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Comment élèves ingénieurs et 1er RPIMa planchent ensemble sur les innovations d’aujourd’hui et de demain

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Avis aux ingénieurs en herbe de tous horizons : le 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine (1er RPIMa) a besoin de vous. En pointe en matière d’innovation, cette unité de l’armée de Terre dédiée à l’action spéciale a réuni le 24 et le 25 mars près de 200 élèves ingénieurs pour un « innovathon ». L’objectif ? Rassembler des étudiants autour d’une vingtaine de défis techniques et tenter de les résoudre en moins de 24 heures.

Des étudiants en appui des « éclaireurs de l’innovation »

Qualifiés d’ « éclaireurs de l’innovation » par la ministre des Armées Florence Parly, les forces spéciales ont depuis toujours joué un rôle de laboratoire dont les expérimentations bénéficient à l’ensemble des armées. Parce qu’ils agissent en petits détachements isolés, avec des moyens limités, parfois en « zone grise » mais toujours en misant sur la prise d’initiative et l’agilité, leur structure est nativement favorable à l’innovation en boucle courte et à petite échelle.

L’idée d’un événement pour capter les bonnes idées issues du monde étudiant a émergé il y a environ deux ans, fruit du dialogue établi de longue date entre la cellule recherche et développement du 1er RPIMa et l’École supérieure des technologies industrielles avancées (ESTIA) de Bidart (Pyrénées-Atlantique). Un partenariat des plus bénéfiques, car cette école renommée organise depuis longtemps des challenges de type « 24h de l’innovation ».

Grâce la force de frappe de la DGA, une version spéciale  s’est finalement tenue il y a une dizaine de jours dans les locaux de l’ESTIA. Au sein de la DGA, le portage venait surtout de l’équipe du projet de technologies de défense (PTD) CENTURION, axé sur le développement du combattant débarqué de demain et auquel les forces spéciales sont associées.

Avec environ 200 étudiants de neufs écoles ayant répondu à l’appel, cette édition inaugurale a attiré bien plus de participants qu’attendus. Hormis les locaux de l’étape, les renforts sont arrivés de Supaéro, de Centrale, de l’X, de l’ENSTA Paris, de l’ENSTA Bretagne, des Arts et Métiers, de l’ENSC Bordeaux et de l’ESDL. Un signal de plus de l’intérêt d’envergure nationale porté par la génération montante pour le secteur de l’armement.

Buggy lance-roquettes et poche de sang « blindée »

Ces « 24h de l’innovation » reprennent les codes du hackathon cher aux entreprises de l’informatique ou au Commandement de la cyberdéfense : vingt-deux défis techniques déterminés par les forces spéciales, la DGA ou le BattleLab Terre sont soumis à l’ensemble des étudiants, qui auront 24 heures pour concevoir et défendre leur solution. Une solution dont l’application pourra s’étendre au-delà des seules forces spéciales pour répondre aux besoins de tout combattant débarqué.

Au top départ, aux élèves de se raccrocher au sujet de leur choix pour former des équipes pluridisciplinaires, chacune chapeautée par un coach du 1er RPIMa, du Battle Lab Terre, de start-ups locales ou d’un industriel du programme CENTURION. En découle un mélange des compétences propice à la synergie créative, à la convergence d’idées en provenance de domaines d’études très différents, du design à l’aéronautique. Le 1er RPIMa fournit une partie des matériels concernés et l’expertise de son FABLAB tandis que l’ESTIA a mis l’ensemble de ses moyens scientifiques à disposition.

Le ciment a manifestement bien pris. Premier exemple de défi, l’intégration d’un panier à roquettes dérivé de celui de l’hélicoptère Tigre sur un buggy Polaris MRZR du 1er RPIMa. Aidés par un représentant de Thales et un équipier spécialiste des vecteurs, les futurs ingénieurs et designers sont parvenus à créer un bras articulé répondant à toutes les contraintes d’emploi imposées par cette arme.

