Menacé, le programme franco-belge CaMo ? Que du contraire, la nouvelle Vision stratégique de la Défense belge maintiendra le cap pour finaliser la transformation de sa brigade médiane et équiper d’autres unités, acquisitions et développements conjoints de nouveaux matériels à la clef.
Cinq mois après sa formation, le gouvernement belge a validé vendredi dernier l’actualisation de la Vision stratégique de la Défense. Engagé en 2016 puis renouvelé en 2022, l’effort suppose d’investir 139 Md€ entre 2026 et 2034 pour parvenir aux 2,5% du PIB consacrés aux dépenses militaires à l’horizon 2035. Il doit encore être traduit en une loi de programmation militaire dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2026.
Plus d’un quart de l’enveloppe sera consacrée aux investissements capacitaires. Quelque 13,8 Md€ de crédits d’engagement sont fléchés vers la Force Terrestre. La plupart, près de 10 Md€, doit permettre « l’acquisition des véhicules et des équipements manquants pour viser la finalisation de la constitution et l’opérationnalisation de la brigade motorisée interarmes médiane (Medium Brigade) et de ses moyens d’appui », pointe le document. Lancé en 2018 au profit de ladite brigade, le partenariat stratégique CaMo y jouera encore un rôle central.
« Le partenariat binational avec la France sera poursuivi et approfondi sur le plan expéditionnaire, en visant autant que possible un alignement en matière de doctrine, de développement capacitaire, d’innovation, de formation et d’entraînement, tout en intégrant la dimension linguistique de notre pays dans la mise en œuvre », confirme la Vision stratégique.
Si les volets doctrinaux, de la formation, de l’entraînement ou des stocks de munitions sont lancés et sur trajectoire, d’autres dossiers doivent encore se matérialiser. C’est le cas des infrastructures, du soutien et d’un complément de véhicules SCORPION. Les principaux bénéficiaires ? Les unités d’une brigade motorisée d’environ 7800 personnels et d’un futur bataillon de reconnaissance belgo-luxembourgeois mis sur pied d’ici à 2028.
Les 406 Griffon et 60 Jaguar déjà commandés ne suffiront pas. Pour compléter et finaliser sa brigade médiane, la Défense prévoit l’acquisition de 12 Jaguar supplémentaires ainsi que de 85 Serval. S’y ajouteront 315 véhicules de liaison et de commandement Falcon et de 454 camions acquis en dehors de CaMo. Équiper les deux escadrons belges du bataillon binational Ermesinde exigera par ailleurs de commander 11 Griffon, 24 Jaguar et deux Serval.
Si le Griffon formera l’ossature de l’infanterie et le Jaguar celui de la cavalerie, la modularité du Serval l’amènera à équiper un vaste panels d’unités. La dernière mouture de la Vision stratégique le place ainsi au sein d’un escadron de renseignement au contact, d’un escadron multi-senseur pour l’appui au renseignement et d’un escadron de drones tactiques armés. Son acquisition doit encore être formalisée, mais le Serval équipera également les unités de soutien au combat, que sont le bataillon logistique, la police militaire, les CIMIC et PsyOps, ou encore les détachements d’évacuation sanitaire grâce à une version dédiée opérant auprès du Griffon SAN.
D’autres Serval opéreront en dehors de la capacité motorisée, en appui d’unités logistiques et de soutien interarmées. Il armera notamment les compagnies de protection propres au bataillon logistique d’appui général (ou National Support Element) et au bataillon RSOM (pour Reception, Staging and Onward Movement). La Vision stratégique ne le dit pas, mais plusieurs versions du Serval pourront contribuer à combler certains trous capacitaires belges dans les champs de la défense sol-air basse couche et de la guerre électronique, entre autres.
« Les futurs incréments du programme SCORPION permettront d’élargir et de renforcer les capacités des forces terrestres au contact en s’appuyant sur les technologies disponibles, susceptibles de “changer la donne” », rappelle la Vision stratégique. De fait, d’autres objets devraient émerger de développements cette fois conduits en format binational. Ce sont essentiellement le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et l’engin du génie de combat (EGC).
En développement depuis fin 2021, le VBAE « se déclinera en plusieurs versions et sera notamment utilisé pour la reconnaissance, l’aide à l’engagement ou la désignation d’objectifs ». Il viendra remplacer les Falcon de la brigade médiane, reversés à terme dans une brigade interarmes légère que la Belgique s’est engagée à créer. Derrière les escadrons de reconnaissance et d’intervention des deux bataillons de cavalerie, le VBAE équipera aussi l’escadron de renseignement au contact relevant de l’appui au combat. Quant à l’EGC, la Défense le destine à la compagnie d’appui général du bataillon de génie de la brigade. Entre 24 et 49 engins pourraient être achetés par la Belgique sur base d’un contrat dont la notification est envisagée pour début 2027.
D’autres besoins exprimés pourraient émerger du programme CaMo, ou à tout le moins contribuer à renforcer l’interopérabilité avec l’armée de Terre. Exemple avec un appui à la mobilité que la Belgique envisage aussi au travers de ponts mobiles, lancement à la clef d’un appel d’offres pour lequel l’industrie française ne manque pas d’atouts. Enfin, toutes les options restent ouvertes pour la constitution d’une batterie de lance-roquettes multiples, une nouveauté pour la Force Terrestre. Ici, ni calendrier, ni cible précise pour un sujet financé au travers des 417 M€ fléchés vers l’appui-feu et pour lequel un rapprochement avec la France n’est pas exclu.
Crédits image : Défense / Gert-Jan D’haene