MGCS : et maintenant, la Belgique ?

(Crédits : KNDS/Rheinmetall)

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Rejoindre la France et l’Allemagne dans leur projet commun de char du futur (MGCS), quelques pays explorent l’idée mais aucun n’a jusqu’à présent franchi ce cap. Après le Royaume-Uni ou la Pologne, un comité d’experts mandaté par le ministère de la Défense belge suggère que la Belgique tente à son tour d’intégrer ce programme.

Répondre aux objectifs de l’OTAN

C’est l’une des recommandations poussées par les 12 experts du Comité Stratégique dans l’optique d’une mise à jour de la Vision stratégique de 2016 : « envisager une participation potentielle de la Belgique au futur système principal de combat terrestre (MGCS) franco-allemand ».

L’idée, suggérée à la ministre de la Défense Ludivine Dedonder pour son travail d’actualisation, est très séduisante et n’est pas la première tentative du genre. La réactivation d’une capacité « lourde » avait déjà été évaluée lors de l’élaboration de la Vision stratégique de 2016. Et avait été aussitôt recalée, la Défense ne disposant alors ni des ressources humaines, ni des compétences nécessaires.

Six ans plus tard, le contexte stratégique a radicalement évolué et justifierait la consolidation d’une Composante Terre qui, selon les 12 experts du Comité Stratégique, « présente le plus de lacunes ». En misant sur MGCS, la Belgique répondrait notamment aux objectifs capacitaires dictés par l’OTAN, « qui résultent de la nécessité de pouvoir renforcer le flanc Est dans des scénarios de crise », souligne le rapport du Comité Stratégique.

Pour autant, cette proposition n’aura pas manqué d’interpeller certains députés de la commission de la Défense nationale, les libéraux Denis Ducarme (MR) et Jasper Pillen (Open-VLD). Car rejoindre MGCS semble, du moins pour l’instant, hors de portée tant les inconnues sont nombreuses.

La première étant la poursuite même du programme, ralentie par les discussions entre industriels. Faute d’accord, les parlementaires allemands n’ont su acter l’octroi d’un nouveau financement avant la tenue des prochaines élections fédérales, elles aussi annonciatrices d’un décalage calendaire. Il n’y a par ailleurs pas de volonté, pour l’instant, d’ouvrir la collaboration à d’autres acteurs. En France, le chef d’état-major des Armées, le général François Lecointre, confirmait l’intention d’ « éviter une coopération étendue tous azimuts à des partenaires notamment tchèques, polonais ou autres, avant d’avoir réussi à bien construire le partenariat franco-allemand sur ce thème-là ».

Quelle place pour le « petit poucet » belge dans MGCS ? (Crédits : DGA/ministère des Armées)

Quelle place pour la Belgique ?

Côté belge, le premier écueil relève de la cohérence capacitaire. La Défense a tourné le dos aux chars de combat en 2014 avec le retrait des derniers Leopard 1A5. MGCS n’arrivant au mieux qu’à l’horizon 2040, elle devra se réapproprier des capacités et des compétences « oubliées » durant plus d’un quart de siècle. Cela impliquerait également une dispersion des moyens à l’heure où il est impératif de se concentrer sur la montée en puissance du programme CaMo.

Derrière tout participant à MGCS se cache aussi un client. Or, que peut espérer acquérir la Belgique ? Au mieux, une poignée de systèmes complets, donc un micro parc onéreux à opérer et à maintenir. Éventuellement, une ou plusieurs composantes d’un système en théorie multi-plateformes. Au pire, seulement quelques briques permettant d’assurer l’interopérabilité entre véhicules belges et chars étrangers. Dans tous les cas, la Belgique ne serait qu’un client de second ou de troisième rang, avec des conséquences sur l’étendue de sa participation.

Restera ensuite à apporter des garanties financières et industrielles pour acter la participation au programme de développement. L’intégration de la Belgique ne pourrait intervenir que dans une phase ultérieure, avec un ticket d’entrée potentiellement plus élevé que celui exigé pour les étapes de lancement. La France et l’Allemagne ont tous deux investis 15 M€ pour mettre MGCS sur les rails. Le prochain jalon, relatif au développement d’une première série de huit Main Technological Demonstrators, demandera à chacun d’investir 100 M€.  

L’argument le plus solide à l’heure actuelle est probablement celui des capacités industrielles et de R&D. Bien que limitée en taille, la BITD belge a des compétences clefs à mettre sur la table. Les Liégeois John Cockerill Defense et FN Herstal en premier, l’un pour les fonctions simulation et armement principal et l’autre pour l’automatisation et l’armement secondaire. En visant large, la Belgique peut aussi parier sur son implication dans le programme européen iMUGS, dont certaines briques d’automatisation pourraient bifurquer vers une plateforme lourde.

Pousser sur l’offre industrielle viendrait par ailleurs soutenir la volonté de rapprochement entre militaires, entreprises et chercheurs belges, l’un des objectifs de la note de politique générale de la ministre Dedonder. Plusieurs députés libéraux cherchent aujourd’hui à compléter cette initiative grâce à un texte reprenant certains éléments du rapport des experts et bientôt soumis au vote.

Recommandation n’est pas décision, et il faudra attendre le dépôt d’un projet d’actualisation d’ici au 21 juillet prochain pour se faire une idée plus précise du degré d’ambition belge, que ce soit pour MCGS ou pour l’ensemble des recommandations présentées ce matin.