Mecar, la pépite belge du groupe Nexter

Crédits : Nexter

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Strictement franco-français Nexter ? Pas tout à fait. Voici huit ans que le groupe a pris pied en Belgique suite à l’acquisition de Mecar. Depuis, cette filiale spécialisée dans les munitions de moyens et gros calibres se modernise et poursuit sa croissance avec le soutien de la maison-mère. Une dynamique que la ministre de la Défense belge, Ludivine Dedonder, est venue constater in situ ce mardi.

Un fleuron de la BITD belge

Créé en 1938 par Edgar Brandt, également à l’origine de l’ex-TDA Armements, Mecar a traversé les décennies sans jamais bouger de son site de 40 hectares niché au sud de Bruxelles. Depuis plus de 80 ans, ses employés y entretiennent des compétences rares, dont un échantillon a été présenté ce mardi à une délégation du ministère de la Défense belge. 

Voici plusieurs mois que la ministre de la Défense belge multiplie les visites auprès des industriels afin d’entretenir le dialogue et de renforcer la filière défense nationale. Dans le cas de Mecar, ce déplacement « est aussi une reconnaissance de l’industrie de défense en Belgique, en Europe », déclarait à cette occasion le PDG du groupe Nexter, Nicolas Chamussy.

De la grenade à fusil à l’obus de 120 mm pour char de combat, Mecar propose une gamme vaste mais complémentaire des deux autres filiales de la branche munitionnaire de Nexter, Nexter Arrowtech. La conception et la production de ces solutions mobilisent aujourd’hui 380 employés, dont une fraction non négligeable d’intérimaires engagés pour soutenir « une charge assez élevée en ce moment ». Une activité en hausse qui se reflète dans les chiffres des résultats et projections annuels. « Forte » l’an dernier, l’activité devrait être « très forte » cette année, estime Christophe Monnier. Après l’écueil de la crise sanitaire, le chiffre d’affaires a rebondi à 63 M€ en 2021. Il devrait atteindre 115 M€ en 2022.

« Mecar et l’international, c’est déjà une très longue histoire », complète Christophe Monnier. Nexter y a apporté d’autres marchés et sa force de frappe commerciale. Résultats : une quarantaine de clients réguliers ou ponctuels et une entreprise qui continue d’exporter plus de 90% de sa production.

Signe d’un regain d’intérêt des autorités belges pour la filière défense nationale, la ministre de la Défense Ludivine Dedonder s’est rendue en personne ce mardi chez Mecar (Crédits : Nexter)

Les bienfaits de l’ « effet groupe »

Cette visite ministérielle « traduit aussi la force du partenariat entre la Belgique et la France », soulignait Nicolas Chamussy. Un partenariat stratégique entre deux pays autour du programme majeur CaMo bien sûr, mais aussi un partenariat bénéfique entre un groupe de carrure européenne et sa filiale belge.

Entre autres manifestations concrètes, Mecar est désormais le centre de compétence du groupe Nexter sur les sujets des munitions flèches, de l’activité de coulage du phosphore, de la préparation des compositions fumigènes et éclairantes. Les recherches profitent entre autres aux grenades fumigènes de 76 mm utilisées pour masquer un véhicule.

Nexter débloque par ailleurs des budgets « particulièrement élevés qui nous permettent d’améliorer nos outils de production pour gagner en performance, en fiabilité et en productivité », effort essentiel dans un segment munitionnaire très concurrentiel. En 2022, l’investissement consenti s’élèvera à 2,5 M€.

Ici et là parmi la centaine de bâtiments du site, les indices d’un effort global de modernisation se multiplient. L’entreprise a ainsi réceptionné il y a quelques mois un robot manipulateur conçu pour faciliter l’usinage des pénétrateurs de moyens calibres. « Nous avons également acheté une nouvelle machine pour l’usinage des sabots de moyens calibres ».

Et le cycle se poursuit et se poursuivra dans d’autres ateliers. Depuis quelques semaines, Mecar dispose d’une machine dédiée au chargement automatique de la poudre propulsive. Deux autres projets se matérialiseront prochainement : un robot de chargement automatique des mortiers de 120 mm et l’amélioration de la station de coulage d’explosif « pour avoir un meilleur contrôle sur les paramètres de coulage et de refroidissement ».