Équipement du combattant, armement, capteurs, matériel médical, etc. : 22 défis ont été proposés aux étudiants lors de cette première édition, remise de prix à la clef (Crédits : Ministère des Armées)

Dans le segment des drones ensuite, l’un des enjeux était cette fois de parvenir à « muscler » un vecteur très agile en service au 1er RPIMa mais non conçu pour l’emport d’une charge utile. La miniaturisation croissante permettrait néanmoins d’y accoler une petite capacité additionnelle, tels qu’un désignateur laser ou une alarme. Ni ce drone, ni les charges utiles ne sont fondamentalement inédits. À l’instar de l’exemple précédent, l’innovation repose ici aussi sur la volonté de réunir des technologies à l’origine « éloignées » afin de déterminer de nouveaux usages.

L’un des groupes a quant à lui planché sur le développement d’un outil de désignation  de cibles. Ce qui se révèle très simple de nuit l’est en effet beaucoup moins en journée. Pour résoudre l’équation, l’équipe en charge a eu l’idée d’ajouter un filtre infrarouge sur une caméra . L’ensemble permet de suivre le point laser en plein jour. Sur les questions de santé enfin, d’autres ont travaillé sur la protection des poches de sang, particulièrement vulnérables au combat. Les contraintes ne se limitent pas à une question de résistance physique, il fallait aussi éviter un choc thermique susceptible de détériorer le sang, le tout dans la durée. Ici, les réflexions ont principalement porté sur l’utilisation de matériaux isolants.

Un rendez-vous générateur de vocations

Challenge oblige, l’événement ne pouvait se conclure sans une remise de prix. Au terme des 24 heures imparties, chaque équipe est venue « pitcher » son projet durant trois minutes devant un jury composé des acteurs institutionnels et industriels cités plus haut.

Verdict : le premier prix revient à un système d’affût capable d’être monté sur n’importe quel véhicule léger « d’opportunité » rencontré en opération. Polyvalent et escamotable, il autorise l’emport de plusieurs types d’armes collectives tout permettant à l’équipage de remballer le système pour assurer sa discrétion. Hormis le modèle quasi universel du pick-up Toyota, les lauréats ont étendu l’usage aux embarcations fluviales du 1er RPIMa. S’il ne bouleverse sans doute pas l’art de la guerre, cet affût a cela de novateur qu’il peut être usiné au sein d’un FABLAB sur la seule base des plans imaginés par les étudiants.

Derrière ces illustrations très concrètes, les 24h de l’innovation soulevaient également des thématiques tant prospectives que prometteuses. C’est le cas notamment de la récupération d’énergie dans l’environnement, qu’il soit urbain ou autre. Une problématique qui touche tout soldat, mais s’avère déterminante pour certains équipements énergivores des forces spéciales. La piste explorée ? L’exploitation d’un matériau qui, une fois chauffé, génère de l’électricité.

L’engouement ne s’est pas évanoui sitôt sorti des auditoires de l’ESTIA. Au contraire, 24 heures auront suffit pour susciter des vocations pour la carrière militaire ou d’ingénieur de l’armement. Pour plusieurs, le sujet sur lequel ils ont planché durant une journée pourrait être l’amorce d’un mémoire de fin d’étude. Dans la même optique, d’autres envisagent maintenant de mettre en place des groupes de travail dans leur école.

Pas d’inquiétude pour les absents, la vingtaine de thématiques sont loin d’avoir épuisé la question de l’innovation. Le champ retenu cette année découlait aussi du tropisme « techniques industrielles » de l’ESTIA et des outils qu’elle peut mettre à disposition. Le 1er RPIMa planche donc déjà sur une seconde édition. Celle-ci se rapprochera davantage du hackathon classique pour s’attaquer cette fois aux problématiques de la transformation numérique opérationnelle. Si les planètes s’alignent correctement, rendez-vous est pris pour fin 2022, début 2023.

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