de munitions d’artillerie et de missiles à plus longue portée pour repousser les attaques et libérer le territoire, vous avez la capacité de produire et d’acheter davantage de ces armes. Si le matériel militaire endommagé peut être réparé plus rapidement dans les bases en Ukraine plutôt qu’à l’étranger, nous devons dès lors créer les capacités appropriées en Ukraine », rappelait hier le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, lors d’une vidéoconférence initiée par la France et ayant rassemblé une trentaine de pays.
Message reçu côté français, où l’on s’active pour rapprocher les outils et compétences industriels de la ligne de front. « Des entreprises françaises vont créer des partenariats, trois d’entre elles notamment [dans les secteurs des] drones et matériels terrestres, pour produire sur le sol ukrainien des pièces détachées, peut-être même des munitions demain », indiquait le ministre des Armées.
Citée en exemple par Sébastien Lecornu, la pépite toulousaine Delair a déjà livré 150 drones UX 11 et DT 26 aux forces ukrainiennes. Le droniste s’apprête à en fournir 150 de plus, ainsi que 100 munitions téléopérées en partenariat avec Nexter (KNDS France).
Quant aux matériels terrestres, difficile de ne pas penser à Arquus et Nexter. Prendre pied sur le sol ukrainien leur permettrait notamment d’accélérer et de partager les savoir-faire en matière de soutien des quelque 250 VAB, 120 P4, 38 AMX 10 RC et de la cinquantaine de canons CAESAR, entre autres, fournis à l’armée ukrainienne au 31 décembre 2023. Critique, la localisation de la production de munitions s’avère aussi plus complexe à mettre en oeuvre. Ce dossier « prendra plus de temps », admettait le ministre des Armées.
« Les discussions ont lieu avec des entreprises ukrainiennes, l’idée c’est de trouver un partenariat local pour créer des accords commerciaux qui permet aussi d’ailleurs, accessoirement, de regarder ce que sera le marché ukrainien interne. Pardon de le dire comme cela, mais nous défendons aussi nos intérêts en faisant cela. Vous savez que d’autres pays ne se privent pas actuellement pour le faire », pointait Sébastien Lecornu.
De fait, d’autres se sont déjà engagés sur cette voie depuis plusieurs mois. Dès août 2023, le géant britannique BAE Systems ouvrait un bureau à Kiev en présence du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avec pour objectif de fabriquer conjointement certains armements, dont l’obusier de 105 mm L119.
Deux mois plus tard, le groupe rhénan Rheinmetall établissait une coentreprise avec UkrOboronProm, baptisée « Rheinmetall Ukrainian defense industry LLC ». Derrière l’enjeu initial de soutien des systèmes livrés, la structure prépare le terrain pour une production conjointe en territoire ukrainien.
Pour la BITD française, l’heure est donc au changement de braquet. « L’idée, nous sommes au mois de mars, étant d’avoir les premiers outils de production qui fonctionnent à l’été », annonçait le ministre des Armées.