Fournisseur et partenaire de la Composante Terre

La ministre de la Défense le réaffirme régulièrement, « la Défense belge veut être un partenaire des entreprises comme des centres de recherche ». Pour l’entreprise hennuyère, cette relation existe de longue date et sera encore renforcée à court terme. « Depuis de nombreuses années, Mecar développe, produit et livre des munitions pour l’armée belge », rappelle Christophe Monnier. L’activité générée avec le client national atteint en moyenne entre 5 et 6 M€ par an. Les commandes en cours portent sur des obus de 90 mm et de 30 mm, dont une nouvelle version d’entraînement de ce dernier, l’obus de 30 mm TPT. Celui-ci est l’objet d’un nouveau contrat-cadre signé il y a quelques mois. La première tranche sera livrée au printemps 2023.

Dans un autre registre, « nous serons peut-être amenés à intervenir dans le cadre du contrat CaMo », pour lequel Nexter a été désigné comme maître d’œuvre industriel. Les premières livraisons au profit de la Composante Terre ne commenceront qu’en 2025, mais Mecar se positionne d’ores et déjà comme un fournisseur potentiel. Le munitionnaire est par exemple qualifié pour la production d’un certain nombre de composants, « notamment, pour les flèches et les sabots des munitions de 40 mm qui seront utilisées par le Jaguar », mentionne Christophe Monnier. De même, ses équipes pourraient être amenées à produire des pièces métalliques et les compositions éclairantes ou fumigènes des munitions de 155 mm du canon automoteur CAESAR NG, également retenu par la Belgique.

Crédit : Nexter

Derrière les contrats et futures opportunités, « nous avons des compétences mutuelles à partager dans un certain nombre de domaines », relève Christophe Monnier. Mecar a ainsi établi des contacts avec l’École royale militaire (ERM) dans le cadre de la formation en balistique. Spécifique et complexe, cette discipline n’est pas nécessairement maîtrisée par les jeunes ingénieurs engagés par le munitionnaire, qui les enverra alors à Bruxelles pour être formés par l’ERM. Celle-ci met aussi ses laboratoires à disposition pour soutenir Mecar dans la conduite d’essais de caractérisation très spécifiques, « notamment lorsque nous avons besoin de mesurer l’impact électrostatique ».

Depuis peu, Mecar dialogue avec le Centre d’essai des matériels et de la Direction générale des ressources matérielles (DGMR, la DGA belge) pour leur permettre de réaliser une campagne de tirs sur base des canons de 105 mm LG1 de la Composante Terre. Un coup de pouce qui se matérialisera en octobre prochain au Portugal. Nexter dispose en effet depuis quelques années d’un champ de tir installé sur la base aérienne d’Alcochete, dans la banlieue lisboète. Le lieu autorise les tirs directs jusqu’à 2500 m et indirects jusqu’à 11 km. Les moyens de mesure qui y sont installées permettent d’étudier et de vérifier les performances de munitions allant de la cartouche de 7,65 mm à l’obus de 140 mm.

Derrière la production, l’innovation

L’aventure de Mecar a démarré grâce une innovation, l’obusier pneumatique de 60 mm conçu par Edgar Brandt, et continue avec la même ligne de conduite. L’entreprise investira 1,5 M€ en 2022 en R&D. L’effort, avec les subsides décrochés auprès des autorités, appuie un bureau d’études de 35 salariés « qui permet de continuer à développer notre gamme de munitions et d’apporter en permanence les performances qui sont demandées par les diverses forces armées que nous servons ».

Ici, ni impression 3D – une technologie trop « jeune » ce domaine – ni solutions « disruptives », mais des actions de R&D répondant à des besoins concrets remontés de la clientèle. Le travail porte par exemple sur certains paramètres des obus flèches et sur les compositions pyrotechniques des munitions fumigènes et éclairantes infrarouges, le tout pour augmenter sensiblement les capacités opérationnelles des munitions.

Mecar est également partie prenante dans cinq projets de R&D pilotés par le Pôle MécaTech et financés en partie par la Région wallonne. L’un d’entre eux, le projet NextGeneration Powder, est encore actif. Conduit avec l’ERM, l’Université de Liège (ULiège) et la société PB Clermont, il vise au développement d’une nouvelle poudre propulsive sphérique de granulométrie et contenu énergétique supérieur via un nouveau procédé de fabrication. L’objectif sera « d’une part d’augmenter la portée des munitions de 120 mm et d’autre part d’augmenter les performances des munitions de moyens calibres 35 et 30 mm ».

Le projet MRIPF, ensuite, avait pour enjeu de développer un modèle numérique de rupture de matériau. Mecar avait pour rôle de réaliser des tests et de livrer les résultats à ses partenaires universitaires et privés pour leur permettre de valider le système numériquement. Celui-ci est clos, mais il illustre à lui seul l’agilité et les compétences qu’a su maintenir une petite entreprise au fil d’une histoire riche et parfois mouvementée, mais à présent bien ancrée sous la bannière Nexter.